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30/07/2019 | FRANCE | N°17PA23182

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 30 juillet 2019, 17PA23182


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Impact Affichage a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire de Fort-de-France sur sa demande d'abrogation de la délibération du conseil municipal de la commune de Fort-de-France du 7 juillet 2011 et du règlement local de publicité de Fort-de-France du 19 décembre 2011.

Par un jugement n° 1500539 du 25 juillet 2017, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la

juridiction d'appel :

Par une ordonnance n° 428220 du 1er mars 2019, prise sur le fo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Impact Affichage a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire de Fort-de-France sur sa demande d'abrogation de la délibération du conseil municipal de la commune de Fort-de-France du 7 juillet 2011 et du règlement local de publicité de Fort-de-France du 19 décembre 2011.

Par un jugement n° 1500539 du 25 juillet 2017, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la juridiction d'appel :

Par une ordonnance n° 428220 du 1er mars 2019, prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour administrative d'appel de Paris le jugement du dossier d'appel enregistré à la Cour administrative d'appel de Bordeaux.

Par une requête enregistrée le 26 septembre 2017 et des mémoires enregistrés le 20 octobre 2017, le 22 octobre 2017 et le 20 novembre 2018, la SARL Impact Affichage, représentée par Me Bonfils, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500539 du 25 juillet 2017 du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) d'annuler le règlement local de publicité de Fort-de-France du 19 décembre 2011 et notamment le 1° de l'article 14, les articles 15, 31, 36, 37, 49 et l'article ZPR 5-3 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Fort-de-France le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Impact Affichage soutient que :

- les articles 14 (1) et 49 de ce règlement ne peuvent légalement édicter des prescriptions relatives à la sécurité des installations qui supportent matériellement les dispositifs de publicité, prescriptions qui relèvent du pouvoir de police du maire ;

- l'article 15 du règlement local de publicité et d'enseigne de Fort-de-France méconnait le principe d'intelligibilité des actes normatifs ;

- l'article 31 du même règlement ne peut légalement instituer un régime d'autorisation des dispositifs de préenseignes, qui peuvent seulement être soumis à déclaration ;

- l'article 36 de ce règlement, qui soumet les enseignes et les préenseignes temporaires à un régime d'autorisation, excède les pouvoirs d'adaptation attribués au conseil municipal par le premier alinéa de l'article L. 581-14 du code de l'environnement ;

- l'article 37 du même règlement est illégal en tant qu'il interdit les enseignes temporaires et préenseignes temporaires lumineuses ;

- l'article ZPR 5-3 du règlement a été adopté au terme d'une procédure irrégulière ; il porte une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie et particulièrement au principe de libre concurrence.

Par des mémoires en défense enregistrés le 15 octobre et le 17 décembre 2018, la commune de Fort-de-France, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à la mise à la charge de la société requérante d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Les parties ont été informées le 19 juin 2019, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que les moyens de légalité externe ne pouvaient être utilement soulevés à l'appui de la contestation d'un refus d'abroger le règlement de publicité.

La SARL Impact Affichage a présenté des observations en réponse à cette communication le 24 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- les observations de Me Bonfils, avocat de la SARL Impact Affichage, et de Me Weigel, avocat de la commune de Fort-de-France.

Une note en délibéré a été présentée le 26 juin 2019 pour la commune de Fort-de-France.

Une note en délibéré a été présentée le 27 juin 2019 pour la SARL Impact Affichage.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 22 octobre 2002, la commune de Fort-de-France a décidé d'élaborer un règlement local de publicité. Le préfet de la Martinique a constitué à cette fin, par un arrêté du 6 juin 2006 modifié le 14 octobre 2008, un groupe de travail. Le conseil municipal de la commune de Fort-de-France a approuvé le règlement local de publicité par une délibération du 7 juillet 2011, qui a été mise en application par un arrêté du maire en date du 19 décembre 2011. La SARL Impact Affichage a demandé au maire de la commune de Fort-de-France, par un courrier du 8 juillet 2015 reçu le 17 juillet suivant, d'abroger la délibération du 7 juillet 2011 et l'arrêté du 19 décembre 2011 précités. L'autorité municipale ayant gardé le silence sur cette demande, la société a saisi le tribunal administratif de la Martinique d'un recours pour excès de pouvoir contre la décision implicite de refus. Par un jugement du 25 juillet 2017 dont l'intéressée relève appel devant la Cour, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Sur la portée du litige :

2. La société requérante n'ayant saisi le tribunal administratif de la Martinique que d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire de la commune de Fort-de-France sur sa demande d'abrogation de la délibération du conseil municipal de la commune de Fort-de-France du 7 juillet 2011 et du règlement local de publicité de Fort-de-France du 19 décembre 2011, elle n'est en tout état de cause recevable à demander à la Cour, outre l'annulation du jugement attaqué qui a rejeté cette demande, que l'annulation de cette décision implicite de rejet. Par suite, ses conclusions d'appel sont irrecevables en tant qu'elles demandent l'annulation du règlement local de publicité de Fort-de-France du 19 décembre 2011. Il y a donc lieu de regarder la requête comme tendant en réalité et seulement à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire de Fort-de-France sur la demande d'abrogation du règlement local de publicité de Fort-de-France du 19 décembre 2011.

3. Devant la Cour, la société requérante n'articule des moyens de légalité qu'à l'encontre des articles 14 (1.) et 49, 15, 31, 36, 37 et ZPR5-3 du règlement local de publicité et ne conteste pas les motifs du jugement attaqué en tant qu'ils écartent les moyens dirigés contre les autres dispositions du règlement qu'elle critiquait en première instance. Les premiers juges ont écarté les critiques articulées par la requérante à l'égard des articles 36 et 37 au seul motif de leur imprécision. Compte-tenu des écritures de la société requérante devant la Cour, les moyens qu'elle développe doivent être regardés comme nouveaux en appel, sauf pour ce qui concerne l'article ZPR5-3, pour lequel elle réitère les critiques déjà présentées devant les premiers juges. Ces nouveaux moyens sont recevables, dès lors que la demande présentée devant les premiers juges avait pour objet l'annulation de la décision implicite de refus d'abroger l'ensemble du règlement local de publicité de la commune de Fort-de-France.

4. D'une part, aux termes de l'article L. 581-14 du code de l'environnement en vigueur à la date de naissance de la décision implicite de rejet du maire de Fort-de-France : " L'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme ou, à défaut, la commune peut élaborer sur l'ensemble du territoire de l'établissement public ou de la commune un règlement local de publicité (...) ". Aux termes de l'article L. 581-14-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la même date :

" Le règlement local de publicité est élaboré, révisé ou modifié conformément aux procédures d'élaboration, de révision ou de modification des plans locaux d'urbanisme définies au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'urbanisme, à l'exception des dispositions relatives à la procédure de modification simplifiée prévue par l'article L. 123-1 et des dispositions transitoires de l'article L. 123-19 du même code (...) ". En vertu de ces dispositions du code de l'urbanisme, la modification du plan local d'urbanisme relève de la compétence du conseil municipal. Aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour (...) ".

5. D'autre part, il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspire l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, que l'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé.

6. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que si le conseil municipal est seul compétent pour modifier le règlement local de publicité de la commune, et notamment pour abroger certaines de ses dispositions, c'est au maire qu'il revient d'inscrire cette question à l'ordre du jour d'une réunion du conseil municipal. Par suite, si le maire a compétence pour rejeter une demande tendant à ce que des dispositions du règlement local de publicité soient abrogées, lorsque ces dispositions ne sont pas illégales, il est dans le cas contraire tenu d'inscrire la question à l'ordre du jour du conseil municipal pour permettre à celui-ci, seul compétent pour ce faire, d'abroger les dispositions illégales de ce règlement.

Sur la légalité de la décision implicite de rejet de la demande d'abrogation du règlement local de publicité de la commune de Fort-de-France :

7. Aux termes de l'article L. 581-9 du code de l'environnement : " Dans les agglomérations, et sous réserve des dispositions des articles L. 581-4 et L. 581-8, la publicité est admise. Elle doit toutefois satisfaire, notamment en matière d'emplacements, de densité, de surface, de hauteur, d'entretien et, pour la publicité lumineuse, d'économies d'énergie et de prévention des nuisances lumineuses au sens du chapitre III du présent titre, à des prescriptions fixées par décret en Conseil d'État en fonction des procédés, des dispositifs utilisés, des caractéristiques des supports et de l'importance des agglomérations concernées. Ce décret précise également les conditions d'utilisation comme supports publicitaires du mobilier urbain installé sur le domaine public. / Peuvent être autorisés par arrêté municipal, au cas par cas, les emplacements de bâches comportant de la publicité et, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites, l'installation de dispositifs publicitaires de dimensions exceptionnelles liés à des manifestations temporaires. Les conditions d'application du présent alinéa sont déterminées par le décret mentionné au premier alinéa. / L'installation des dispositifs de publicité lumineuse autres que ceux qui supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence est soumise à l'autorisation de l'autorité compétente (...) ".

8. Aux termes de l'article L. 581-14 du code de l'environnement : " (...) La commune peut élaborer sur l'ensemble du territoire de l'établissement public ou de la commune un règlement local de publicité qui adapte les dispositions prévues à l'article L. 581-9. / (...) Le règlement local de publicité définit une ou plusieurs zones où s'applique une réglementation plus restrictive que les prescriptions du règlement national (...) ". Ces dispositions n'autorisent pas l'autorité municipale à édicter, dans le cadre de son pouvoir d'adaptation, des interdictions générales et absolues, ni à instituer des règles de procédure à caractère contraignant, telles qu'un régime d'autorisation ou de déclaration préalable.

En ce qui concerne les articles 14 (1.) et 49 du règlement litigieux :

9. L'article 14 du règlement contesté dispose : " D'une manière générale sur l'ensemble du territoire de Fort de France, les dispositifs de publicité, doivent : / 1. Respecter les normes de construction paracycloniques et parasismiques définies par l'arrêté municipal n° 829 du 23 août 2007 relatif à la sécurisation des installations d'affichage publicitaire (Cf. Annexe) (...) ". L'article 49 du même règlement dispose : " Compte tenu de l'exposition de la Martinique aux aléas climatiques (séismes, ouragans...), les professionnels de la publicité, lors de l'installation, du remplacement, notamment de la mise en conformité de leurs dispositifs sur le territoire de la ville de Fort de France, devront respecter les prescriptions de l'arrêté municipal n° 829 du

23 août 2007 relatif à la sécurisation des installations d'affichage publicitaire. / Ces dispositions sont applicables dès la publication du présent règlement ".

10. D'une part, l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales dispose : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'État dans le département, de la police municipale (...) et de l'exécution des actes de l'État qui y sont relatifs ". Aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend (...) l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants (...) ainsi que le soin de réprimer les (...) projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées ". Ces dispositions fondent légalement l'intervention du maire pour édicter, dans le cadre de son pouvoir de police, des règles en vue de prévenir les dommages que pourrait causer la chute des panneaux publicitaires en cas de cyclone ou séisme.

11. D'autre part, et comme il a déjà été dit, en vertu de l'article L. 581-14 du code de l'environnement, le règlement local de publicité peut adapter les dispositions prévues à l'article L. 581-9 dudit code. Il peut notamment, à cette fin, comporter des dispositions déterminant les matériaux composant les installations qui supportent matériellement les dispositifs de publicité, y compris les modalités de leur fixation au sol, sur les façades ou sur les toitures. Dès lors, le règlement critiqué a pu légalement rappeler les mesures édictées par le maire de Fort-de-France dans son arrêté du 23 août 2007. Cette incorporation en annexe du règlement local de publicité de dispositions d'un arrêté pris par le maire dans l'exercice de son pouvoir de police ne saurait cependant avoir pour effet de priver cette autorité de sa compétence pour compléter ou abroger lesdites dispositions. Au bénéfice de cette stricte réserve d'interprétation, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions critiquées sont illégales.

En ce qui concerne l'article 15 du règlement litigieux :

12. L'article 15 du règlement litigieux dispose : " À la frontière de deux zones, un dispositif ne peut être implanté à une distance inférieure à l'interdistance de la zone concernée ". Selon la requérante, ces dispositions sont entachées d'illégalité en raison de leur inintelligibilité, faute notamment de la moindre définition de la notion d'" interdistance " dans le règlement contesté.

13. Il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire de n'édicter, dans le respect du principe de sécurité juridique, que des mesures respectant l'objectif constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la norme. En l'espèce, les dispositions précitées de l'article 15 du règlement litigieux sont manifestement entachées d'inintelligibilité, et la commune de Fort-de-France ne produit devant la Cour aucune explication suffisante lui permettant d'apprécier l'interprétation qu'il convient de leur donner et, par suite, tant leurs effets que leur portée. La société requérante est donc fondée à soutenir que les dispositions critiquées sont illégales, et que le refus de les abroger l'est également et doit donc être annulé.

En ce qui concerne l'article 31 du règlement litigieux :

14. L'article 31 du règlement local de publicité de Fort-de-France dispose :

" Les dispositifs de préenseignes individuelles autorisés par la Ville ne devront pas être installés à moins de 0,50 m du sol ". Ces dispositions ont, compte tenu de la portée des mots " autorisés par la ville ", pour effet, comme le soutient la société requérante, de soumettre les préenseignes à une autorisation accordée par l'autorité municipale.

15. Aux termes de l'article L. 581-19 du code de l'environnement : " Les préenseignes sont soumises aux dispositions qui régissent la publicité ". Aux termes de l'article L. 581-6 du code de l'environnement : " L'installation, le remplacement ou la modification des dispositifs ou matériels qui supportent de la publicité sont soumis à déclaration préalable auprès du maire (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions de nature législative que, dès lors que les préenseignes sont soumises à un régime de déclaration, une commune ne tient d'aucune autre disposition du code de l'environnement, et notamment pas de celles, précitées, de son article

L. 581-14 qui détermine la portée et les effets d'un règlement local de publicité, la compétence pour substituer à ce régime de déclaration préalable un régime d'autorisation. Toutefois, cette illégalité n'affecte que les mots " autorisés par la ville ", qui sont divisibles du reste des autres dispositions de l'article contesté.

16. En imposant que les dispositifs de préenseignes individuelles ne soient pas installés " à moins de 0,50 m du sol ", le règlement contesté n'a, en revanche, pas excédé le pouvoir d'adaptation conféré à la commune par le premier alinéa de l'article L. 581-14 du code de l'environnement.

17. La société requérante n'est donc fondée à critiquer que le refus d'abroger, dans l'article 31 du règlement litigieux, les mots : " autorisés par la ville ". La décision en litige doit donc être annulée en tant qu'elle rejette la demande d'abrogation de ces dispositions.

En ce qui concerne l'article 36 du règlement litigieux :

18. L'article 36 du règlement contesté dispose : " Les enseignes temporaires et préenseignes temporaires sont soumises [à] autorisation ".

19. L'article L. 581-19 du code de l'environnement dispose : " (...) peuvent être signalés de manière harmonisée par des préenseignes, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État : (...) - à titre temporaire, les opérations et manifestations exceptionnelles mentionnées à l'article L. 581-20 du présent code (...) ". L'article L. 581-20 du même code dispose : " I. Le décret prévu à l'article L. 581-18 détermine les conditions dans lesquelles peuvent être temporairement apposées sur des immeubles des enseignes annonçant : / 1° Des opérations exceptionnelles qui ont pour objet lesdits immeubles ou sont relatives aux activités qui s'y exercent ; / 2° Des manifestations exceptionnelles à caractère culturel ou touristique qui y ont lieu ou y auront lieu. / II. - Le décret prévu à l'article L. 581-19 détermine les conditions dans lesquelles peuvent être temporairement apposées des préenseignes indiquant la proximité des immeubles mentionnés au paragraphe I (...) ". L'article R. 581-17 du même code dispose : " Les enseignes temporaires sont soumises à autorisation lorsqu'elles sont installées sur un immeuble ou dans un lieu mentionné à l'article L. 581-4 ou lorsqu'elles sont scellées au sol ou installées sur le sol dans un lieu mentionné à l'article L. 581-8 (...) ".

20. Dès lors que le code de l'environnement prévoit la possibilité de mettre en place des enseignes et des préenseignes temporaires sans les subordonner à une autorisation, le conseil municipal de Fort-de-France a excédé les pouvoirs d'adaptation qu'il tient du premier alinéa de l'article L. 581-14 du code de l'environnement en les soumettant dans tous les cas, par l'article 36 du règlement contesté, à un régime d'autorisation. La société requérante est donc fondée à soutenir que les dispositions critiquées sont illégales, et que le refus de les abroger l'est également et doit donc être annulé.

En ce qui concerne l'article 37 du règlement litigieux :

21. L'article 37 du règlement contesté dispose que : " Les enseignes temporaires et préenseignes temporaires lumineuses sont interdites ".

22. L'article L. 581-9 dispose que : " L'installation des dispositifs de publicité lumineuse autres que ceux qui supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence est soumise à l'autorisation de l'autorité compétente ". Ces dispositions autorisent le conseil municipal, dans le cadre du pouvoir d'adaptation que lui confère l'article L. 581-14 du même code, à interdire certains dispositifs de publicité lumineuse, à l'exception de ceux qui supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence. Par suite, l'article 37 du règlement contesté doit s'entendre comme ne s'appliquant pas aux dispositifs de publicité lumineuse supportant des affiches éclairées par projection ou par transparence. Au bénéfice de cette stricte réserve d'interprétation, la société requérante n'est pas donc fondée à soutenir que les dispositions critiquées sont illégales.

En ce qui concerne l'article ZPR5-3 du règlement litigieux :

23. L'article ZPR5-3 du règlement contesté dispose : " En ZPR5, la publicité est interdite. Toutefois par dérogation la publicité est autorisée uniquement aux emplacements définis par la Ville (Cf. Plan en annexe). Le nombre de dispositifs est limité à 30% par société sur la RD41, RD45 et la Route de Clairière, et à 25% par société sur la RN9 ".

24. En premier lieu si, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger un acte réglementaire, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux. Dès lors, pour autant qu'il s'infère des écritures d'appel de la société requérante qu'elle a entendu critiquer, comme irrégulières, les conditions d'adoption du règlement litigieux, au motif que la liste des trente-neufs emplacements sur lesquels la publicité est admise dans la zone de publicité restreinte n° 5 n'aurait pas été établie avant que les autorités compétentes ne se prononcent sur le projet de règlement local de publicité, un tel moyen, qui relève de la contestation de la légalité externe dudit règlement, n'est pas recevable.

25. En second lieu, d'une part, dès lors que l'exercice de pouvoirs de police administrative est susceptible d'affecter des activités de production, de distribution ou de services, la circonstance que les mesures de police ont pour objectif la protection de l'ordre public ou, dans certains cas, la sauvegarde des intérêts spécifiques que l'administration a pour mission de protéger ou de garantir n'exonère pas l'autorité investie de ces pouvoirs de police de l'obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité de ces mesures de police administrative en recherchant si elles ont été prises compte tenu de l'ensemble de ces objectifs et de ces règles et si elles en ont fait, en les combinant, une exacte application. Tel est notamment le cas de la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte qui, tout en ayant pour objectif la protection du cadre de vie, est susceptible d'affecter l'activité économique de l'affichage. Si la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte ne peut légalement avoir par elle-même pour objet de créer une position dominante sur un marché pertinent, elle peut avoir un tel effet, notamment par la limitation du nombre des emplacements d'affichage. Toutefois, la création d'une position dominante par l'effet de la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte n'est incompatible avec le respect des dispositions relatives à la concurrence que si cette réglementation conduit nécessairement à l'exploitation de la position dominante de manière abusive. Il en résulte qu'il appartient aux autorités compétentes, lorsqu'elles réglementent la publicité sur le territoire d'une commune, de veiller à ce que les mesures de police prises ne portent aux règles de la concurrence que les atteintes justifiées au regard des objectifs de la réglementation de l'affichage. D'autre part, eu égard au caractère nécessairement limité du nombre des installations supportant un dispositif publicitaire disponibles en zone de publicité restreinte, qui est inhérent à l'instauration même d'une telle zone, aucun droit d'accès à ces installations ne peut être garanti à toute entreprise qui en ferait la demande. Par suite, les auteurs du règlement local de publicité, qui sont habilités par la loi à instaurer, sous le contrôle du juge, des zones de publicité restreinte, ne sont pas tenus de fixer le nombre des installations supportant un dispositif publicitaire en fonction de celui des entreprises locales susceptibles de se porter candidates à leur utilisation.

26. En l'espèce, et en l'absence de toute argumentation précise sur ce point, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant à trente-neuf, dans le document annexe auquel renvoie la disposition contestée, le nombre d'emplacements susceptibles d'accueillir des publicités en " zone de publicité n° 5 " qui regroupe les abords des principaux axes routiers, carrefours et ronds-points de l'agglomération, la commune de Fort-de-France aurait porté à la liberté du commerce et de l'industrie une atteinte disproportionnée au but de protection de l'environnement poursuivi. En outre, il ne résulte pas des termes de la disposition critiquée, laquelle limite en tout état de cause le nombre de dispositifs publicitaires à 30% ou à 25 % " par société ", et il n'est pas davantage démontré par la requérante dans ses écritures, que les dispositions contestées pourraient avoir pour effet, par elles-mêmes, la création d'une position dominante, non plus que l'exploitation de cette position dominante de manière abusive. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions critiquées sont illégales.

27. Il résulte ce qui précède que la SARL Impact Affichage est fondée à soutenir que, dans le règlement local de publicité et d'enseigne de la commune de Fort-de-France, sont illégales les dispositions des articles 15 et 36 ainsi que, dans l'article 31, les mots : " autorisés par la Ville ". Ces dispositions sont divisibles des autres dispositions du règlement contesté. La société requérante est donc fondée à demander l'annulation de la décision implicite du maire de Fort-de-France en tant qu'elle rejette sa demande d'abrogation de ces dispositions et du jugement attaqué du tribunal administratif de la Martinique, en tant qu'il n'annule pas, dans la même mesure, cette décision implicite de rejet.

Sur l'application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative :

28. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du I (1°) de l'article 40 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation

2018-2022 et de réforme pour la justice : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

29. Au cas d'espèce, compte-tenu de la nécessité d'assurer le respect des dispositions, rappelées au point 5, de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et les administrations, en vertu desquelles l'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, il y a lieu pour la Cour, d'office, d'enjoindre au maire de Fort-de-France d'inscrire à l'ordre du jour d'une prochaine réunion du conseil municipal de la commune, au plus tard avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, un projet de délibération portant abrogation des dispositions des articles 15 et 36 du règlement local de publicité du 19 décembre 2011, ainsi que, dans l'article 31 du même règlement, des mots : " autorisés par la Ville ".

30. En outre, afin d'assurer le plein respect du présent arrêt, le projet de délibération mentionné au point précédent devra transcrire, tant dans les articles 14 (1.) et 49 du même règlement que dans son article 37, les deux strictes réserves d'interprétation formulées respectivement aux points 11 et 22 du présent arrêt, selon lesquelles, d'une part, l'incorporation dans le règlement local de publicité de dispositions d'un arrêté relatif à la sécurisation des installations d'affichage publicitaire contre les risques cycloniques et sismiques pris par le maire dans l'exercice de son pouvoir de police ne saurait avoir pour effet de priver cette autorité de la compétence pour compléter ou abroger lesdites dispositions et, d'autre part, l'interdiction des enseignes temporaires et préenseignes temporaires lumineuses ne s'applique pas aux dispositifs de publicité lumineuse supportant des affiches éclairées par projection ou par transparence.

Sur les frais liés au litige :

31. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Fort-de-France le versement à la société requérante d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce que la commune de Fort-de-France, partie perdante dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire de la commune de Fort-de-France sur la demande, présentée par la SARL Impact Affichage, tendant à l'abrogation de la délibération du conseil municipal de la commune de Fort-de-France du 7 juillet 2011 et du règlement local de publicité de Fort-de-France du 19 décembre 2011 est annulée en tant qu'elle refuse l'abrogation des articles 15 et 36 du règlement local de publicité du 19 décembre 2011, ainsi que, dans l'article 31 du même règlement, des mots : " autorisés par la Ville ".

Le jugement du 25 juillet 2017 du tribunal administratif de la Martinique est annulé en tant qu'il n'annule pas, dans la même mesure, cette décision implicite de rejet.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Fort-de-France d'inscrire à l'ordre du jour d'une prochaine réunion du conseil municipal de la commune, au plus tard avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, un projet de délibération tendant :

1° à l'abrogation des dispositions des articles 15 et 36 du règlement local de publicité du 19 décembre 2011, ainsi que, dans l'article 31 du même règlement, des mots : " autorisés par la Ville " ;

2° à la transcription, dans les articles 14 (1.) et 49 et dans l'article 37 du même règlement, des deux strictes réserves d'interprétation formulées respectivement aux points 11 et 19 du présent arrêt, selon lesquelles, d'une part, l'incorporation dans le règlement local de publicité de dispositions d'un arrêté relatif à la sécurisation des installations d'affichage publicitaire contre les risques cycloniques et sismiques pris par le maire dans l'exercice de son pouvoir de police ne saurait avoir pour effet de priver cette autorité de la compétence pour compléter ou abroger lesdites dispositions et, d'autre part, l'interdiction des enseignes temporaires et préenseignes temporaires lumineuses ne s'applique pas aux dispositifs de publicité lumineuse supportant des affiches éclairées par projection ou par transparence.

Article 3 : La commune de Fort-de-France versera à la SARL Impact Affichage une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la SARL Impact Affichage et les conclusions de la commune de Fort-de-France fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Impact Affichage et à la commune de

Fort-de-France.

Copie en sera adressée au préfet de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juillet 2019.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17PA23182


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