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22/10/2019 | FRANCE | N°18PA02800

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 22 octobre 2019, 18PA02800


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2015 par lequel le ministre de l'intérieur a modifié l'arrêté du 10 juillet 2015 en lui retirant le bénéfice de l'indemnité d'éloignement, ensemble la décision du 11 mai 2017 rejetant sa demande d'attribution de l'indemnité d'éloignement et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 250 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 17

00392 du 29 mai 2018, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2015 par lequel le ministre de l'intérieur a modifié l'arrêté du 10 juillet 2015 en lui retirant le bénéfice de l'indemnité d'éloignement, ensemble la décision du 11 mai 2017 rejetant sa demande d'attribution de l'indemnité d'éloignement et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 250 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700392 du 29 mai 2018, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 août 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du 29 mai 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2015 par lequel le ministre de l'intérieur a modifié l'arrêté du 10 juillet 2015 en ce qui concerne l'attribution de l'indemnité d'éloignement, ensemble la décision du 11 mai 2017 rejetant sa demande d'attribution de l'indemnité d'éloignement ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de procéder au versement de l'indemnité d'éloignement dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 000 F CFP par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 200 000 F CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est illégale ; en effet il n'en a eu connaissance que deux ans après son intervention, or une telle décision de retrait de la décision du 10 juillet 2015 ne pouvait intervenir que dans un délai de quatre mois et si celle-ci était illégale ;

- cette décision défavorable est intervenue sans qu'il ait été mis à même de présenter ses observations, en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le jugement et la décision sont entachés d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 2 du décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996, dès lors qu'un examen de sa situation aurait conduit à considérer que le centre de ses intérêts moraux et matériels se situait en métropole.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration relève d'une cause juridique nouvelle en appel et est par suite irrecevable ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat en service à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., adjoint technique de la police nationale et originaire de Polynésie française est venu s'installer en métropole au cours de l'année 2009 à l'âge de vingt six ans, pour y suivre sa compagne, également polynésienne et militaire de carrière. Ils s'y sont mariés, y ont eu leur premier enfant, mais, son épouse ayant été affectée en Polynésie en 2014, M. B... a demandé en mars 2015 sa mutation en Polynésie au titre du rapprochement de conjoints, et a été affecté au secrétariat général pour l'administration de la police à Papeete par un arrêté du ministre de l'intérieur du 10 juillet 2015. Mais alors que cet arrêté indiquait dans son article 3 qu'il bénéficierait de l'indemnité d'éloignement prévue par le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996, cet avantage lui a été retiré par un nouvel arrêté du 24 juillet 2015 du ministre de l'intérieur modifiant le précédent. Soutenant que cet arrêté ne lui a pas été notifié, M. B... a demandé le 20 février 2017 à bénéficier de l'indemnité d'éloignement, mais cette demande a été rejetée par une décision du 11 mai 2017. M. B... a dès lors saisi le tribunal d'une demande d'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2015 et de la décision du 11 mai 2017 mais le tribunal a rejeté cette demande par jugement du 29 mai 2018 dont il interjette appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Devant les premiers juges, M. B... n'a soulevé que des moyens de légalité interne. Il n'est par suite pas recevable à invoquer pour la première fois en appel la méconnaissance des dispositions de l'article L.121-1 du code des relations entre le public et l'administration, ce moyen, de légalité externe, relevant ainsi d'une cause juridique distincte de celle présentée en première instance.

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 novembre 1996 visé ci-dessus : " Le droit à l'indemnité est ouvert lors de l'affectation en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna à la condition que cette affectation entraîne, pour l'agent concerné, un déplacement effectif pour aller servir en dehors du territoire dans lequel est situé le centre de ses intérêts matériels et moraux.". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Le droit à l'indemnité est ouvert lors de l'affectation en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna à la condition que cette affectation entraîne, pour l'agent concerné, un déplacement effectif pour aller servir en dehors du territoire dans lequel est situé le centre de ses intérêts matériels et moraux ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., né en 1983 en Polynésie, y a vécu toute sa jeunesse de même que son épouse, et n'est venu en métropole qu'en 2009 pour suivre celle-ci qui, militaire de carrière au sein de l'armée de terre, y avait été affectée. Il a ensuite présenté en mars 2015 une demande de mutation en Polynésie, son épouse y ayant été affectée " à titre définitif " selon ses termes, témoignant ainsi de son désir de mettre un terme à leur séjour en métropole où il n'établit, ni n'allègue avoir de liens familiaux ou des intérêts matériels. Son épouse a d'ailleurs indiqué dans sa lettre au ministre du 22 février 2017 sollicitant " la reconnaissance du transfert du centre de (ses) intérêts matériels et moraux en Polynésie française " que toute sa famille y réside, que leur fils ainé y est scolarisé et qu'elle et son époux y sont propriétaires d'une maison sur le territoire de la commune de Papearii. Dès lors, si cette lettre faisait suite à une nouvelle mutation de son épouse en métropole, prenant effet le 20 juillet 2017, il ressort des pièces du dossier que cette mutation était contraire au souhait de l'intéressée qui était précisément de demeurer en Polynésie, et la suite négative réservée à sa demande du 22 février 2017 tenait seulement au fait que le critère du centre des intérêts moraux et matériels ne s'applique pas en matière d'affectation et de mutation des militaires de carrière, sans qu'il soit jamais contesté que ce centre était, pour l'épouse du requérant et pour toute sa famille, en Polynésie. Par ailleurs, la circonstance que c'est au cours des quelques années passées en métropole entre 2009 et 2014 que M. B... a passé l'examen d'entrée dans la police nationale, a épousé sa compagne, et qu'ils ont eu leur premier enfant, ne permet pas d'établir qu'il aurait le centre de ses intérêts moraux et matériels en métropole. Par suite, les moyens tirés de ce que les décisions attaquées seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation ou d'illégalité au regard des dispositions du décret du 27 novembre 1996 ne peuvent qu'être écartés.

5. Par ailleurs, si, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision, ce délai doit être apprécié en prenant en compte la date d'édiction de la décision de retrait et non la date de sa notification à son destinataire. Or, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté retirant au requérant le bénéfice de l'indemnité d'éloignement qui lui avait été consenti par arrêté du 10 juillet 2015 a été pris dès le 24 juillet suivant, soit dans le délai de quatre mois, sans qu'il puisse être utilement fait état de ce que l'intéressé n'aurait eu connaissance de cette décision de retrait que deux ans plus tard. Par ailleurs, il résulte de ce qui vient d'être dit que le centre des intérêts moraux et matériels de M. B... se trouvait en Polynésie, ce qui excluait qu'il puisse se voir légalement attribuer une indemnité d'éloignement du fait de sa mutation sur ce territoire. Par suite, la décision du 24 juillet 2015 ayant retiré dans le délai de quatre mois une décision entachée d'illégalité, le moyen tiré de ce que les conditions d'un tel retrait n'étaient pas satisfaites manque en fait.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Par suite, sa requête ne peut qu'être rejetée y compris les conclusions à fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2019.

Le rapporteur,

M-I. D...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 18PA02800


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02800
Date de la décision : 22/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers. Indemnités allouées aux fonctionnaires servant outre-mer (voir : Outre-mer).


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SELARL JURISPOL

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-22;18pa02800 ?
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