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19/09/2019 | FRANCE | N°18PA01912

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 19 septembre 2019, 18PA01912


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 30 avril 2018 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1806999 du 5 mai 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure

devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 juin 2018 et 9 juillet 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 30 avril 2018 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1806999 du 5 mai 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 juin 2018 et 9 juillet 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1806999 du 5 mai 2018 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police en date du 30 avril 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- il est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- il a été pris en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant refus de lui accorder un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ayant estimé à tort qu'il constituait une menace pour l'ordre public et qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes, dès lors qu'il justifie d'une résidence fixe et durable avec sa compagne, de l'ancienneté de sa résidence sur le territoire français où il est bien intégré professionnellement ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur de droit, dès lors que le préfet n'a pas examiné les quatre conditions fixées par cet article, et qu'il a seulement motivé son arrêté sur la circonstance qu'il ne s'est pas conformé à une précédente mesure d'éloignement, sans faire état de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France.

Par un mémoire enregistré le 17 juin 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien, né le 28 septembre 1978, est entré en France, selon ses déclarations, le 19 décembre 2010. Après avoir fait l'objet d'une interpellation le 28 avril 2018 par les services de police pour violences volontaires sur un tiers, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans par un arrêté en date du 30 avril 2018. M. B... relève appel du jugement du 5 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les moyens dirigés contre l'arrêté attaqué pris dans son ensemble :

2. En premier lieu, M. B... se borne à reproduire en appel les moyens qu'il avait développés en première instance, sans les assortir d'éléments nouveaux, tirés de ce que le signataire de la décision attaquée ne justifie pas d'une délégation de signature, de ce que cette décision n'est pas suffisamment motivée, et de ce qu'elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les juges de première instance, d'écarter ces moyens.

3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. B... soutient qu'il est en France depuis 2012, où il vit avec sa compagne à laquelle il est lié par un pacte civil de solidarité conclu le 22 avril 2016. L'intéressé, qui est en France depuis 2010, n'établit toutefois pas la réalité d'une vie commune avec son ex-compagne par la seule production d'une attestation sur l'honneur du 28 mai 2018 établie par cette dernière, alors que lors de l'interpellation de M. B..., celle-ci a déclaré aux services de police que sa relation avec le requérant avait cessé et qu'ils ne vivaient plus ensemble, après avoir précédemment refusé d'attester de leur vie commune auprès des services de la préfecture de l'Yonne. Par ailleurs, si M. B... se prévaut de deux contrats de travail à durée indéterminée conclus en 2015 et en 2016 pour des emplois en qualité de boulanger qu'il n'aurait occupé que quelques mois, et d'un contrat de travail signé le 3 janvier 2018, cette seule circonstance ne permet pas de considérer que le centre de ses intérêts personnels et familiaux se situe en France, alors qu'en outre, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans, et ne justifie pas d'une intégration particulière au sein de la société française où il a commis des violences volontaires sur un tiers. Dans ces circonstances, le préfet de police n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. Il n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

Sur la légalité de la décision de refus de délai de départ volontaire :

5. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 ".

6. Pour refuser d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire, le préfet de police s'est fondé sur le d) et le f) du 3° du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est soustrait à la mesure d'éloignement dont était assortie la décision du préfet de l'Yonne de refus de délivrance d'un titre de séjour du 10 juin 2016, et il résulte de ce qui a été dit au point 4 que l'intéressé ne réside pas à l'adresse qu'il a déclarée. Il se trouvait, dès lors, dans les cas prévus aux d) et f) du 3° du 3ème alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant de regarder comme établi, sauf circonstance particulière, le risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français. Si le requérant soutient que le préfet de police aurait dû lui octroyer un délai de départ volontaire au regard de sa situation familiale, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que M. B... n'établit aucune vie familiale en France. Par suite, le préfet de police a pu légalement, et sans commettre d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M. B..., lui refuser le bénéfice d'un délai de départ volontaire.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :

7. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Sauf menace grave pour l'ordre public, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans, compte tenu des prolongations éventuellement décidées ".

8. Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

9. L'arrêté par lequel le préfet de police a fait interdiction à M. B... de retourner sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que l'intéressé, en situation irrégulière depuis le 19 décembre 2010 et dont le comportement constitue une menace pour l'ordre public du fait de violences volontaires sur un tiers, ne peut être regardé comme ayant des liens anciens et forts avec la France, y étant célibataire et sans enfants, et enfin qu'il n'a pas déféré à une précédente mesure d'éloignement. Ainsi et contrairement à ce qui est soutenu, il ressort de la lecture de cet arrêté que la situation de l'intéressé a fait l'objet d'un examen au regard des quatre critères prévus par le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Enfin, M. B..., qui s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, et qui ne fait état d'aucune attache sur le territoire français, s'y est rendu coupable de faits délictueux, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a été pris en flagrant délit de violences volontaires en état d'ébriété sur un autre usager du métro, qu'il a suivi hors de la rame pour l'agresser physiquement sur le quai à plusieurs reprises avant de le maintenir au sol. Dans ces conditions, le préfet de police n'a commis aucune erreur d'appréciation en fixant à trois ans la durée de l'interdiction de retour dont il a assorti l'obligation de quitter le territoire français sans délai.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de police refusant de lui délivrer un titre de séjour. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 septembre 2019.

Le rapporteur,

C. C... Le président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01912


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01912
Date de la décision : 19/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Christine LESCAUT
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : SHEBABO

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-09-19;18pa01912 ?
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