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18/10/2018 | FRANCE | N°17PA02750

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 18 octobre 2018, 17PA02750


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2016 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays où il pourrait être reconduit.

Par un jugement n° 1622181/4-2 du 7 avril 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistré

s les 5 août 2017 et 17 juillet 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2016 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays où il pourrait être reconduit.

Par un jugement n° 1622181/4-2 du 7 avril 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 août 2017 et 17 juillet 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1622181/4-2 du 7 avril 2017 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2016 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions litigieuses ont été prises par une autorité incompétente ;

- la décision lui refusant un titre de séjour est entachée d'un vice de forme en ce qu'elle est stéréotypée et insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit car le préfet s'est cru tenu de la prendre à la suite du refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet aurait dû recueillir l'avis du service médical de la préfecture sur son état de santé ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il ne pourrait avoir accès à un traitement approprié en cas de retour au Burkina Faso ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 16 juin 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 juin 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Legeai a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant burkinabé né en janvier 1954 et entré en France en octobre 2002 selon ses déclarations, a sollicité le 25 novembre 2015 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 juillet 2016 pris après avis de la commission du titre de séjour, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays où il pourrait être reconduit. M. A... fait régulièrement appel du jugement du 7 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions attaquées :

2. M. A...reprend en appel le moyen qu'il avait développé devant les premiers juges tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 2 du jugement litigieux, dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet de police n'aurait pas été absent ou empêché.

Sur la décision de refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, la motivation " doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". L'arrêté attaqué mentionne l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement duquel le préfet a examiné la demande ainsi que l'avis de la commission du titre de séjour. Il précise les éléments de fait, tenant à l'ancienneté de présence sur le territoire français et à la situation familiale de l'intéressé, qui ont été retenus pour estimer que M. A...ne justifiait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à justifier une admission exceptionnelle au séjour. En outre, le préfet n'ayant pas été saisi d'une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et M. A...n'ayant pas invoqué son état de santé, la décision attaquée n'avait pas à mentionner celui-ci. Le refus de séjour comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est suffisamment motivé.

4. En deuxième lieu, la circonstance que M. A...séjournerait sur le territoire français depuis plus de dix ans, si elle a justifié la saisine de la commission du titre de séjour, ne saurait à elle seule constituer le " motif exceptionnel " d'admission au séjour requis par les dispositions de l'article L. 313-14 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance que le préfet a fait état de la vie privée et familiale de l'intéressé ne démontre pas qu'il se serait mépris sur le fondement de sa demande alors que, comme dit ci-dessus, il a bien visé l'article L. 313-14 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui était invoqué. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen et de l'erreur de droit doit être écarté.

5. En troisième lieu, M. A...fait valoir qu'il résidait en France depuis presque quatorze ans à la date de la décision contestée et qu'il y avait fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux, et soutient que le préfet ne pouvait, du fait de l'avis rendu par la commission du titre de séjour, ignorer ses problèmes de santé. Toutefois, il ressort des pièces du dossier M. A..., s'il a fait état de problèmes de santé devant la commission, n'a apporté aucun justificatif devant le préfet. S'agissant de sa situation personnelle et familiale, il est constant qu'il est marié avec une ressortissante du Burkina-Faso résidant en Côte d'Ivoire, que ses cinq enfants vivent également à l'étranger, dont deux dans son pays d'origine, et qu'il ne justifie d'aucune insertion professionnelle. Dès lors, le préfet de police a pu refuser de l'admettre exceptionnellement au séjour sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée / Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que l'obligation de quitter le territoire français qui accompagne un refus de titre de séjour n'a pas faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Le moyen tiré d'une insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit donc être écarté.

8. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

9. Dans les circonstances rappelées au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait porté au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'obligation de quitter le territoire français a été prise. Il n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle de l'intéressé.

10. En troisième lieu, l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose, dans sa rédaction applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux trois premiers alinéas de l'article R. 313-22 ". En vertu des dispositions de l'article R. 313-22 : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

11. D'une part, il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du directeur général de l'agence régionale de santé compétente, ou, à Paris, du médecin chef du service médical de la préfecture de police. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est atteint d'une maladie asthmatique pour laquelle il fait l'objet d'un traitement médical depuis 2004 ainsi que d'une hépatite B chronique, a demandé en vain des titres de séjour en faisant valoir son état de santé en 2005 et 2009 mais avait formulé sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, en 2015, sans mentionner celui-ci. La seule circonstance que la commission du titre de séjour a rendu un avis défavorable en suggérant qu'il reformule sa demande sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'obligeait pas le préfet de police à saisir pour avis le médecin chef du service médical de la préfecture de police. Le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

12. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits, que M. A...faisait, à la date de la décision litigieuse, l'objet en France d'un suivi régulier pour son hépatite B et bénéficiait pour son asthme de prescriptions régulières de médicaments. Toutefois, les éléments produits ne sont pas suffisants pour établir que le défaut de prise en charge médicale pouvait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni que le traitement approprié n'était pas disponible dans le pays de renvoi. Il n'y a pas lieu de tenir compte des autres pathologies apparues en 2017, après les décisions litigieuses. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

13. En premier lieu, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté en conséquence du rejet des conclusions à fin d'annulation de cette décision.

14. En second lieu, l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". En vertu des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

15. Pour les motifs mentionnés au point 12, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A...aurait, du fait de son état de santé, été menacé de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, verse à Me B... une somme sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.

Le rapporteur,

A. LEGEAI La présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 17PA02750


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02750
Date de la décision : 18/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. PLATILLERO
Avocat(s) : PACHECO

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-10-18;17pa02750 ?
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