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25/04/2019 | FRANCE | N°18PA00171,18PA00172

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 25 avril 2019, 18PA00171,18PA00172


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, par deux requêtes distinctes, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement nos 1300406-1400108 du 5 juin 2014, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a, d'une part, décidé que " pour le cas où l'imposition de M. B...sur les revenus qu'il a perçus en Nouvelle-Calédonie entre 2008 et 2011, cal

culée en application de l'article Lp. 58 du code des impôts de la Nouvelle-Calédoni...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, par deux requêtes distinctes, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement nos 1300406-1400108 du 5 juin 2014, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a, d'une part, décidé que " pour le cas où l'imposition de M. B...sur les revenus qu'il a perçus en Nouvelle-Calédonie entre 2008 et 2011, calculée en application de l'article Lp. 58 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, serait moins élevée que celle à laquelle il a été assujetti, il lui est accordé décharge de la différence entre les sommes qu'il a payées et les nouveaux montants dus " et, d'autre part, rejeté le surplus de ses demandes.

Par un arrêt nos 14PA03507-14PA03917 du 19 février 2016, la Cour, saisie par M. B... et par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, a annulé le jugement du 5 juin 2014 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, rejeté les demandes présentées par M. B...devant cette juridiction et le surplus des conclusions présentées par les parties en appel.

Par une décision n° 398940 du 20 décembre 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 19 février 2016 et renvoyé l'affaire devant la même Cour.

Procédure devant la Cour :

I) Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 août 2014,7 septembre 2015 et 12 décembre 2018, M.B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1300406-1400108 du 5 juin 2014 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008

à 2011 ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement d'une somme de

5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B...soutient que :

- il doit être regardé, à titre principal, comme résident fiscal néo-calédonien au cours des années 2008 à 2011 par application des critères posés par l'article 4 de la convention fiscale franco-calédonienne et ainsi bénéficier du barème progressif de l'impôt sur le revenu prévu par le I de l'article 136 du code territorial des impôts ;

- à titre subsidiaire, à supposer qu'il soit résident fiscal en France, il doit être imposé au barème progressif de l'impôt néo-calédonien calculé selon le I de l'article 136 sur l'ensemble de ses revenus dès lors que le taux de cet impôt est inférieur aux taux de prélèvement forfaitaire de 25 % ;

- il doit bénéficier du quotient familial de deux parts prévu par les articles Lp. 58-II et 132 du code territorial des impôts dès lors que, d'une part, il est victime d'une discrimination au regard de son droit à la libre circulation consacré à l'article 39 du traité sur l'Union européenne et à l'article 2 du protocole additionnel n° 4 annexé à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au regard du principe général de non-discrimination défini par les articles 10 et 18 du traité de fonctionnement de l'Union européenne et que, d'autre part, l'administration a fait une inexacte application de l'article 133 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie et de l'article 22 de la conventionfranco-calédonienne.

Par des mémoires, enregistrés le 10 juillet 2015 et le 19 décembre 2018, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1300406-1400108 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en date du 5 juin 2014 ;

2°) de rejeter la demande de M.B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B...le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie soutient que :

- le Tribunal administratif, en n'ordonnant pas un supplément d'instruction, a méconnu l'étendue de sa compétence et ainsi entaché le jugement attaqué d'irrégularité ;

- M. B...est fiscalement domicilié... ;

- M. B...ne doit pas être imposé en application du I de l'article Lp. 58 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie dès lors qu'il a la qualité de résident fiscal ;

- dans l'hypothèse où la Cour accorderait à M. B...la décharge des impositions à hauteur de la non prise en compte de son épouse dans le calcul du quotient familial, les pensions de retraite, nettes d'impôt, versées à celle-ci au titre des années en litige doivent être prises en compte pour le calcul du taux effectif de l'imposition en Nouvelle-Calédonie des revenus de source calédonienne de M.B.en Nouvelle-Calédonie en application de l'article 4 de la convention fiscale franco-calédonienne

II) Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 septembre 2014 et le 19 décembre 2018, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, représenté par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1300406-1400108 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en date du 5 juin 2014 ;

2°) de rejeter les demandes de M.B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B...le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie soutient que :

- le Tribunal administratif, en n'ordonnant pas un supplément d'instruction, a méconnu l'étendue de sa compétence et ainsi entaché le jugement attaqué d'irrégularité ;

- M. B...est fiscalement domicilié... ;

- M. B...ne doit pas être imposé en application du I de l'article Lp. 58 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie dès lors qu'il a la qualité de résident fiscal ;

- dans l'hypothèse où la Cour accorderait à M. B...la décharge des impositions à hauteur de la non prise en compte de son épouse dans le calcul du quotient familial, les pensions de retraite, nettes d'impôt, versées à celle-ci au titre des années en litige doivent être prises en compte pour le calcul du taux effectif de l'imposition en Nouvelle-Calédonie des revenus de source calédonienne de M.B.en Nouvelle-Calédonie en application de l'article 4 de la convention fiscale franco-calédonienne

Par des mémoires, enregistrés le 7 septembre 2015 et le 12 décembre 2018, M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1300406-1400108 du 5 juin 2014 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2011 ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement d'une somme de

5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B...soutient que :

- il doit être regardé, à titre principal, comme résident fiscal néo-calédonien au cours des années 2008 à 2011 par application des critères posés par l'article 4 de la convention fiscale franco-calédonienne et ainsi bénéficier du barème progressif de l'impôt sur le revenu prévu par le I de l'article 136 du code territorial des impôts ;

- à titre subsidiaire, à supposer qu'il soit résident fiscal en France, il doit être imposé au barème progressif de l'impôt néo-calédonien calculé selon le I de l'article 136 sur l'ensemble de ses revenus dès lors que le taux de cet impôt est inférieur aux taux de prélèvement forfaitaire de 25 % ;

- il doit bénéficier du quotient familial de deux parts prévu par les articles Lp. 58-II et 132 du code territorial des impôts dès lors que, d'une part, il est victime d'une discrimination au regard de son droit à la libre circulation consacré à l'article 39 du traité sur l'Union européenne et à l'article 2 du protocole additionnel n° 4 annexé à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au regard du principe général de non-discrimination définie par les articles 10 et 18 du traité de fonctionnement de l'Union européenne et que, d'autre part, l'administration a fait une inexacte application de l'article 133 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie et de l'article 22 de la convention franco-calédonienne.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil de Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et Dépendances en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale, approuvée et publiée par la loi n° 83-676 du 26 juillet 1983 ;

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code général des impôts ;

- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;

- la loi du pays n° 2010-3 du 21 janvier 2010 portant diverses dispositions d'ordre fiscal ;

- la décision n° 2016-539 QPC du 10 mai 2016 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dalle,

- les conclusions de Mme Mielnik Meddah, rapporteur public,

- et les observations de Me Masquart, avocat du gouvernement de Nouvelle-Calédonie.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., fonctionnaire du ministère de l'éducation nationale, a été affecté, entre juillet 2008 et juillet 2012, sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie. A la suite de contrôles sur pièces effectués en 2011 et 2012 par l'administration fiscale calédonienne, il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de ses revenus perçus sur le territoire au cours des années 2008 à 2011, qu'il a contestées devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie par deux demandes enregistrées sous les numéros 1300406 et 1400108. Par un jugement du 5 juin 2014, le Tribunal administratif, d'une part, a décidé que " pour le cas où l'imposition de M. B...sur les revenus qu'il a perçus en Nouvelle-Calédonie entre 2008 et 2011, calculée en application de l'article Lp. 58 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, serait moins élevée que celle à laquelle il a été assujetti, il lui est accordé décharge de la différence entre les sommes qu'il a payées et les nouveaux montants dus " et, d'autre part, a rejeté le surplus de ses demandes. Par deux requêtes distinctes, M. B...et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ont fait appel de ce jugement devant la Cour administrative d'appel de Paris. Par un arrêt nos 14PA03507-14PA03917 du 19 février 2016, la Cour a estimé que le jugement était irrégulier, l'a en conséquence annulé et a rejeté les demandes en décharge présentées par M. B...ainsi que le surplus des conclusions des parties. Par une décision n° 398940 du 20 décembre 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la Cour et lui a renvoyé les affaires.

2. Les requêtes enregistrées devant la Cour sous les nos 14PA03507-14PA03917 sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort des points 15 et 18 ainsi que de l'article 1er du dispositif du jugement attaqué que le Tribunal, après avoir estimé que les revenus professionnels perçus par M. B... sur le territoire au cours des années 2008 à 2011 ne devaient pas faire l'objet d'une imposition selon le barème progressif servant au calcul de l'impôt sur le revenu en application du I de l'article 136 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie mais qu'ils devaient être soumis au prélèvement forfaitaire prévu par l'article Lp. 58 du même code, a décidé, d'une part, que, " pour le cas où l'imposition de M. B...sur les revenus qu'il a perçus en Nouvelle-Calédonie entre 2008 et 2011, calculée en application de l'article Lp. 58 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, serait moins élevée que celle à laquelle il a été assujetti, il lui est accordé décharge de la différence entre les sommes qu'il a payées et les nouveaux montants dus " et, d'autre part, de rejeter " le surplus de sa demande ".

4. En prononçant une décharge hypothétique et en rejetant, de manière indéterminable, le surplus de la demande de décharge présentée par M. B...alors qu'il lui appartenait d'abord de faire usage de ses pouvoirs d'instruction pour déterminer le montant des impôts résultant de l'application de l'article Lp. 58 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie puis d'en tirer les conséquences sur le litige qui lui était soumis, les premiers juges n'ont pas complètement rempli la mission juridictionnelle qui est la leur et ont ainsi entaché le jugement attaqué d'une irrégularité. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est en conséquence fondé à en demander l'annulation.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes de M.B..., qui doivent faire l'objet d'une jonction.

6. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté qu'au cours des années en litige, M. B... était résident de Nouvelle-Calédonie et que les rémunérations qu'il percevait sur ce territoire devaient par suite être imposées en Nouvelle-Calédonie, conformément au 4 de l'article 14 de la convention franco-calédonienne. Les impositions supplémentaires mises à sa charge résultent de ce que l'administration a remis en cause le quotient familial de deux parts dont il avait bénéficié. Elle a estimé que l'intéressé, dont l'épouse n'était pas présente sur le territoire calédonien, devait être assimilé à un célibataire et bénéficier d'une part de quotient familial seulement.

7. Aux termes de l'article 132 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction applicable aux quatre années en litige : " Le revenu imposable (...) est égal au revenu net global déterminé conformément aux dispositions de l'article 128 et compte tenu de l'article 131. / Il est, pour le calcul de l'impôt sur le revenu des contribuables fiscalement domiciliés en Nouvelle-Calédonie et dépendances, divisé en un certain nombre de parts, fixé conformément à l'article 133 (...). / Le revenu correspondant à une part entière est taxé par application du tarif prévu à l'article 136. L'impôt brut est égal au produit de la cotisation ainsi obtenue par le nombre de parts ". Par ailleurs, l'article Lp. 52 du même code, dans sa rédaction applicable aux quatre années en litige 2008 à 2011, dispose : " I - Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérées comme étant à sa charge au sens de l'article Lp. 134. / Sauf application des dispositions figurant aux paragraphes III. et IV., les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge constituant le foyer fiscal. Cette imposition est établie aux noms de chacun des époux ou épouses, séparés par le mot : " ou ". Le terme contribuable employé au premier alinéa s'entend de la personne ou des époux faisant l'objet d'une même imposition (...) III - Les époux font l'objet d'impositions distinctes : /a. lorsqu'ils sont séparés de biens judiciairement et ne vivent pas sous le même toit ; /b. lorsqu'étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées ; /c. lorsqu'en cas d'abandon du domicile conjugal par l'un ou l'autre des époux, chacun dispose de revenus distincts (...) ".

En ce qui concerne les impositions des années 2008 et 2009 :

8. Aux termes de l'article 133 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction applicable aux années 2008 et 2009 : " Le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable prévue à l'article 132 2ème alinéa est fixé comme suit en fonction de la situation de famille : célibataire, divorcé, veuf ou veuve, sans enfant à charge : 1,0 / marié, sans enfant à charge : 2,0 (...) ".

9. Il résulte des dispositions précitées de l'article Lp. 52 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie que l'administration doit, lorsqu'elle entend soumettre à des impositions distinctes, selon le régime applicable aux célibataires, des époux non séparés de biens et disposant de revenus distincts, apporter la preuve de la cessation de toute vie commune entre eux pendant l'année ou les années d'imposition concernées. Eu égard aux dispositions de l'article 108 du code civil de la Nouvelle-Calédonie, selon lesquelles " le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu'il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de vie ", cette preuve ne peut résulter de la seule existence de tels domiciles distincts.

10. En l'espèce, il est constant que M. et Mme B...n'entraient dans aucun des trois cas prévus au III de l'article Lp. 52 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie. Ils devaient par suite, en principe, faire l'objet d'une imposition commune. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n'établit pas et, d'ailleurs, n'allègue pas que toute vie commune aurait cessé entre les époux. Le service des impôts de Nouvelle-Calédonie ne pouvait par suite, comme il l'a fait, imposer distinctement M.B..., en l'assimilant à un célibataire et en lui refusant le bénéfice des deux parts de quotient familial prévues par l'article 133 précité, au motif qu'au cours des années en litige son épouse ne résidait pas sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie.

En ce qui concerne les impositions des années 2010 et 2011 :

11. L'article 133 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction applicable aux années 2010 et 2011, dispose : " Le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable prévue à l'article 132 2ème alinéa est fixé comme suit en fonction de la situation de famille : / célibataire, divorcé, veuf ou veuve, sans enfant à charge : 1,0 / mariés, soumis à une imposition commune, sans enfant à charge : 2,0 (...) ". Par ailleurs, l'article Lp. 52 du code des impôts de la Nouvelle Calédonie, dans sa rédaction issue de la " loi du pays " du 21 janvier 2010 et applicable aux impositions des années 2010 et 2011, précisait que " les personnes mariées ayant chacune leur domicile fiscal en Nouvelle-Calédonie sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge constituant le foyer fiscal ".

12. Par sa décision n° 2016-539 QPC du 10 mai 2016, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les mots " ayant chacun leur domicile fiscal en Nouvelle-Calédonie " figurant dans les dispositions de l'article Lp. 52 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, dans leur rédaction citée au point 2. Il résulte des termes du point 11 de cette décision que cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la date de la publication de la décision, le 12 mai 2016, et qu'elle peut être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement. Il s'ensuit que ne sont applicables au présent litige que les dispositions de l'article Lp. 52 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie citées au point 7 qui précède. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. et Mme B...sont mariés et font l'objet d'une imposition commune à raison de leurs revenus respectifs. M. B...ne peut être assimilé à un célibataire et le bénéfice des deux parts de quotient familial prévues par l'article 133 précité ne peut lui être refusé, au motif qu'au cours des années en litige son épouse ne résidait pas sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2011. Cependant, dans ses derniers mémoires, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie fait valoir, à titre subsidiaire, que M. B...aurait dû, conformément aux dispositions du a) de l'article Lp. 56 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie et à celles de l'article Lp. 138 dudit code, mentionner dans ses déclarations les revenus, imposables en France, de son épouse, de manière à ce que l'impôt dû en Nouvelle-Calédonie soit calculé au " taux effectif " résultant de la prise en compte de ces revenus, après déduction des impôts établis en France, ainsi que le permettent les stipulations des a) et c) du 1 de l'article 22 de la convention franco-calédonienne. Comme les dispositions de l'article Lp. 1116 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie relatives à la compensation l'y autorisent, il demande que la décharge qu'il y a lieu d'accorder à M. B...soit compensée par la substitution de ce taux effectif au taux primitivement appliqué aux revenus déclarés par M.B..., divisés par deux parts. Il y a lieu de faire droit à cette demande. Le montant de la décharge devant être accordée à M. B...doit en conséquence être diminué du montant de l'excédent d'impôt initial que l'intéressé aurait acquitté au titre des années en litige 2008 à 2011, si la règle du " taux effectif " avait été appliquée.

14. L'état de l'instruction ne permet pas de déterminer le montant de cet excédent. Le dossier ne fait notamment pas apparaître le montant des rémunérations, nettes d'impôt, versées à Mme B...au titre des années en litige. Il y a lieu par suite de renvoyer M. B... devant l'administration fiscale de la Nouvelle-Calédonie, à l'effet, pour M. B..., de porter ces éléments à la connaissance de l'administration et, pour celle-ci, de calculer le montant de l'excédent d'impôt devant venir en déduction des cotisations supplémentaires devant être restituées à l'intéressé.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre une somme de 1 500 euros à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, en remboursement des frais exposés par M.B.en Nouvelle-Calédonie en application de l'article 4 de la convention fiscale franco-calédonienne Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative s'opposent à ce qu'une somme soit mise à la charge de M.B..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1300406-1400108 du 5 juin 2014 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.

Article 2 : M. B...est renvoyé devant l'administration fiscale de Nouvelle-Calédonie pour que celle-ci calcule, conformément aux motifs de la présente décision et à partir des éléments que M. B...lui communiquera, le montant de l'excédent d'impôt sur le revenu que ce dernier aurait acquitté au titre des années 2008 à 2011 si la règle du taux effectif avait été appliquée.

Article 3 : Il est accordé à M. B...la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009, 2010 et 2011, diminuées du montant des excédents mentionnés à l'article 2 de la présente décision.

Article 4 : Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie versera la somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2019 à laquelle siégeaient :

M. Jardin, président de chambre,

M. Dalle, président assesseur,

Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 avril 2019.

Le rapporteur, Le président,

D. DALLE C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne à la ministre des outre-mer en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 18PA00171, 18PA00172


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00171,18PA00172
Date de la décision : 25/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : MILOCHAU

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-04-25;18pa00171.18pa00172 ?
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