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10/12/2018 | FRANCE | N°17PA01734

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 décembre 2018, 17PA01734


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Essar Shipping Logistics a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions n° 16/028-1408NCE019, n° 16/027-1406NCE005 et n° 16/026-1406NCE008 du 12 janvier 2016 par lesquelles l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) lui a infligé des amendes administratives d'un montant respectif de 21 000 euros, 30 000 euros et 15 000 euros, pour dépassement par ses aéronefs, entre le 12 juin et le 23 août 2014, des heures limites d'arrivée ou de départ de l'aire d

e stationnement de l'aérodrome de Nice Côte d'Azur, ou, à défaut, de réduire l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Essar Shipping Logistics a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions n° 16/028-1408NCE019, n° 16/027-1406NCE005 et n° 16/026-1406NCE008 du 12 janvier 2016 par lesquelles l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) lui a infligé des amendes administratives d'un montant respectif de 21 000 euros, 30 000 euros et 15 000 euros, pour dépassement par ses aéronefs, entre le 12 juin et le 23 août 2014, des heures limites d'arrivée ou de départ de l'aire de stationnement de l'aérodrome de Nice Côte d'Azur, ou, à défaut, de réduire le montant de ces amendes à 5 000 euros.

Par un jugement n°s1606626, 1606631, 1606647 du 4 avril 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2017, la société Essar Shipping Logistics, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions rendues à son encontre par l'ACNUSA le 12 janvier 2016 et de prononcer la décharge du paiement, ou à titre subsidiaire, de réduire le montant des amendes qui lui ont été ainsi infligées ;

Elle soutient que :

- les procès-verbaux de manquements établis à son encontre sont entachés d'incompétence de leur auteur ;

- la procédure de notification des infractions relevées est irrégulière en ce qu'il s'est écoulé un délai anormalement long entre la commission des infractions et leur notification à la compagnie ;

- les procès-verbaux de manquements ne font pas foi des infractions relevées au regard de la mesure de la marge acoustique ;

- le mode de détermination du montant des amendes, défini de façon peu précise dans le code des transports, porte atteinte à la sécurité juridique des compagnies ;

- le montant des amendes prononcées par l'ACNUSA est disproportionné au regard de celles prononcées habituellement, pour les mêmes faits, par cette autorité.

Par un mémoire, enregistré le 15 février 2018, l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, représentée par son président, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'aviation civile ;

- le code des transports ;

- l'arrêté du 24 juillet 1991 relatif aux conditions d'utilisation des aéronefs civils en aviation générale ;

- l'arrêté du 2 mars 2010 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Nice Côte d'Azur (Alpes-Maritimes) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mantz,

- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public,

- et les observations de Mme B...pour l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA).

Considérant ce qui suit :

1. l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) a, par trois décisions du 12 janvier 2016, infligé à la société Essar Shipping Logistics trois amendes d'un montant respectif de 21 000 euros, 30 000 euros et 15 000 euros pour avoir fait atterrir et décoller de nuit, à l'aérodrome de Nice Côte d'Azur, les 12 juin, 13 juin et 23 août 2014, un aéronef de type Boeing 737, en méconnaissance des restrictions d'exploitation imposées par l'arrêté du 2 mars 2010 susvisé concernant cet aéroport. La société Essar Shipping Logistics relève appel du jugement du 4 avril 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces trois décisions.

Sur les sanctions litigieuses :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 6361-12 du code des transports : " L'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires prononce une amende administrative à l'encontre : 1° De la personne exerçant une activité de transport aérien public au sens de l'article L. 6412-1 (...) ne respectant pas les mesures prises par l'autorité administrative sur un aérodrome fixant : a) Des restrictions permanentes ou temporaires d'usage de certains types d'aéronefs en fonction de leurs émissions atmosphériques polluantes, de la classification acoustique, de leur capacité en sièges ou de leur masse maximale certifiée au décollage ; (...) c) Des procédures particulières de décollage ou d'atterrissage en vue de limiter les nuisances environnementales engendrées par ces phases de vol (...) ". L'article L. 6361-13 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, issue de l'article 90 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, précise que : " Les amendes administratives mentionnées à l'article L. 6361-12 ne peuvent excéder, par manquement constaté, un montant de 1 500 € pour une personne physique et de 20 000 € pour une personne morale. S'agissant des personnes morales, ce montant maximal est porté à 40 000 € lorsque le manquement concerne : (...) 2° Les mesures de restriction des vols de nuit. Ces amendes font l'objet d'une décision motivée notifiée à la personne concernée. Elles sont recouvrées comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine. Elles peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction. Aucune poursuite ne peut être engagée plus de deux ans après la commission des faits constitutifs d'un manquement ". Et aux termes des dispositions du IV de l'article 1er de l'arrêté du 2 mars 2010 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Nice Côte d'Azur : " (...) aucun des aéronefs équipés de turboréacteurs dont la certification acoustique répond aux normes du chapitre 3 de la deuxième partie du premier volume de l'annexe 16 de la convention relative à l'aviation civile internationale du 7 décembre 1944 avec une marge cumulée inférieure à 13 EPNdB ne peut : - atterrir entre 23h30 et 6h15, heures locales d'arrivée sur l'aire de stationnement ; / - décoller entre 23h15 et 6 heures, heures locales de départ de l'aire de stationnement ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 24 juillet 1991 relatif aux conditions d'utilisation des aéronefs civils en aviation générale : " L'annexe au présent arrêté prescrit les conditions d'utilisation des aéronefs civils pour toute activité autre que celles couvertes par les arrêtés relatifs aux conditions d'utilisation des avions et des hélicoptères exploités par une entreprise de transport aérien et autre que celle des essais-réceptions (...) ". Aux termes de l'annexe audit arrêté : " 4.1.2. Un vol ne peut être entrepris que si le commandant de bord s'est préalablement assuré qu'il est réalisable par l'équipage et par l'aéronef, dans le respect de la réglementation. / 4.5.1. Le commandant de bord doit veiller à respecter les lois, réglementations et procédures des Etats dans lesquels les opérations sont effectuées et qui sont relatives à l'accomplissement de ses tâches. / 4.5.2. L'exploitant doit veiller à ce que tous les membres de l'équipage de conduite qu'il emploie aient une bonne connaissance des lois, réglementations et procédures des Etats dans lesquels les opérations sont effectuées et qui sont relatives à l'accomplissement de leurs tâches. / 5.1.1. Un aéronef doit être utilisé conformément aux conditions définies par les documents associés à son certificat de navigabilité, par son laissez-passer, ou par son autorisation de vol (...) ". Et aux termes de l'article R. 133-2-1 du code de l'aviation civile : " Doivent se trouver à bord ceux des documents suivants qui sont exigés, en fonction du type d'aéronef et de la nature du vol, par les arrêtés prévus au d ) de l'article R. 133-3 : (...) - le document de navigabilité ; / - le certificat de limitation de nuisances (...) ".

5. Il est constant qu'un aéronef de type Boeing 737 de la société Essar Shipping Logistics, répondant aux normes du chapitre 3 de la deuxième partie du premier volume de l'annexe 16 de la convention relative à l'aviation civile internationale du 7 décembre 1944, avec une marge acoustique de 11,6 EPNdB, a atterri sur l'aérodrome Nice Côte d'Azur le 12 juin 2014 à 5 heures 41 minutes et le 23 août 2014 à 3 heures 14 minutes, et que ce même appareil a décollé de cet aéroport le 13 juin 2014 à 2 heures 2 minutes, en méconnaissance des heures limites d'atterrissage ou de décollage imposées par les dispositions susvisées du IV de l'arrêté du 2 mars 2010.

6. La société requérante soutient, en premier lieu, que les procès-verbaux de manquements établis à son encontre sont entachés d'incompétence de leur auteur. Elle n'apporte toutefois au soutien de ce moyen, déjà soulevé, dans les mêmes termes, devant le Tribunal administratif de Paris, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation que les premiers juges ont, à bon droit, portée sur ce moyen qui doit, dès lors, être écarté par adoption des motifs retenus par le tribunal.

7. En second lieu, la société soutient que la procédure de notification des infractions relevées serait irrégulière en ce qu'il se serait écoulé un délai anormalement long entre la commission des infractions et leur notification à la compagnie, notamment un délai d'environ huit mois entre la commission des deux premières infractions, les 12 et 13 juin 2014, et leur notification effectuée le 10 février 2015. Il en serait résulté pour la société Essar Shipping Logistics une impossibilité d'avoir connaissance du fait qu'elle commettait des infractions, ce qui l'aurait, notamment, privé de la possibilité de ne pas commettre la troisième infraction. Il résulte toutefois des dispositions qui précèdent, notamment celles de l'arrêté du 24 juillet 1991 relatif aux conditions d'utilisation des aéronefs civils en aviation générale, qu'il incombe, d'une part, aux exploitants d'aéronefs de veiller au respect, par les membres de l'équipage, de l'ensemble des règlementations en vigueur, notamment la réglementation environnementale, tant sur l'aéroport de départ que de celui d'arrivée et, d'autre part, au commandant de bord de veiller au respect de ladite règlementation, notamment à l'aide du certificat de limitation de nuisances qui doit être à jour et à bord, afin de s'assurer que la marge acoustique de l'appareil lui permet d'atterrir sur l'aérodrome de destination en conformité avec celle-ci. La société requérante ne peut ainsi utilement faire valoir qu'elle ignorait, en toute bonne foi, qu'elle se trouvait en infraction au regard des normes environnementales imposées par l'arrêté du 2 mars 2010 susmentionné. En tout état de cause, et ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la notification des procès-verbaux de manquements établis à l'encontre de la société est intervenue moins de deux ans après la commission des faits litigieux, conformément aux dispositions susvisées, alors en vigueur, de l'article L. 6361-13 du code des transports. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.

8. En troisième lieu, la société requérante soutient que les faits retenus à son encontre ne sont pas établis dès lors que les procès-verbaux de manquements, qui ne précisent pas la méthode de mesure de la marge acoustique relevée par ceux-ci, ne sont, en conséquence, pas suffisamment probants. Elle n'apporte toutefois au soutien de ce moyen, déjà soulevé, dans les mêmes termes, devant le Tribunal administratif de Paris, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation que les premiers juges ont, à bon droit, portée sur ce moyen qui doit, dès lors, être écarté par adoption des motifs retenus par le tribunal.

9. Enfin, la société Essar Shipping Logistics soutient que le montant des amendes qui lui ont été infligées est disproportionné au regard de celles habituellement prononcées par l'ACNUSA. Elle fait notamment valoir que sur 65 décisions de cet organisme relatives à des infractions similaires commises sur l'aérodrome Nice Côte d'Azur, 39 n'ont donné lieu à aucune sanction et quatre seulement ont donné lieu à une amende supérieure ou égale à 15 000 euros, alors que les trois sanctions qui lui ont été infligées sont de ce dernier type, s'agissant en outre de premières infractions au regard desquelles sa bonne foi est avérée. Toutefois, les allégations de la société requérante ne sont établies par aucun document, notamment un relevé de décisions de l'ACNUSA. En outre, et à supposer même les éléments chiffrés allégués par la société requérante établis, ceux-ci se révéleraient en tout état de cause dépourvus de caractère probant dès lors qu'ils ne distinguent pas les sanctions prononcées à compter du 1er janvier 2014, date d'entrée en vigueur de l'article L. 6361-13 du code des transports dans sa version issue de l'article 90 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012, qui prévoit un doublement du montant maximal des amendes lorsque le manquement concerne les mesures de restriction des vols de nuit, et celles prononcées antérieurement à cette date. De plus, l'ACNUSA soutient, sans être contredite, qu'elle prend en considération, pour fixer le montant des amendes, différents facteurs tels que la marge acoustique de l'appareil, l'heure à laquelle se sont produits les manquements litigieux, la densité des populations survolées ainsi que le caractère de réitération éventuelle desdits manquements. Au soutien de ce moyen de défense, l'Autorité produit un relevé précis de décisions prises par elle dans des cas d'infractions similaires, commises après le 1er janvier 2014, pour des appareils de classification identique au regard des normes environnementales et à des heures comparables, permettant d'établir qu'en prononçant à l'encontre de la société

Essar Shipping Logistics trois amendes d'un montant respectif de 21 000 euros, 30 000 euros et 15 000 euros, l'ACNUSA n'a pas infligé de sanction disproportionnée au regard des manquements avérés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Essar Shipping Logistics n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes et, par voie de conséquence, à demander la décharge du paiement ou la réduction du montant des sanctions litigieuses.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Essar Shipping Logistics demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Essar Shipping Logistics est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Essar Shipping Logistics et à l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA).

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Heers, président de chambre,

Mme Julliard, présidente-assesseure,

M. Mantz, premier conseiller,

Lu en audience publique le 10 décembre 2018.

Le rapporteur,

P. MANTZ

Le président,

M. HEERS

Le greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01734


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01734
Date de la décision : 10/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Nature et environnement - Divers régimes protecteurs de l`environnement - Lutte contre les nuisances sonores et lumineuses.

Transports - Transports aériens - Aéroports - Nuisances causées aux riverains.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : ZERBIB

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-10;17pa01734 ?
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