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20/06/2019 | FRANCE | N°18PA03490

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 juin 2019, 18PA03490


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 3 avril 2018 au greffe du tribunal administratif de Paris et le 7 avril 2018 au greffe du tribunal administratif de Melun, M. B...C...A...a demandé l'annulation de l'arrêté du 20 mars 2018 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1802801 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant

la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2018, et des pièces complémentai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 3 avril 2018 au greffe du tribunal administratif de Paris et le 7 avril 2018 au greffe du tribunal administratif de Melun, M. B...C...A...a demandé l'annulation de l'arrêté du 20 mars 2018 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1802801 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2018, et des pièces complémentaires, enregistrées le 9 novembre 2018, M.A..., représenté par Me de Clerck, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1802801 du 25 septembre 2018 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 20 mars 2018 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle et méconnaît son droit d'être entendu, garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations sur sa situation familiale et son intégration en France ;

- elle est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen approfondi de sa situation personnelle dès lors qu'il est titulaire d'un passeport guinéen revêtu d'un visa court séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par M. A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- et les observations de Me de Clerck, avocat de M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant guinéen, né le 22 octobre 1983, est entré en France le 8 décembre 2013 sous couvert d'un visa court séjour. A la suite d'un contrôle d'identité, le préfet de police a, par un arrêté du 20 mars 2018, obligé M. A...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination. M. A...relève appel du jugement du 25 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. L'arrêté vise notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 511-1 I 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise que M. A...ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français. Si le requérant soutient que cette décision ne fait pas état de sa situation personnelle et familiale, le préfet de police n'était pas tenu de préciser de manière exhaustive l'ensemble des éléments de fait caractérisant sa situation personnelle. L'arrêté contesté comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui fondent la décision portant obligation de quitter le territoire français et doit être regardé comme suffisamment motivé. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ladite décision doit être écarté comme manquant en fait.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " et aux termes de l'article 51 de cette charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives. / (...) ". Si le moyen tiré de la violation de l'article 41 précité par un Etat membre de l'Union européenne est inopérant, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition sur la situation administrative du requérant produit par le préfet de police, que M. A...a été auditionné le 20 mars 2018 à la suite de son interpellation après un contrôle d'identité et que lors de cette audition, il a été interrogé sur les conditions de son entrée et de séjour sur le territoire français, sur sa situation personnelle et familiale en France et dans son pays d'origine et il a été mis à même de présenter des observations. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la possibilité d'être entendu et de présenter ses observations avant que la décision litigieuse n'intervienne. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. A...doit être également écarté, comme il ressort au surplus des termes mêmes de la décision litigieuse.

6. En troisième lieu, s'il est constant, d'une part, que M. A...disposait d'un passeport en cours de validité, revêtu d'un visa court séjour démontrant son entrée régulière en France le 8 décembre 2013, le préfet de police n'a pas commis d'erreur de fait en indiquant le 20 mars 2018 que le requérant ne justifiait pas d'une entrée régulière sur le territoire, puisque alors même que le séjour aurait été continu depuis lors et qu'ainsi le passeport produit devant le juge démontrerait la régularité de l'entrée en France de M.A..., il ressort des pièces du dossier que le requérant n'a pas présenté ce passeport au préfet de police lors de son interpellation et n'a donc pas justifié de son entrée régulière. D'autre part, il est constant que le requérant s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa. Il s'ensuit que, si la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 511-1.I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette mesure d'éloignement, motivée par l'irrégularité du séjour de M.A..., trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° du même article qui peuvent être substituées à celles du 1° dès lors que cette substitution de base légale, demandée par le préfet de police, n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur de droit et du défaut d'examen de la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Si M. A...fait valoir qu'il a une demi-soeur, de nationalité française, qui réside en France, trois demi-frères également de nationalité française et qu'il est bien intégré sur le territoire français où, dans le cadre du club de football de la commune où il réside et d'une association, il aide les éducateurs sportifs et participe à la communication et à l'organisation de diverses actions sociales et éducatives, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charge de famille et n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans. En outre, il ne dispose ni d'un travail fixe ni d'un domicile propre. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2019.

Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 18PA03490


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03490
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DE CLERCK

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-20;18pa03490 ?
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