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09/04/2019 | FRANCE | N°18PA01891

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 09 avril 2019, 18PA01891


Vu la procédure suivante :

I. Sur la requête n° 18PA01891 :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler le rejet implicite opposé par le ministre de l'économie et des finances à sa demande tendant au réexamen de sa situation en vue de sa réintégration en tant qu'administrateur de première classe de l'INSEE ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'économie et des finances de réexaminer sa situation, sous astreinte.

Par un jugement n° 1610719/5-3 du 25 avril 2018, le Tribunal ad

ministratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée l...

Vu la procédure suivante :

I. Sur la requête n° 18PA01891 :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler le rejet implicite opposé par le ministre de l'économie et des finances à sa demande tendant au réexamen de sa situation en vue de sa réintégration en tant qu'administrateur de première classe de l'INSEE ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'économie et des finances de réexaminer sa situation, sous astreinte.

Par un jugement n° 1610719/5-3 du 25 avril 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2018, M.C..., représenté par la SCP Boulloche, avocats aux Conseils, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 25 avril 2018 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet mentionnée ci-dessus ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il ne mentionne pas la date de la communication de la demande de récusation qu'il avait présentée, aux membres de la juridiction ainsi récusés, et ne justifie pas qu'ils se sont abstenus d'instruire l'affaire ;

- il est entaché d'erreur de droit en ce qu'il retient, pour écarter le moyen tiré de l'absence de motivation, que le refus de réexaminer la situation n'entrait dans aucune catégorie de décision devant être motivée, et en ce qu'il refuse de qualifier le décret du 25 janvier 1999 d'acte inexistant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2019, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que la requête est irrecevable, faute de comporter l'exposé de conclusions et de moyens, ainsi que l'exposé des faits sur lesquels elle se fonde, et faute d'avoir été régularisée dans le délai d'appel.

Ils se réfèrent en outre à leurs écritures de première instance.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 15 février 2019, M. C...conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens. Il demande en outre à la Cour :

1°) d'enjoindre au ministre de l'économie et des finances de procéder au réexamen de sa situation en vue de sa réintégration dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient en outre que :

- le jugement du Tribunal administratif de Paris du 25 avril 2018 doit être annulé en conséquence de l'annulation du jugement du même tribunal du 3 avril 2018, mentionné ci-dessous ;

- la fin de non-recevoir soulevée en défense doit être écartée ;

- le jugement attaqué n'a ni visé le mémoire qu'il avait présenté le 3 mars 2017, ni répondu aux moyens que contenait ce mémoire ;

- il n'a pas répondu au moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en écartant l'exception d'illégalité du décret par lequel le président de la République a prononcé sa révocation le 25 janvier 1999 ; la décision implicite attaquée est illégale en conséquence de l'illégalité de ce décret ;

- ils ont commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré d'une discrimination syndicale et d'une méconnaissance des stipulations de l'article 12 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- les règles relatives à la charge de la preuve en matière de discrimination ont été méconnues.

Par une ordonnance du 11 février 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2019.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 3 juillet 2018.

II. Sur la requête n° 18PA01892 :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris la récusation de M. Jean-Pierre Ladreyt, président de la 3ème chambre de la 5ème section du Tribunal administratif de Paris, de M. B...A..., magistrat rapporteur à la même chambre, et de Mme Solène Thomas, rapporteur public de cette chambre, pour l'examen de sa demande enregistrée sous le n° 1610719, mentionnée ci-dessus.

Par un jugement n° 1803530/5-2 du 3 avril 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2018, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 15 février 2019, M.C..., représenté par la SCP Boulloche, avocats aux Conseils, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 3 avril 2018 ;

2°) de mettre à la charge " du défendeur " le versement de la somme de 5 000 euros, ramenée à 4 000 euros dans son mémoire complémentaire, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il ne mentionne pas la date de la communication de la demande de récusation qu'il avait présentée aux membres de la juridiction ainsi récusés, et en ce qu'il n'est pas justifié qu'ils se sont abstenus d'instruire l'affaire ;

- il est entaché d'erreur de fait en ce qu'il écarte le moyen selon lequel les magistrats concernés par la demande de récusation se sont faits une opinion sur l'affaire lors d'un précédent jugement le 17 mai 2017, comme n'étant pas de nature à mettre en doute l'impartialité de ces magistrats ;

- les observations présentées au tribunal administratif par ces trois magistrats, datées du 8 mars, montrent leur partialité.

Par une ordonnance du 18 février 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 mars 2019.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 13 septembre 2018.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de M.C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C...ancien administrateur de l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE), a été révoqué par décret du président de la République du 25 janvier 1999. Par une décision du 23 mai 2001, le Conseil d'Etat a rejeté sa requête dirigée contre ce décret. Par une décision du 26 juillet 2006, le Conseil d'Etat a rejeté son recours en révision formé contre la décision du 23 mai 2001. Par une décision du 30 décembre 2010, le Conseil d'Etat a rejeté son recours formé contre la décision du ministre de l'économie et des finances refusant de rapporter le décret du 25 janvier 1999. Par un jugement du 5 février 2014, interprété par un jugement du 28 janvier 2015, puis par un jugement du 11 janvier 2017, le Tribunal de grande instance de Paris a déclaré prescrite l'action indemnitaire fondée sur une discrimination syndicale à son encontre, qu'il avait engagée à l'encontre de l'ancien secrétaire général de l'INSEE. Se fondant sur ce jugement, M. C...a, le 28 janvier 2016, demandé au ministre de l'économie et des finances de réexaminer sa situation dans la perspective d'une réintégration en tant qu'administrateur de l'INSEE. En l'absence de réponse, il a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler le refus implicite du ministre. Par sa requête n° 18PA01891, il fait appel du jugement n° 1610719/5-3 du 25 avril 2018 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

2. M. C...avait également demandé au Tribunal administratif de Paris pour l'examen de sa demande enregistrée sous le n° 1610719, mentionnée ci-dessus, la récusation de M. Jean-Pierre Ladreyt, président de la 3ème chambre de la 5ème section de ce tribunal, de M. B...A..., magistrat rapporteur à la même chambre, et de Mme Solène Thomas, rapporteur public de cette chambre. Par sa requête n° 18PA01892, il fait appel du jugement n° 1803530/5-2 du 3 avril 2018 par lequel le tribunal administratif a rejeté cette demande.

3. Les requêtes visées ci-dessus ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 18PA01891 :

Sur sa recevabilité :

4. Il ressort de la requête introductive d'instance présentée par M. C...devant la Cour le 4 juin 2018, qu'elle comportait non seulement des conclusions tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris du 25 avril 2018 et de la décision refusant implicitement le réexamen de sa situation, mais encore des moyens tirés de l'irrégularité de ce jugement, de l'absence de motivation de cette décision implicite de rejet et de l'inexistence du décret du 25 janvier 1999, et qu'elle était assortie d'un exposé sommaire des faits sur lesquels elle se fondait. La fin de non-recevoir tirée de l'absence de motivation de cette requête doit donc être écartée.

Sur la régularité du jugement n° 1610719/5-3 du Tribunal administratif de Paris du 25 avril 2018 :

5. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que celui-ci a omis de viser le mémoire présenté par M. C...devant le tribunal administratif le 3 mars 2017, et n'a pas répondu aux moyens que contenait ce mémoire, notamment au moyen selon lequel le réexamen de sa situation était de droit, compte tenu du jugement rendu en sa faveur par le Tribunal de grande instance de Paris le 5 février 2014. M. C...est donc fondé à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur la légalité de la décision implicite de rejet attaquée :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :/ - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ;/ -infligent une sanction ;/ -subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ;/ - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / -opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ;/ refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / - refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public ; / -rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ".

8. Le refus de réexaminer la situation de M. C...n'entre dans aucune des catégories de décisions mentionnées par les dispositions citées ci-dessus. Le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 5 février 2014, mentionné ci-dessus, n'ayant pas remis en cause la matérialité des faits qui lui avaient été reprochés, tenant à l'exercice d'une activité privée et à sa manière de servir, M. C...n'est en particulier pas fondé à soutenir qu'il avait droit à ce que sa situation soit réexaminée, et que la décision implicite de rejet attaquée lui aurait donc refusé un avantage dont l'attribution constituait un droit. Le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision implicite ne peut donc qu'être écarté.

9. En deuxième lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a pour base légale le premier acte ou a été prise pour son application.

10. La décision rejetant implicitement la demande de M. C...tendant au réexamen de sa situation, ne trouve pas sa base légale dans le décret décidant sa révocation et n'est pas davantage prise pour son application. Par suite, M. C...ne peut utilement exciper de l'illégalité de ce décret, à l'appui de sa demande d'annulation de la décision rejetant sa demande de réexamen de sa situation.

11. En troisième lieu, l'exercice par M. C...d'une activité privée et sa manière de servir suffisaient, dans les circonstances de l'espèce, à justifier l'application de la sanction de révocation. Les agissements de discrimination syndicale dont M. C...a par ailleurs été victime avant sa révocation ne sont, compte tenu de ces circonstances, pas suffisants pour laisser présumer que la décision rejetant implicitement sa demande tendant au réexamen de sa situation aurait été prise pour des motifs entachés de discrimination, contraires aux stipulations des articles 12 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

12. En dernier lieu, en se bornant à se prévaloir de la discrimination syndicale mentionnée ci-dessus, M. C...ne fait état d'aucun motif de nature à faire regarder le décret du 25 janvier 1999 décidant sa révocation, comme un acte inexistant.

13. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée en première instance, la demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris doit être rejetée, y compris les conclusions à fin d'injonction et les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur la requête n° 18PA01892 :

14. Compte tenu de l'annulation du jugement n° 1610719/5-3 du 25 avril 2018, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18PA01892 de M. C...tendant à l'annulation du jugement rejetant sa demande de récusation des magistrats ayant statué sur sa demande enregistrée sous le n° 1610719/5-3. Par ailleurs, il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit à ses conclusions présentées dans cette instance, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1610719/5-3 du Tribunal administratif de Paris du 25 avril 2018 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions en annulation de la requête n° 18PA01892 de M.C....

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes n° 18PA01891 et n° 18PA01892 de M. C... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., au ministre de l'économie et des finances, à M. Jean-Pierre Ladreyt, à M. B...A...et à Mme Solène Thomas.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 avril 2019.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°s 18PA01891-18PA01892


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01891
Date de la décision : 09/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation.

Procédure - Incidents - Récusation.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SCP PH et F-R BOULLOCHE ; SCP PH et F-R BOULLOCHE ; SCP PH et F-R BOULLOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-04-09;18pa01891 ?
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