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31/12/2018 | FRANCE | N°17PA03696

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 31 décembre 2018, 17PA03696


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2015 par lequel la maire de Paris l'a suspendu de ses fonctions.

Par un jugement n° 1602047/2-3 du 5 octobre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 décembre 2017 et le 16 novembre 2018, M.B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler c

et arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2015 par lequel la maire de Paris l'a suspendu de ses fonctions.

Par un jugement n° 1602047/2-3 du 5 octobre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 décembre 2017 et le 16 novembre 2018, M.B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- la présentation des faits par la ville de Paris est entachée d'erreurs délibérées sur les dates ;

- la procédure préalable facultative, à laquelle s'est soumise la ville de Paris en organisant l'entretien du 7 décembre 2015, qui n'était pas un entretien d'information mais un interrogatoire, méconnaît le principe de loyauté, a été de nature à influencer la décision de suspension et l'a privé d'une garantie ;

- les faits qui lui sont reprochés datent pour l'essentiel de 2013 et n'ont pas été estimés graves à l'époque par le directeur du conservatoire ; leur vraisemblance et leur gravité ne sauraient, dès lors, pas davantage être établies en 2015 ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2018, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-A..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 1 500 euros soit mis à la charge de M. B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Un mémoire a été présenté pour la ville de Paris le 4 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mantz,

- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public,

- les observations de Me D...pour M. B...et de Me A...pour la ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 7 décembre 2015, la maire de la ville de Paris a suspendu de ses fonctions M.B..., professeur des conservatoires de Paris de classe normale, affecté au conservatoire du 20ème arrondissement de Paris. Par la présente requête, M. B...relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Il ressort des pièces du dossier que la maire de la ville de Paris, reprochant à M. B... des comportements et propos inappropriés, sur la base notamment de témoignages de parents d'élèves recueillis par la direction des affaires culturelles, a décidé, par l'arrêté attaqué, de suspendre M. B...de ses fonctions à compter de la notification de cet arrêté.

3. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. (...) Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. (...) ". La mesure provisoire de suspension prise sur le fondement de ces dispositions ne présente pas par elle-même un caractère disciplinaire mais est uniquement destinée à écarter temporairement un agent du service, en attendant qu'il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation. Elle peut être légalement prise dès lors que l'administration est en mesure de formuler à l'encontre de l'intéressé des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave.

4. En premier lieu, M. B...soutient que, en organisant le 7 décembre 2015 un entretien préalable à la mesure de suspension prise à son encontre, la ville de Paris a choisi de se soumettre à une procédure préalable facultative qu'elle n'a pas mise en oeuvre dans des conditions régulières, méconnaissant notamment l'obligation de loyauté à laquelle elle est en tout état de cause soumise ainsi que le droit d'être entendu avant l'adoption d'une mesure individuelle défavorable et de présenter des observations utiles et effectives en ayant, notamment, accès à son dossier. Il précise à cet égard qu'il a été trompé sur l'objet de cet entretien, présenté comme un entretien de notation. Il soutient en outre que cet entretien, qui s'est déroulé en présence du directeur du conservatoire, du responsable du pôle personnel et du sous-directeur de l'administration générale, s'est apparenté à un interrogatoire qui a été de nature à influencer le sens de la décision prise à son encontre et l'a privé d'une garantie.

5. Toutefois, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire comme facultatif par l'administration, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Or, d'une part, une mesure de suspension, mesure conservatoire adoptée dans l'intérêt du service, n'a pas à être précédée d'une procédure comportant les garanties de la procédure disciplinaire ni celles précédant l'adoption d'une mesure prise en considération de la personne. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'entretien du 7 décembre 2015, aurait influencé le sens de la décision contestée dans la présente instance, dès lors que le secrétaire général de la ville de Paris, qui n'assistait pas à l'entretien, l'avait déjà signée avant sa remise en mains propres à M. B...à l'issue de cet entretien. Dès lors, à supposer même que la ville de Paris ait entendu faire précéder la mesure de suspension d'une procédure préalable en convoquant l'intéressé à l'entretien du 7 décembre 2015, les conditions de déroulement de cette procédure resteraient sans incidence sur la légalité de la suspension. Il s'ensuit que les moyens énoncés au point 4 doivent être écartés.

6. En deuxième lieu, la maire de Paris s'est fondée, pour prononcer la mesure contestée, d'une part, sur deux témoignages de parents d'élèves adressés au directeur du conservatoire par courriel du 17 novembre 2015 et par lettre du 25 novembre 2015, et rapportant des propos inappropriés et choquants tenus par M. B...envers leurs enfants, dont certains dataient de l'année 2013, et sur un courriel du 3 décembre 2015, émanant d'une de ses anciennes élèves, également adressé au directeur du conservatoire, rapportant des faits qualifiés par elle de harcèlement durant l'année 2013/2014. Elle s'est, d'autre part, fondée sur la lettre d'une collègue de M. B...du 4 décembre 2015, rapportant des faits qualifiés par elle de harcèlement alors que celui-ci occupait la fonction de conseiller aux études et évoquant des décisions de redoublement d'élèves prises par lui, s'apparentant à des mesures de rétorsion à l'encontre de cette collègue. Il ressort des pièces du dossier que, alors même que ces faits n'étaient pas établis à la date de l'arrêté attaqué, ils présentaient toutefois un caractère de vraisemblance suffisant pour la majorité d'entre eux.

7. En troisième lieu, eu égard à la teneur des propos et des faits reprochés à M.B..., ceux-ci permettaient de faire présumer l'existence d'une faute grave de nature à justifier la mesure de suspension prise à son encontre. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2015.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au requérant de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme que la ville de Paris demande sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la ville de Paris présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Julliard, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 décembre 2018.

Le rapporteur,

P. MANTZ

Le président,

M. HEERS Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA03696


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03696
Date de la décision : 31/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Suspension.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : CABINET MAOUCHE DE FOLLEVILLE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-31;17pa03696 ?
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