La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2019 | FRANCE | N°18PA02942

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 05 novembre 2019, 18PA02942


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement d'intérêt économique (GIE) U a demandé au Tribunal administratif de Melun la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2011 au 31 octobre 2013 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1510537 du 5 juillet 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procéd

ure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 août 2018 et le 27 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement d'intérêt économique (GIE) U a demandé au Tribunal administratif de Melun la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2011 au 31 octobre 2013 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1510537 du 5 juillet 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 août 2018 et le 27 mars 2019, le GIE U, représenté par la SELAFA CMS Francis Lefebvre, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 juillet 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2011 au 31 octobre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure de rectification est irrégulière dès lors que le service en procédant

à une substitution de motifs de redressement, tant dans sa réponse aux observations du contribuable qu'à l'issue de la réunion avec l'interlocuteur départemental, a méconnu le principe du contradictoire ;

- les cotisations qu'il a facturées aux centrales régionales au titre de l'activité d'aide au développement du réseau entrent bien dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elles sont la contrepartie, pour les centrales régionales et les points de vente, d'avantages liés à l'appartenance au réseau de distribution Système U ;

- il existe un lien direct entre, d'une part, les opérations de versement de cotisations obligatoires par les centrales régionales et leur réaffectation par le GIE U sous forme de budgets dits d'ouverture ou d'exploitation dédiés au développement, et d'autre part, les contreparties que les parties peuvent tirer de leur appartenance au réseau Système U ;

- l'administration fiscale opère un découpage artificiel des opérations et des flux financiers existants entre lui et les centrales régionales pour conclure que, pour chaque flux pris isolément, aucune contrepartie, c'est-à-dire aucune prestation de service, n'existe en face des cotisations versées ;

- le principe d'un service individualisé au profit des centrales régionales et du GIE est démontré ;

- lorsqu'un contrat porte sur le droit d'accéder à un service, l'importance de l'utilisation effective de ce service est indifférente ;

- l'administration fiscale n'est pas fondée à opposer l'absence de taxation à la taxe sur la valeur ajoutée des appels de fonds en 2007 et 2008 au regard de l'instabilité jurisprudentielle ;

- l'évocation d'un prétendu rôle de centrale de trésorerie est dépourvue de pertinence ;

- le libellé de " subvention d'exploitation " ou de " subvention d'ouverture " n'a aucune incidence sur le traitement de la taxe sur la valeur ajoutée à retenir au titre des cotisations en cause ;

- la doctrine administrative référencée BOI-TVA-CHAMP-30-10-30-30 n° 40 et n° 50 issue de l'instruction générale 3 CA 94 du 22 septembre 1994 prévoit que dès lors que des professionnels décident de confier le soin à un organisme de procéder à des activités (promotion, recherche, défense syndicale, etc.), en rapport avec leurs activités, celles-ci sont nécessairement situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- le rejet des droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée tend à méconnaître en l'espèce le principe de neutralité de la taxe ;

- les prestations de développement et de notoriété fournies par le GIE aux centrales constituent un tout indissociable de prestations dont ces dernières bénéficient et qu'elles répercutent à leurs adhérents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le GIE U ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mars 2019.

Le ministre a présenté un mémoire, enregistré le 24 septembre 2019, après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant le Groupement d'intérêt économique U.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 6 721 968 euros dont le GIE U s'estimait titulaire au titre du mois de mai 2013, celui-ci a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 octobre 2013. A l'issue d'une procédure contradictoire d'imposition, le service a mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant total de 11 957 198 euros en droits, ainsi qu'une somme de 712 434 euros au titre des intérêts de retard. Le GIE U a demandé au Tribunal administratif de Melun la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes. Il relève appel du jugement n° 1510537 du 5 juillet 2018 par lequel ce Tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité de la procédure :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...). Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ".

3. Le GIE U reprend en appel, avec une argumentation reproduisant ses écritures de première instance, le moyen tiré de ce que la procédure de rectification est irrégulière dès lors que l'administration a procédé à une substitution de motifs aux stades de la réponse aux observations du contribuable puis de l'interlocution départementale sans lui ouvrir un nouveau délai de trente jours pour présenter ses observations, ce qui l'aurait privé d'une " garantie inhérente à la procédure de vérification ". Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts, qui transpose l'article 2, paragraphe 1 sous a) de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que la base d'imposition d'une prestation de services est constituée par tout ce qui est reçu en contrepartie du service fourni et qu'une prestation de services n'est taxable que s'il existe un lien direct entre le service rendu et la contrepartie reçue. Une prestation n'est dès lors taxable que s'il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique au cours duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire.

5. Le GIE U, selon l'article 3 de ses statuts, a pour objet l'exploitation directe ou indirecte à titre d'enseigne des marques HYPER U, SUPER U, MARCHE U, la recherche et la définition d'une politique générale commune à tous les utilisateurs des enseignes dont il a la jouissance et la réglementation de l'utilisation des marques à titre d'enseigne. Sa gestion est assurée par la centrale nationale U, dans le cadre d'une convention de prestations de services. Selon le règlement intérieur adopté en vue de préciser les modalités de son financement, il facture des cotisations à l'ensemble de ses membres, notamment pour couvrir les frais et charges liés à l'exploitation des marques et la prise en charge de " la communication notoriété/image de SYSTEME U ". En revanche, selon l'article 3.2 de ce règlement, les cotisations destinées à couvrir les " frais liés au développement du réseau " sont facturées exclusivement aux " Centrales régionales associées ". Afin de financer les budgets de développement attribués aux " Associés U ", ces ressources sont ensuite réaffectées par le GIE U à chacune des centrales régionales suivant des modalités fixées chaque année par le conseil d'administration du GIE. Le GIE a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les sommes qu'il facture aux centrales régionales pour appeler les cotisations qui lui sont dues et celles-ci ont également soumis à cette taxe les sommes que le GIE leur reverse lorsqu'il réaffecte les cotisations ainsi prélevées.

6. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la politique de développement du réseau que ces cotisations ont pour objet de financer, les points de vente faisant partie du GIE, auxquels les centrales régionales refacturent les cotisations réclamées par ce dernier, ont accès à des aides leur permettant de financer des investissements. En prélevant ces cotisations, le GIE, même s'il intervient dans l'allocation des aides aux points de vente et le contrôle de leur utilisation, ne peut être regardé comme fournissant aux centrales régionales une prestation de service, le versement des cotisations ayant uniquement pour contrepartie, au demeurant sans lien direct avec la prestation, la possibilité pour celles-ci de bénéficier d'une réaffectation d'une fraction du produit des cotisations en vue du financement des aides des points de vente. La circonstance que le GIE, dans le cadre des autres actions qu'il mène, fournit des prestations de service dont la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée n'a pas été remise en cause, ne peut utilement être invoquée pour justifier la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des opérations à l'origine du litige, chacune devant être appréciée en fonction de sa nature propre au regard du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Les centrales régionales, en facturant au GIE la fraction des cotisations à redistribuer, ne peuvent pas davantage être regardées comme lui rendant une prestation de service soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.

7. Il suit de ce qui a été dit au point précédent que la taxe sur la valeur ajoutée a été facturée à tort par les centrales régionales et ne peut par suite être déduite par le GIE. Le moyen tiré de ce qu'elle doit être regardée comme grevant les éléments du coût des opérations imposables du GIE, au sens de l'article 271 du code général des impôts, est dès lors inopérant.

En ce qui concerne la doctrine administrative :

8. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

9. Le GIE U se prévaut, sur le fondement implicite des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée BOI-TVA-CHAMP-30-10-30-30 n° 40 et n° 50. Toutefois, son argumentation ne peut qu'être écartée dès lors que cette doctrine se rapporte aux opérations des organismes d'utilité générale, à savoir des organismes philosophiques, religieux, politiques, patriotiques, civiques ou syndicaux, ce qui n'est pas le cas du GIE U.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le GIE U n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2011 au 31 octobre 2013. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du GIE U est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au groupement d'intérêt économique (GIE) U et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal de la région d'Ile-de-France (Division juridique Ouest)

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Jardin, président de chambre,

Mme Hamon, président assesseur,

Mme B..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 novembre 2019.

Le rapporteur,

A. B...

Le président,

C. JARDINLe greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA02942 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02942
Date de la décision : 05/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables. Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : CMS FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-05;18pa02942 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award