La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/05/2019 | FRANCE | N°18PA02600

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 29 mai 2019, 18PA02600


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2017, par lequel le président de la Nouvelle-Calédonie l'a révoqué de ses fonctions, et de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de 400 000 F CFP, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800050 du 31 mai 2018, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Co

ur :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2018, M.B..., représenté par Me E...et M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2017, par lequel le président de la Nouvelle-Calédonie l'a révoqué de ses fonctions, et de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de 400 000 F CFP, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800050 du 31 mai 2018, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2018, M.B..., représenté par Me E...et MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800050 du 31 mai 2018 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2017, par lequel le président de la Nouvelle-Calédonie l'a révoqué de ses fonctions ;

3°) de le réintégrer dans tous ses droits à compter de sa suspension conservatoire ;

4°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de 800 000 francs des collectivités françaises du Pacifique (F CFP), sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les manquements qui lui sont reprochés n'auraient pas eu lieu si son employeur ne l'avait pas au préalable placé dans une situation professionnelle incompatible avec son état de santé ;

- la sanction est disproportionnée eu égard à la faute commise par l'employeur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2019, le président de la Nouvelle-Calédonie représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et au versement par M. B... d'une somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les troubles dépressifs qui affectent M. B...n'étaient pas d'une intensité de nature à faire obstacle à ce qu'il fût regardé comme responsable de ses actes à la date des faits en cause.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Formery,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., instituteur du cadre de l'enseignement du 1er degré, souffre depuis l'année 2000 d'un syndrome dépressif qui lui a occasionné des congés de longue durée pour les périodes allant du 17 juin 2002 au 18 décembre 2002, du 12 septembre 2003 au 6 juin 2004 et du 13 février 2014 au 12 mai 2014, ainsi qu'un placement en mi-temps thérapeutique du 13 mai 2014 au 18 décembre 2014. Ayant repris des fonctions à temps complet à compter du 10 février 2015, il exerçait depuis lors ses fonctions sur un poste aménagé de soutien scolaire, ne nécessitant la prise en charge que d'un petit nombre d'élèves. Toutefois, à la rentrée 2017, il a été temporairement affecté à une classe entière, du fait de contraintes d'effectifs à l'école Edmond Desbrosse de Tindu, où il travaillait. C'est alors que, perdant son sang froid, il a menacé, frappé et brutalisé plusieurs élèves, entre le vendredi 17 février 2017 et le mardi 21 février 2017. Il a ensuite, à raison de ces faits, été révoqué de ses fonctions le 8 décembre 2017 par le président de la Nouvelle-Calédonie. Il fait appel du jugement en date du 31 mai 2018, par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la sanction prise à son encontre.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. M. B... fait valoir à l'appui de sa requête d'appel que les violences qui lui sont reprochées n'auraient pas eu lieu si son employeur ne l'avait pas au préalable placé dans une situation professionnelle incompatible avec son état de santé. Il résulte des certificats médicaux qu'il a fournis que, selon son médecin psychiatre, son " état de santé psychologique nécessite le maintien du poste aménagé qu'il occupe actuellement ", et que, selon le médecin de prévention, son poste est aménagé depuis le 13 mai 2014, avec " prise en charge d'un petit nombre d'élèves (poste de soutien scolaire) ". En dépit de ces préconisations médicales, M. B... a été affecté temporairement à une classe entière, ce qui lui était expressément contre-indiqué.

3. Dans les circonstances particulières de l'affaire, M. B...est fondé à soutenir que, compte-tenu de son état de santé, son affectation temporaire, par l'administration, à une classe entière, a indéniablement contribué au fait qu'il ait eu le comportement litigieux vis-à-vis des élèves, et par suite commis les manquements qui lui sont reprochés. Dès lors, la sanction de la révocation, alors surtout qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ait jamais été sanctionné auparavant, est disproportionnée.

4. Dans ces conditions, M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2017, par lequel le président de la Nouvelle-Calédonie l'a révoqué de ses fonctions. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement du 31 mai 2018 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et l'arrêté du 8 décembre 2017, par lequel le président de la Nouvelle-Calédonie a révoqué M. B...de ses fonctions.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. M. B...demande à la Cour " de le réintégrer dans tous ses droits à compter de sa suspension conservatoire ". Le présent arrêt, qui annule la décision de révocation prise à son encontre implique nécessairement que M. B...soit réintégré dans les effectifs de l'enseignement de Nouvelle-Calédonie. Il y a lieu, dès lors, en vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au président de la Nouvelle-Calédonie de procéder à la réintégration de M.B..., assortie d'une reconstitution de sa carrière à compter de la date de son éviction du service, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de 200 000 F CFP au titre des frais exposés par M.B.... Les conclusions de la Nouvelle-Calédonie présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800050 du 31 mai 2018 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 8 décembre 2017, par lequel le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a révoqué M. B...de ses fonctions, est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au président de la Nouvelle-Calédonie, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de procéder à la réintégration de M.B..., assortie d'une reconstitution de sa carrière à compter de la date de son éviction du service, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 4 : La Nouvelle-Calédonie versera à M. B...la somme de 200 000 F CFP au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la Nouvelle-Calédonie présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. C...B...et au président de la Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme Lescaut, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mai 2019.

L'assesseur le plus ancien,

V. POUPINEAULe président-rapporteur,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

C. RENÉ MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA02600


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02600
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Enseignement du second degré - Personnel enseignant.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Simon-Louis FORMERY
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : SELARL DE GRESLAN-LENTIGNAC

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-05-29;18pa02600 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award