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20/12/2018 | FRANCE | N°17PA00200

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 décembre 2018, 17PA00200


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... G... épouseC..., M. H...C...et M. B...C...ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'ordonner une expertise médicale, réalisée par un expert dont la spécialité devra être le dommage corporel dans les situations de grand handicap, afin de chiffrer les besoins en tierce personne de Mme G...épouse C...depuis son retour à domicile et à partir de la date de consolidation, de décrire et qualifier le préjudice et/ou l'incidence professionnelle résultant de l'opération du 23 mars 2010, de fixe

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... G... épouseC..., M. H...C...et M. B...C...ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'ordonner une expertise médicale, réalisée par un expert dont la spécialité devra être le dommage corporel dans les situations de grand handicap, afin de chiffrer les besoins en tierce personne de Mme G...épouse C...depuis son retour à domicile et à partir de la date de consolidation, de décrire et qualifier le préjudice et/ou l'incidence professionnelle résultant de l'opération du 23 mars 2010, de fixer le taux de déficit fonctionnel permanent et de dire s'il en existe une aggravation depuis la consolidation ; dans cette hypothèse, d'allouer à Mme G...épouse C...une provision complémentaire de 60 000 euros ; à titre subsidiaire, de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à Mme G... épouse C...la somme de 805 702,50 euros, à M. B... C... la somme de 13 000 euros et à M. H...C...la somme de 18 000 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'opération subie par Mme G... épouse C...le 23 mars 2010 et de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris aux dépens.

Par un jugement n° 1414324/6-2 du 8 novembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à Mme G... épouse C...la somme de 363 096,72 euros au titre de ses préjudices, à M. H... C... la somme de 18 000 euros au titre de ses préjudices, à M. B... C... la somme de 6 000 euros au titre de ses préjudices, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 120 577,33 euros au titre des débours qu'elle a effectués pour le compte de Mme G...épouseC..., cette somme portant intérêts et capitalisation des intérêts, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, au titre des frais de santé futurs, une rente annuelle payable à chaque année échue, dont le montant sera déterminé sur justificatifs dans la limite d'un montant maximal de 14 670,09 euros, la somme de 5 023,34 euros à la Mutuelle générale de l'éducation nationale au titre des débours qu'elle a effectués pour le compte de Mme G...épouseC..., cette somme portant intérêts, à la Caisse des dépôts et consignations la somme de 34 301,85 euros au titre des prestations qu'elle a servies à Mme G...épouseC..., a mis à la charge définitive de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 3 602 euros, a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a rejeté le surplus des conclusions de la requête, des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et des conclusions de la Caisse des dépôts et consignations.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 janvier 2017, régularisée le 19 janvier 2017, et un mémoire en réplique, enregistré le 18 septembre 2017, la Caisse des dépôts et consignations, représentée par MeE..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1414324/6-2 du 8 novembre 2016 du Tribunal administratif de Paris en tant que ce jugement n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 132 055,51 euros au titre des prestations versées pour le compte de Mme G...épouse C...;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a commis deux erreurs dans le calcul des pertes de gains professionnels futurs pour la période allant du 1er novembre 2015 au 1er septembre 2018 ;

- le tribunal administratif a commis une autre erreur dans le calcul de l'incidence professionnelle (considérant n° 38) en procédant une nouvelle fois par déduction des revenus effectivement perçus par MmeC... à compter du 1er septembre 2018 de ceux qu'elle aurait perçus en l'absence de faute.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2017, et un nouveau mémoire enregistré le 22 novembre 2018, la Mutuelle générale de l'éducation nationale, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 2 500 euros soit mis à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle a versé, au profit de MmeC..., des prestations qui s'élèvent à la somme totale de 5 023,34 euros.

Par un mémoire en appel provoqué, enregistré le 3 avril 2017, et un nouveau mémoire enregistré le 27 novembre 2018, Mme G... épouseC..., M. H...C...et M. B...C..., représentés par Me Dufau, concluent à ce que les préjudices économiques soient portés à la somme totale de 330 293,88 euros, soit 75 305,58 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs subies par Mme C...du 1er novembre 2015 au 1er septembre 2018, 194 988,30 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs capitalisés que subira Mme C...à compter du 1er septembre 2018 et 60 000 euros au titre de l'incidence professionnelle subie ; de cette somme totale devra être déduite la créance de la Caisse des dépôts et consignations ; dans une première hypothèse où cette créance serait estimée à 123 940,77 euros, un solde de 206 353,11 euros devrait revenir à MmeC..., le jugement attaqué devrait être réformé dans cette mesure ; dans une seconde hypothèse, si la créance de la Caisse des dépôts et consignations est limitée jusqu'à l'âge légal de départ en retraite, soit en l'espèce en septembre 2018, les consorts C...concluent à ce qu'il soit enjoint à la Caisse des dépôts et consignations de produire sa nouvelle créance capitalisée selon cette donnée, et de déduire cette créance de l'indemnité qui doit revenir à MmeC..., le jugement attaqué devant être réformé dans cette mesure. Les consorts C...concluent enfin à ce que le versement de la somme de 3 000 euros, ainsi que les dépens, soient mis à la charge de tout succombant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2018, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la Caisse des dépôts et consignations ne sont pas fondés ;

- l'appel provoqué des consorts C...n'est pas recevable dès lors que l'appel formé par la Caisse des dépôts et consignations n'est pas de nature à porter atteinte à la situation de Mme C... telle qu'elle résulte du jugement attaqué.

Une ordonnance de clôture d'instruction a été prise le 19 novembre 2018 pour une clôture le vendredi 30 novembre 2018 à 12 heures 00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code de la sécurité sociale,

- le code de la mutualité,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me Dufau, avocat des consortsC....

Considérant ce qui suit :

1. En premier lieu, il ressort des motifs du jugement attaqué qu'il a distingué deux périodes, celle allant de la date de consolidation (23 mars 2012) à la date à laquelle Mme C...a été mise en invalidité et a fait valoir ses droits à la retraite (31 octobre 2015) (point 35), puis la période allant de la date à laquelle la victime a perçu une pension de retraite (1er novembre 2015) à la date théorique à laquelle Mme C...aurait pu faire valoir ses droits à la retraite (1er septembre 2018). Il ressort du point 36 du jugement attaqué que le tribunal administratif, pour déterminer la perte de gains professionnels futurs de la victime pour la période allant du 1er novembre 2015 au 1er septembre 2018, a procédé à un calcul de la différence entre le traitement que Mme C...aurait perçu si elle était restée en poste et les sommes qui lui ont été versées au titre de sa pension de retraite pendant cette période, soit une différence qui s'élève, pour la période considérée, à la somme de 55 212,76 euros. D'une part, les premiers juges n'étaient pas tenus de procéder préalablement à un calcul d'actualisation, et notamment, comme le soutient la requérante, des revenus de la victime antérieurs à la faute médicale, un tel calcul ne présentant d'intérêt que dans l'hypothèse d'un calcul du préjudice comportant une date future incertaine et lointaine, pour compenser les conséquences de l'inflation, et non, comme en l'espèce, lorsque le calcul du préjudice est enserré entre deux dates certaines et rapprochées l'une de l'autre (1er novembre 2015 - 1er septembre 2018). D'autre part, le calcul auquel ont procédé les premiers juges, qui ont suivi la méthode d'évaluation des préjudices préconisée par l'avis du Conseil d'Etat du 4 juin 2007 (n° 303422, 304214), n'a pour effet, contrairement à ce que soutient la Caisse des dépôts et consignations, ni de préjudicier aux droits de la victime, ni de minorer la base sur laquelle est imputée la créance de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, subrogée dans les droits de la victime.

2. En deuxième lieu, la Caisse des dépôts et consignations soutient que, dès lors que Mme C..., à la date du 1er septembre 2018, qui correspondait à l'âge légal auquel elle pouvait faire valoir ses droits à la retraite, ne pouvait se prévaloir que de 139 trimestres cotisés et ne pouvait donc percevoir une pension de retraite à taux plein, celle-ci subissant une décote, aurait travaillé jusqu'à la limite d'âge pour exercer ses fonctions, soit en septembre 2023, date à laquelle elle aurait cotisé pendant 159 trimestres. Toutefois, il résulte de l'instruction que MmeC..., dans ses mémoires, a toujours indiqué qu'elle aurait fait valoir ses droits à la retraite dès qu'elle aurait atteint l'âge légal pour pouvoir le faire, c'est-à-dire au 1er septembre 2018. Par suite, c'est sans commettre d'erreur que les premiers juges ont fondé leurs calculs sur l'hypothèse selon laquelle Mme C...aurait fait valoir ses droits à la retraite le 1er septembre 2018.

3. En troisième lieu, il ressort des motifs du jugement attaqué que les premiers juges, pour déterminer le poste de préjudice constitué par l'incidence professionnelle, ont, dans le point 38 du jugement, déterminé la perte de retraite future de Mme C...à compter du 1er septembre 2018, calculée par soustraction entre la pension de retraite théorique et la pension de retraite réelle, et ont procédé à un calcul actualisé de ce préjudice pour obtenir un capital de 13 659,91 euros ; ils ont ensuite évalué le préjudice correspondant à l'incidence professionnelle stricto sensu à la somme de 16 000 euros. Dans le point 39 du jugement attaqué, ils ont déterminé la pension anticipée versée par la Caisse des dépôts à Mme C...entre le 1er novembre 2015 et le 30 août 2018 (47 961,76 euros) ; ils ont ensuite procédé à une compensation, eu égard à la circonstance que la Caisse des dépôts et consignations avait fait une " économie ", du fait de la décote, comme il a été dit ci-dessus, en versant à Mme C...une pension de retraite plus faible que celle à laquelle elle aurait eu normalement droit, en soustrayant la somme de 13 659,91 euros à l'indemnité qui devait être mise à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris en remboursement des arrérages de la pension versés à MmeC... à titre anticipé, pour condamner ainsi l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à rembourser à la Caisse des dépôts et consignations la somme de 34 301,85 euros. Les premiers juges ont enfin procédé à une récapitulation générale des indemnités dues aux points 55 à 57 du jugement attaqué. En procédant comme il vient d'être dit, les premiers juges, contrairement à ce que soutient la Caisse des dépôts et consignations, n'ont méconnu d'une part aucune règle juridique, mais ont recherché, au contraire, à ce que l'indemnisation soit exacte et ne conduise pas à un enrichissement sans cause de l'une des parties, et d'autre part n'ont pas indument minoré la base sur laquelle est imputée la créance de la Caisse des dépôts et consignations. Par suite, la Caisse des dépôts et consignations n'est pas fondée à soutenir que ce calcul serait erroné.

4. Il résulte de tout ce qui précède que la Caisse des dépôts et consignations n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 8 novembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à Mme C... la somme de 363 096,72 euros au titre de ses préjudices, à M. H... C... la somme de 18 000 euros au titre de ses préjudices, à M. B... C... la somme de 6 000 euros au titre de ses préjudices, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 120 577,33 euros au titre des débours qu'elle a effectués pour le compte de Mme C..., cette somme portant intérêts et capitalisation des intérêts, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, au titre des frais de santé futurs, une rente annuelle payable à chaque année échue, dont le montant sera déterminé sur justificatifs dans la limite d'un montant maximal de 14 670,09 euros, la somme de 5 023,34 euros à la Mutuelle générale de l'éducation nationale au titre des débours qu'elle a effectués pour le compte de MmeC..., cette somme portant intérêts, à la Caisse des dépôts et consignations la somme de 34 301,85 euros au titre des prestations qu'elle a servies à MmeC..., a mis à la charge définitive de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 3 602 euros, a condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a rejeté le surplus des conclusions de la requête, des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et des conclusions de la Caisse des dépôts et consignations. Par voie de conséquence, les conclusions de la Caisse des dépôts et consignations présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. En outre, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la Mutuelle générale de l'éducation nationale au titre des frais liés à l'instance et exposés par elle.

Sur la recevabilité de l'appel provoqué des consortsC... :

5. Il résulte de tout ce qui précède que l'appel formé par la Caisse des dépôts et consignations n'a pas pour effet de porter atteinte à la situation des consortsC.... Par suite, leurs conclusions à fin d'appel provoqué sont irrecevables et doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Caisse des dépôts et consignations est rejetée.

Article 2 : Les conclusions à fin d'appel provoqué présentées par les consorts C...sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la Mutuelle générale de l'éducation nationale, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Caisse des dépôts et consignations, à Mme D... G... épouseC..., à M. H...C..., à M. B...C..., à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et à la Mutuelle générale de l'éducation nationale.

Copie en sera adressée à la Ville de Paris et à la Mutuelle complémentaire de la ville de Paris

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.

Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADELe greffier,

C. POVSELa République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 17PA00200


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00200
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Exécution du traitement ou de l'opération.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DELECROIX

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-20;17pa00200 ?
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