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06/02/2019 | FRANCE | N°17PA03866

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 06 février 2019, 17PA03866


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...Tuaanaa demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2016 par lequel la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche l'a licenciée pour insuffisance professionnelle, ensemble la décision du 21 mars 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1700194 du 14 novembre 2017, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête et un mémoire enregistrés les 19 décembre 2017 et 26 octobre 2018, Mme Tuaana, représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...Tuaanaa demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2016 par lequel la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche l'a licenciée pour insuffisance professionnelle, ensemble la décision du 21 mars 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1700194 du 14 novembre 2017, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 décembre 2017 et 26 octobre 2018, Mme Tuaana, représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700194 du 14 novembre 2017 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler les décisions contestées devant ce tribunal ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de la réintégrer dans ses fonctions dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la légalité externe :

- en raison de l'erreur sur la date de la convocation, elle-même et les membres de la commission administrative paritaire (CAP) n'ont pas été convoqués régulièrement, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le rapport présenté devant la CAP n'a été rédigé que le 9 novembre 2015 et la date à laquelle il a été adressé aux membres de la CAP n'a pas été révélée, en méconnaissance des dispositions de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 ; il comporte des griefs dont elle n'avait pas eu connaissance ;

- le conseil de discipline ne s'est pas prononcé dans le délai imparti par l'article 9 du décret du 25 octobre 1984 ;

En ce qui concerne la légalité interne :

- son licenciement pour insuffisance professionnelle est entaché d'erreur d'appréciation ;

- elle est victime de harcèlement moral.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 septembre 2018, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme Tuaana ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au

6 décembre 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jimenez,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., enseignante contractuelle depuis le 9 octobre 1995, a été titularisée dans le grade de professeur certifiée d'histoire géographie à compter du 1er septembre 2002. Par un arrêté du 12 décembre 2016, le ministre de l'éducation nationale a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle. L'intéressée a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejeté par une décision du 21 mars 2017. Elle relève appel du jugement n° 1700194 du 14 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions.

Sur la légalité externe :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, applicable à la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle en vertu de l'article 70 de la loi du

11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de

réception. (...). ".

3. D'une part, ces dispositions, qui portent sur la convocation du fonctionnaire poursuivi, ne peuvent être utilement invoquées pour contester la régularité de la convocation des membres de la commission administrative paritaire (CAP) siégeant en conseil de discipline.

4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que MmeC..., qui a refusé, à une date non documentée, de signer la notification de sa convocation devant la commission administrative paritaire locale (CAPL), en avait connaissance au plus tard le 2 novembre 2015, lorsqu'elle a signalé par courriel à l'administration une erreur sur la date de la réunion fixée au " lundi 19 novembre 2015 ". Cette erreur a été dissipée par un courriel du 5 novembre précisant qu'il s'agissait du jeudi 19 novembre, alors que son conseil avait pris connaissance de son dossier dès le 3 novembre. Ainsi, quand bien même la convocation n'aurait été notifiée à l'intéressée que le 2 novembre, soit quatorze jours avant la date de la réunion, cette circonstance, ainsi que l'erreur matérielle affectant le jour de la semaine, n'ont pas été susceptibles d'exercer une influence sur le sens de la décision prise, et n'ont pas privé Mme C...d'une garantie.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 : " L'organisme siégeant en Conseil de discipline lorsque sa consultation est nécessaire, en application du second alinéa de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d'un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet. / Ce rapport doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits. ".

6. Si Mme C...soutient que la date de communication du rapport aux membres du conseil de discipline n'était pas indiquée, ni les dispositions précitées ni aucun autre texte n'imposent de communiquer le rapport aux membres de la commission dans un délai déterminé. Par suite, les circonstances que le rapport présenté devant la CAPL le 19 novembre 2015 est daté du 9 novembre et que la date de sa réception par les membres de la commission est inconnue ne sont pas de nature à caractériser une irrégularité.

7. Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit la communication au fonctionnaire concerné avant la séance de la CAPL du rapport destiné à ses membres, dès lors que l'intéressé a été mis à même d'avoir accès à son dossier individuel et que ce rapport ne contient aucun élément nouveau. En l'espèce, le rapport mentionné au point précédent expose les circonstances dans lesquelles Mme C...a bénéficié d'un complément de formation exceptionnel pour lui permettre d'atteindre le niveau de compétences attendu d'un professeur certifié d'histoire-géographie, et détaille les insuffisances professionnelles documentées par les rapports d'inspection des 24 janvier, 16 avril et 6 juin 2014, et le 4 mai 2015, qui ont été cosignés par l'intéressée. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le rapport présenté devant la CAPL comporterait des griefs dont elle n'aurait pas eu connaissance. Dans ces conditions, la circonstance que ce rapport ne lui a pas été transmis avant la réunion de la CAPL n'est pas de nature à entacher la régularité de la procédure ayant conduit à la décision litigieuse.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 9 du décret du 25 octobre 1984 : " Le conseil de discipline doit se prononcer dans le délai d'un mois à compter du jour où il a été saisi par le rapport de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. (...) ". Ce délai n'est pas édicté à peine de nullité de l'avis émis après son expiration. Par suite, sa méconnaissance est sans incidence sur la légalité du licenciement contesté.

Sur la légalité interne :

9. Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées.

10. Mme Tuaanasoutient que les décisions en litige sont entachées d'erreur d'appréciation dès lors qu'elle n'a rencontré aucune difficulté professionnelle entre 1995 et 2013, que sa note pédagogique a même augmenté de six points après 2006 et qu'elle n'a pas bénéficié de formation adaptée aux nouveaux programmes. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que MmeC..., professeure certifiée d'histoire-géographie, a été titularisée en 2002 sur le fondement d'un " pari de progrès futurs qui lui permettront d'affiner ses compétences et d'assurer sa mission avec plus d'efficacité ", après un rapport d'inspection du 27 mai 2002 mettant en évidence des faiblesses d'ordre scientifique, d'ordre didactique et dans la maîtrise de la langue française, qui " à elles seules pourraient conduire à un avis défavorable à la titularisation ". Le rapport de l'inspection réalisée le 11 mars 2013 fait le constat des mêmes difficultés, " qui semblent même s'être accentuées faute de véritable mise à jour des connaissances scientifiques, didactiques et pédagogiques ", et demande qu'un tutorat solide soit mis en place. A cet effet, Mme C...a été mutée de Tubuai à Tahiti dans l'intérêt du service, et a bénéficié, durant l'année scolaire 2013-2014, d'un accompagnement personnalisé dans le cadre d'un contrat de formation et de tutorat destiné à lui permettre d'acquérir les compétences professionnelles nécessaires à l'exercice du métier d'enseignant, avec notamment une intégration de 216 heures à la formation des professeurs stagiaires lauréats des concours, un tutorat pédagogique par un professeur certifié hors classe en histoire et géographie, des bilans intermédiaires à la fin du premier et du deuxième trimestres et une inspection à la fin du troisième trimestre. Si les onze rapports du tuteur sont rédigés en termes encourageants et constructifs, la fiche de constats annexée au rapport relatif à la dernière séance observée le

22 mai 2014 fait état d'une seule acquisition sur dix rubriques de compétences à acquérir par un professeur certifié. Le premier bilan intermédiaire réalisé par une inspectrice le 24 janvier 2014 relève des insuffisances dans la conception et la conduite du cours, ainsi que dans la maîtrise de la langue, et préconise une modification des modalités du tutorat en imposant à Mme C...d'aller tous les jeudis matin observer et analyser la pratique de son tuteur. De même, le second bilan intermédiaire réalisé le 16 avril 2014 constate que la séance présentée le 16 avril 2014 ne correspond toujours pas aux attentes de l'institution dans la maîtrise des compétences professionnelles par le professeur. L'inspection du 6 juin 2014 conclut que les difficultés " n'ont été comblées ni dans le domaine de la maîtrise scientifique des disciplines, ni dans celui de la conception et de la mise en oeuvre des unités d'apprentissage, ni dans celui de la gestion des élèves. L'incapacité de ce professeur à remettre en question sa pratique est, de plus, patente. " Enfin, une dernière inspection réalisée le 4 mai 2015 par un inspecteur général de l'éducation nationale confirme que Mme C..." n'a pas tiré profit de l'année exceptionnelle de formation complémentaire dont elle a bénéficié. Elle n'a pas pris conscience de la gravité des reproches qui lui sont faits et du décalage de ses pratiques par rapport aux objectifs d'enseignement qui lui sont assignés (...). Ses insuffisances professionnelles restent patentes. ". Il ressort des ainsi des pièces du dossier, et notamment de ces nombreux rapports concordants, que l'insuffisance professionnelle de Mme C...est avérée, alors même que la note attribuée lors de ses évaluations professionnelles a augmenté de six points depuis 2006. En outre, si Mme C...soutient qu'elle ferait l'objet d'un harcèlement moral de la part du chef d'établissement du collège de Tubuai depuis 2013, les éléments allégués ne sont pas de nature à faire présumer l'existence de tels agissements. Notamment, si elle fait valoir qu'en raison des prétendues carences dans l'exercice de ses fonctions, elle a été sanctionnée deux fois pour les mêmes faits, par la baisse de sa note pédagogique et par sa mutation, d'une part, les carences reprochées sont avérées et d'autre part, elle n'a pas contesté ces décisions. Dans ces conditions, MmeC..., dont l'insuffisance professionnelle est établie, n'est pas fondée à soutenir que son licenciement pour ce motif serait entaché d'erreur d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme Tuaana est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... Tuaanaet au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Appèche, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 février 2019.

Le rapporteur,

J. JIMENEZLe président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative

S. APPECHE

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA03866


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03866
Date de la décision : 06/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: Mme Julia JIMENEZ
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : EFTIMIE-SPITZ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-02-06;17pa03866 ?
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