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22/10/2019 | FRANCE | N°18PA02861

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 octobre 2019, 18PA02861


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2017 par lequel le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'intérieur ont prononcé le gel de ses fonds, instruments financiers et ressources économiques pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 1704766/4-1 du 19 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 août 2018, M. D..., représen

té par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1704766/4-1 du 19 juin 2018 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2017 par lequel le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'intérieur ont prononcé le gel de ses fonds, instruments financiers et ressources économiques pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 1704766/4-1 du 19 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 août 2018, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1704766/4-1 du 19 juin 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 18 janvier 2017 par lequel le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'intérieur ont prononcé le gel de ses fonds, instruments financiers et ressources économiques pour une durée de six mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il méconnaît les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, étant dépourvu de la signature du président de la formation de jugement ainsi que de celle du rapporteur ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif de Paris, un arrêté prononçant le gels des avoirs et des instruments financiers doit faire l'objet d'une procédure contradictoire ; par suite, les pouvoirs publics doivent mettre la personne frappée d'une décision de gel de ses avoirs en mesure de présenter des observations écrites et, le cas échéant, orales ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'une inexactitude matérielle des faits et d'une erreur de qualification juridique des faits ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement n° 2580/2001 du Conseil de l'Union européenne du 27 décembre 2001, concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ;

- la position commune du Conseil de l'Union européenne du 27 décembre 2001 relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (2001/931/PESC) ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., avocat de M. D....

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

2. Si l'expédition du jugement attaqué notifiée le 22 juin 2018 ne comportait pas les signatures requises, il ressort des pièces du dossier que la minute de ce jugement a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative auraient été méconnues et que le jugement attaqué serait ainsi entaché d'irrégularité manque en fait.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Par un arrêté du 18 janvier 2017, le ministre de l'intérieur et le ministre de l'économie et des finances ont prononcé le gel des fonds, instruments financiers et ressources économiques de M. D..., ressortissant tchadien résidant en France sous couvert d'une carte de résident délivrée en qualité de réfugié.

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : (...) 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public (...) ".

5. Les mesures prises sur le fondement de l'article L. 562-1 du code monétaire et financier, qui n'ont pas de finalité répressive, constituent des mesures de police administrative et poursuivent l'objectif de prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions, notamment la commission d'actes de terrorisme, et de préservation de la sécurité et la sûreté publique, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle. Dès lors que la mise en oeuvre d'une procédure contradictoire permettrait à la personne concernée de transférer ses avoirs dans des lieux insaisissables pour les autorités administratives, elle priverait de tout effet utile la mesure de gel des avoirs, et serait ainsi de nature à compromettre l'ordre public qu'elle a pour objet de préserver. Il s'en suit qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui autorisent à déroger au principe du respect d'une procédure contradictoire préalable pour autant qu'une telle procédure serait de nature à compromettre l'ordre

public, une procédure contradictoire n'a pas à être suivie préalablement à une mesure de gel des avoirs ; toutefois, une telle procédure devrait être suivie dans l'hypothèse du renouvellement d'une mesure de gel d'avoirs prise antérieurement, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie préalablement à l'édiction de l'arrêté litigieux.

6. En second lieu, M. D... reprend en appel les moyens, qu'il avait invoqués en première instance et tirés de ce que l'arrêté litigieux est entaché d'une inexactitude matérielle des faits, d'une erreur de qualification juridique des faits et d'un détournement de pouvoir. Il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs retenus par le jugement attaqué du tribunal administratif de Paris.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 19 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2017 par lequel le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'intérieur ont prononcé le gel de ses fonds, instruments financiers et ressources économiques pour une durée de six mois. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., au ministre de l'intérieur et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2019.

Le rapporteur,

I. A...Le président,

J. LAPOUZADELe greffier,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA02861


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02861
Date de la décision : 22/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels - Libertés publiques et libertés de la personne.

Droits civils et individuels - Droit de propriété.

Police - Étendue des pouvoirs de police.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : MENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-22;18pa02861 ?
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