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04/07/2019 | FRANCE | N°18PA01302

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 04 juillet 2019, 18PA01302


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fondation Action enfance a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 9 novembre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif économique de Mme C...ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé contre cette décision, née le 7 mai 2016.

Par un jugement n° 1610544/3-1 du 22 février 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros à ve

rser à Mme C...au titre des frais liés au litige.

Procédure devant la Cour :

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fondation Action enfance a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 9 novembre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif économique de Mme C...ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé contre cette décision, née le 7 mai 2016.

Par un jugement n° 1610544/3-1 du 22 février 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros à verser à Mme C...au titre des frais liés au litige.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 avril 2018, appuyée de pièces complémentaires enregistrées au greffe de la Cour le 21 mars 2019, la fondation Action enfance, représentée par Me Boulay, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1610544/3-1 du 22 février 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision en date du 9 novembre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif économique de Mme C...ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé contre cette décision, née le 7 mai 2016 ;

3°) de mettre à la charge de Mme C...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour ne pas comporter la signature des magistrats et du greffier ;

- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur d'appréciation sur la réalité du motif économique du licenciement demandé dès lors que la réorganisation des rythmes de travail des salariés était nécessaire pour préserver la qualité du service, pour assurer la conformité de la prise en charge des enfants confiés aux règles législatives et réglementaires applicables et pour préserver la pérennité de la fondation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient, en reprenant ses écritures devant les premiers juges, que les moyens invoqués par la fondation Action enfance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2019, Mme C..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la fondation Action enfance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le moyen tiré d'une erreur d'appréciation quant à la réalité du motif économique n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guilloteau,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me Boulay, avocat de la fondation Action enfance.

Considérant ce qui suit :

1. La fondation Action enfance a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier pour motif économique MmeC..., assistante maternelle, exerçant des mandats de déléguée du personnel titulaire et de membre suppléante du comité d'entreprise. Par une décision en date du 9 novembre 2015, l'inspectrice du travail a refusé de faire droit à cette demande. Cette décision a été implicitement confirmée par le silence gardé par le ministre chargé du travail sur le recours hiérarchique formé le 7 janvier 2016. Par la présente requête, la fondation Action enfance demande l'annulation du jugement du 22 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail et de la décision ministérielle.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de la copie de la minute du jugement attaqué que celle-ci comporte la signature de la présidente de la formation de jugement, celle du rapporteur et celle du greffier d'audience. Le moyen tiré de ce que le jugement ne comporterait pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque ainsi en fait.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ".

4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des délégués syndicaux et des membres du comité d'entreprise, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette modification était justifiée par un motif économique. Si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif c'est à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise.

5. A l'appui de sa demande d'autorisation de licencier Mme C...pour motif économique, la fondation Action enfance a fait valoir le refus de l'intéressée d'accepter un nouveau rythme de travail en roulement. La fondation indique que l'instauration de ce nouveau rythme de travail est apparue nécessaire au regard des résultats d'une étude menée en 2010 par un cabinet mandaté par elle sur l'organisation des rythmes de travail en roulement, qui mettrait en lumière des risques sur la qualité de la prise en charge des enfants, soutenant que l'organisation existante du temps de travail ne permettrait pas de répondre aux évolutions de la définition de la politique d'aide sociale à l'enfance et aux exigences croissantes des départements et qu'elle risquerait de conduire au retrait d'habilitations et d'agrément ou à la diminution du nombre d'enfants qui lui seraient confiés.

6. Il ressort des pièces du dossier que l'étude menée sur les rythmes de travail en roulement " 8+6 " (8 jours de travail suivis de 8 jours de repos) et " 3x4 " (4 jours de travail à temps plein, 4 jours de travail à temps partiel, 4 jours de repos) déjà mis en oeuvre dans les villages de la fondation a porté, d'une part, sur l'impact du rythme de travail sur la pénibilité ressentie par les salariés, d'autre part, sur l'impact du rythme de travail sur la qualité de la prise en charge éducative. Si, en réponse à la question qui leur a été posée, les salariés travaillant en roulement ont classé les risques de " perte de contrôle ", " surmenage " et " accentuation des punitions " parmi les plus forts parmi les choix qui leur étaient proposés, à la différence des salariés travaillant selon le régime de droit commun des 35 heures, l'étude conclut que ces réponses paraissent liées au principe du travail en roulement, exigeant une présence en continu jour et nuit, et non aux rythmes de travail " 8+6 " ou " 3x4 " mis en oeuvre. L'étude préconise ainsi, pour maintenir ce principe de roulement, un travail autour des autres facteurs facilitant la prise en charge des enfants (formation, réunions, outils pédagogiques ...) et de l'optimisation de gestion des congés et absences afin de limiter les contraintes liées à la planification des roulements et des remplacements.

7. Cette étude ne mentionne par ailleurs pas d'inadaptation significative des rythmes de travail existants pour satisfaire aux exigences d'évaluations, d'échanges et de restitutions attendues de la part des professionnels et aux objectifs d'accompagnement des parents dans le cadre de la politique d'aide sociale à l'enfance, dont la fondation requérante indique qu'ils résultent des lois du 2 janvier 2002 et du 5 mars 2007 et sont précisés par des recommandations de l'agence nationale d'évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux depuis 2008, et mis en oeuvre dans les schémas départementaux.

8. La fondation requérante, dont la situation financière est satisfaisante, ne fait enfin état d'aucune critique émise par les autorités de tutelle sur son fonctionnement au regard des exigences légales et réglementaires ni sur ses coûts de fonctionnement, pas davantage que d'une baisse du nombre d'enfants qui lui sont confiés. Si elle souligne que les départementaux procèdent désormais à des appels à projet pour sélectionner les structures auxquelles ils sont susceptibles de confier des enfants, elle n'établit ni même n'allègue que son mode d'accueil des enfants au sein de pavillons dans des villages ne lui permettrait pas d'y répondre avec succès.

9. Dans ces conditions, si la modification du contrat de travail proposée à MmeC..., consistant à adopter un nouveau rythme de travail par roulement, est présentée comme participant du souci d'améliorer la qualité de la prise en charge des enfants, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle était rendue nécessaire par une menace sérieuse pesant sur l'activité de la fondation Action enfance. C'est par suite à bon droit que l'inspectrice du travail, a refusé de faire droit pour ce motif à la demande d'autorisation de licenciement et que le ministre chargé du travail a rejeté le recours hiérarchique.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la fondation Action enfance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

11. Il y a enfin lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la fondation Action enfance la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C...et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la fondation Action enfance est rejetée.

Article 2 : La fondation Action enfance versera à MmeC... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la fondation Action enfance, à la ministre du travail et à Mme A...C....

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

- Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.

Le rapporteur,

L. GUILLOTEAULe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBER La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 18PA01302


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01302
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Laëtitia GUILLOTEAU
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BOULAY et LEVY AVOCATS (AARPI)

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-04;18pa01302 ?
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