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23/10/2018 | FRANCE | N°17PA00941

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 23 octobre 2018, 17PA00941


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence conservé par le président de la société Orange sur ses demandes tendant à ce que soient établis des listes d'aptitude, des examens professionnels et des tableaux d'avancement au titre des années 1993 à 2014 et à ce qu'il soit nommé au grade de contrôleur divisionnaire à compter du 1er avril 1993 ;

2°) d'enjoindre à la société Orange d'établir des listes d'aptitude

et des tableaux d'avancement pour le grade de contrôleur divisionnaire, de 1993 à 2004 ;

3°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence conservé par le président de la société Orange sur ses demandes tendant à ce que soient établis des listes d'aptitude, des examens professionnels et des tableaux d'avancement au titre des années 1993 à 2014 et à ce qu'il soit nommé au grade de contrôleur divisionnaire à compter du 1er avril 1993 ;

2°) d'enjoindre à la société Orange d'établir des listes d'aptitude et des tableaux d'avancement pour le grade de contrôleur divisionnaire, de 1993 à 2004 ;

3°) d'enjoindre à la société Orange de procéder à l'établissement de listes d'aptitude et de tableaux d'avancement ou de procéder rétroactivement à des examens professionnels pour le grade de contrôleur divisionnaire pour les années 2005 à 2014 ;

4°) d'enjoindre à la société Orange de le nommer au grade de contrôleur divisionnaire à compter du 1er avril 1993.

Par un jugement n° 1514961/5-2 du 2 février 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2017, M.C..., représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 2 février 2017 et de renvoyer l'affaire au tribunal administratif ;

2°) à titre subsidiaire :

- de réformer le jugement du Tribunal administratif de Paris du 2 février 2017 ;

- d'annuler la décision implicite du président de la société Orange mentionnée ci-dessus ;

- d'enjoindre à la société Orange de réexaminer rétroactivement ses possibilités de promotion interne au grade de contrôleur divisionnaire par l'établissement rétroactif de listes d'aptitudes et de tableaux d'avancement pour les années 1993 à 2004, et pour les années 2005 à 2014 ;

- d'enjoindre à la société Orange de le nommer au grade de contrôleur divisionnaire à compter du 1er avril 1993 ;

3°) de mettre à la charge de la société Orange le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué a " dénaturé " ses écritures ;

- il n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la société Orange était tenue d'établir rétroactivement des listes d'aptitudes ;

- la Cour devra renvoyer l'affaire devant le Tribunal administratif de Paris ;

- France Télécom a illégalement organisé la promotion au bénéfice des fonctionnaires reclassés après 1993 sous la seule forme du concours et a ainsi bloqué sa carrière jusqu'en 2014 ;

- la société Orange était tenue de procéder à l'établissement des listes d'aptitudes et des tableaux d'avancement pour les années 1993 à 2004 ;

- elle était également tenue de procéder à l'établissement de listes d'aptitudes et de tableaux d'avancement pour les années 2005 à 2014 ; le dispositif de promotion interne qu'elle a alors mis en oeuvre et qui ne comporte que des concours est illégal au regard de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984, au regard du décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004, et au regard des décrets n° 90-1238 du 31 décembre 1990 et n° 64-953 du 11 septembre 1964 ;

- la décision refusant de le nommer au grade de contrôleur divisionnaire à compter du 1er avril 1993 méconnaît l'autorité de la chose jugée par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 24 novembre 2010 qui a reconnu qu'il remplissait les conditions pour être promu au grade de contrôleur divisionnaire à compter de 1992 et qu'il avait été privé d'une chance sérieuse d'être promu à ce grade.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2018, la société Orange, représentée par Me A...et MeG..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 1 500 euros soit mis à la charge de M. C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 février 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 mars 2018.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 23 février 2018, M. C...conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Par un nouveau mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2018, la société Orange conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire en défense par les mêmes moyens.

Deux mémoires ont été présentés pour la société Orange le 13 juillet et le 24 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 64-953 du 11 septembre 1964 ;

- le décret n° 90-1238 du 31 décembre 1990 ;

- le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 ;

- le décret n° 2011-1672 du 29 novembre 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour M.C....

1. Considérant que M. E...C..., fonctionnaire, employé par France Télécom, devenu la société Orange, a intégré le grade de reclassement de chef technicien de section à compter de 1991 ; qu'il a accédé, le 1er mars 2014, au grade supérieur de contrôleur divisionnaire et a été admis à la retraite à compter du 1er septembre 2014 ; que, par un arrêt du 24 novembre 2010, le Conseil d'Etat a jugé notamment que M. C...devait être regardé comme ayant été privé d'une chance sérieuse d'accéder au corps des contrôleurs divisionnaires de France Télécom si des promotions dans ce corps avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires " reclassés " après 1993 et avant l'entrée en vigueur du décret du 26 novembre 2004, visé-ci-dessus, et a condamné solidairement l'Etat et France Télécom à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de cette perte de chance sérieuse ; que, par lettre du 20 mai 2015, réceptionnée le 22 mai suivant, M. C...a demandé au président de la société Orange de le nommer au grade de contrôleur divisionnaire (B...) à compter du 1er avril 1993, après établissement d'une liste d'aptitude et d'un tableau d'avancement, et de procéder à la reconstitution de sa carrière jusqu'en 2014 ; que cette réclamation a fait l'objet d'un rejet implicite par le président de la société Orange, que M. C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler ; qu'il fait appel du jugement du 2 février 2017 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, pour rejeter les conclusions à fin d'annulation de MC..., le tribunal administratif a relevé qu'il ne résulte ni de la décision n° 331228 du Conseil d'Etat du 24 novembre 2010 l'indemnisant de la perte d'une chance sérieuse d'accéder au grade des contrôleurs divisionnaires de France Télécom à compter de 1993, ni de la décision du Conseil d'Etat n° 328419 du 19 juillet 2010 retenant la responsabilité pour faute de France Télécom et de l'Etat à ne pas avoir mis en place des dispositifs de promotion interne pour les agents reclassés, qu'une décision rétroactive fût nécessaire pour assurer la continuité de sa carrière ou régulariser sa situation ; que le tribunal a également relevé que, dans sa décision du 24 novembre 2010, le Conseil d'Etat n'avait pas enjoint à France Télécom de procéder à la reconstitution de sa carrière ; qu'en statuant ainsi, il a, sans " dénaturer " les écritures de M.C..., nécessairement écarté le moyen tiré de ce que France Télécom aurait été tenu d'établir rétroactivement des listes d'aptitudes en vue de sa nomination au grade de contrôleur divisionnaire à compter du 1er avril 1993, et de la reconstitution de sa carrière ; que par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier pour n'avoir pas répondu à ce moyen ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ni la décision n° 331228 du Conseil d'Etat du 24 novembre 2010, ni la décision du Conseil d'Etat n° 328419 du 19 juillet 2010, ni d'ailleurs aucune autre décision de justice ou disposition législative, n'impliquent que soient rétroactivement établies des listes d'aptitude et des tableaux d'avancement ou que la carrière de M. C...soit rétroactivement reconstituée ; que M. C...n'est donc pas fondé à invoquer l'autorité de la chose jugée qui s'attache à ces décisions pour demander l'annulation de la décision par laquelle le président de la société Orange a implicitement refusé d'établir des listes d'aptitude et des tableaux d'avancement au titre des années 1993 à 2004, de le nommer au grade de contrôleur divisionnaire à compter du 1er avril 1993 et de procéder à la reconstitution de sa carrière jusqu'en 2014 ;

4. Considérant, en second lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...), mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : 1°) Examen professionnel 2°) Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) " ; qu'en vertu de l'article 10 de la même loi : " En ce qui concerne les membres des corps recrutés par la voie de l'Ecole nationale d'administration, des corps enseignants et des personnels de la recherche, des corps reconnus comme ayant un caractère technique, les statuts particuliers pris en la forme indiquée à l'article 8 ci-dessus peuvent déroger, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat prévu à l'article 13 ci-après, à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins propres de ces corps ou aux missions que leurs membres sont destinés à assurer, notamment pour l'accomplissement d'une obligation statutaire de mobilité. Les statuts particuliers de corps interministériels ou communs à plusieurs départements ministériels ou établissements publics de l'Etat peuvent déroger, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins propres à l'organisation de la gestion de ces corps au sein de chacun de ces départements ministériels ou établissements (...) " ; qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom : " Les dispositions de l'article 10 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée s'appliquent à l'ensemble des corps de fonctionnaires de La Poste et de France Télécom. " ;

5. Considérant, d'autre part, que l'article 3 du décret n° 64-953 du 11 septembre 1964 et l'article 4 du décret n° 90-1238 du 31 décembre 1990 relatifs au statut particulier du corps des contrôleurs divisionnaires, applicables jusqu'à la date d'entrée en vigueur du décret n° 2011-1672 du 29 novembre 2011 prévoyant un recrutement par concours interne, avaient prévu pour ce corps un mode de recrutement par la voie d'une liste d'aptitude établie à la suite d'un examen professionnel ;

6. Considérant qu'alors même que la société Orange fait valoir qu'elle a choisi de privilégier la voie du concours interne, cette circonstance ne la dispensait pas d'appliquer les dispositions des décrets du 11 septembre 1964 et du 31 décembre 1990 mentionnées au point qui précède, qui ne comportent aucune dérogation prévue à l'article 10 de la loi du 11 juillet 1984, jusqu'à leur abrogation par le décret du 29 novembre 2011 ; qu'en s'en abstenant, la société Orange a commis une illégalité fautive ;

7. Considérant que, si ainsi qu'il vient d'être dit, la société Orange a commis une illégalité fautive entre 2004 et 2011 en privilégiant la voie du concours interne, ni cette circonstance, ni le fait évoqué au point 1 que le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 24 novembre 2010, a estimé qu'il avait été privé d'une chance sérieuse d'accéder au corps des contrôleurs divisionnaires de France Télécom avant l'entrée en vigueur du décret du 26 novembre 2004, ne créent, par eux-mêmes, un droit à une reconstitution rétroactive de carrière au profit de l'intéressé ; que, par suite, c'est à bon droit que le président de la société Orange a refusé de procéder à la reconstitution de sa carrière en le nommant au grade de contrôleur divisionnaire à compter du 1er avril 1993 ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Orange, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de la société Orange présentées sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Orange, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C...et à la société Orange.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 octobre 2018.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA00941


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00941
Date de la décision : 23/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Entrée en service - Concours et examens professionnels.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Effets des annulations - Reconstitution de carrière.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : CABINET DE GUILLENCHMIDT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-10-23;17pa00941 ?
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