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20/12/2019 | FRANCE | N°18PA02484

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 20 décembre 2019, 18PA02484


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... A... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 27 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 29 avril 2013 refusant d'autoriser son licenciement et a autorisé l'association des Cités du Secours catholique à le licencier.

Par un jugement nos 1430776-1430803 du 21 octobre 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.>
Par un arrêt n° 15PA04769 du 27 mars 2017, la cour administrative d'appel de P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... A... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 27 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 29 avril 2013 refusant d'autoriser son licenciement et a autorisé l'association des Cités du Secours catholique à le licencier.

Par un jugement nos 1430776-1430803 du 21 octobre 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15PA04769 du 27 mars 2017, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. A... F..., annulé ce jugement et cette décision.

Par une décision n° 410904 du 4 juillet 2018, le Conseil d'État, saisi d'un pourvoi présenté par l'association des Cités du Secours catholique, a annulé l'arrêt n° 15PA04769 du

27 mars 2017 de la cour administrative d'appel de Paris et renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 décembre 2015 et 21 juin 2019, M. A... F..., représenté par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1430776-1430803 du 21 octobre 2015 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 27 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 29 avril 2013 refusant d'autoriser son licenciement et a autorisé l'association des Cités du Secours catholique à le licencier ;

3°) de mettre à la charge de l'association des Cités du Secours catholique et de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la mesure de mise à pied n'est pas suffisamment motivée et méconnaît donc les dispositions de l'article L. 2421-1 du code du travail ;

- la procédure de licenciement suivie par l'association est irrégulière dès lors que le vote des membres du comité d'entreprise ne s'est pas tenu à bulletin secret, en méconnaissance de l'article R. 2421-9 du code du travail ;

- la présentation de la demande d'autorisation de licenciement à l'inspectrice du travail était tardive au regard des dispositions de l'article R. 2421-6 du code du travail ;

- l'inspection du travail du Cher était territorialement compétente ;

- la décision du 27 décembre 2013 est entachée d'erreur d'appréciation, dans la mesure où les obligations du contrôle judiciaire auquel il était soumis n'étaient pas incompatibles avec ses fonctions et où l'association des Cités du Secours catholique ne démontre aucun trouble objectif de nature à justifier son licenciement.

Par trois mémoires en défense enregistrés les 10 mai 2016, 11 juillet 2018 et

1er avril 2019, l'association des Cités du Secours catholique, représentée par Me C... E..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 29 avril 2013 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. A... F..., ainsi que la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social rejetant son recours hiérarchique ;

3°) de mettre à la charge de M. A... F... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que M. A... F... s'est désisté de son recours tendant aux mêmes fins devant le tribunal administratif de Paris ;

- si, toutefois, la requête était jugée recevable, les moyens invoqués par M. A... F... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., représentant l'association des Cités du Secours catholique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... F... a été recruté par l'association Jean-Baptiste Caillaud à compter du 4 avril 2011 en qualité de conseiller en insertion professionnelle. Cette association a été absorbée par l'association des Cités du Secours catholique en janvier 2012. M. A... F... était délégué du personnel au sein de la cité Jean-Baptiste Caillaud, gérée par l'association, et représentant du personnel au comité d'entreprise. Le 27 février 2013, l'association des Cités du Secours catholique a demandé à l'inspectrice du travail de l'autoriser à licencier M. A... F..., ce qui lui a été refusé par une décision du 29 avril 2013. Elle a formé le 27 juin 2013 un recours hiérarchique contre ce refus. Le 1er novembre 2013, une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration sur ce recours, à laquelle a été substituée une décision expresse du ministre du travail du 27 décembre 2013, autorisant le licenciement du requérant. M. A... F... relève appel du jugement du 21 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... F... a initialement saisi le tribunal administratif de Paris et le tribunal administratif d'Orléans de la même demande tendant à l'annulation de la décision du 27 décembre 2013 autorisant son licenciement. Par un courrier du 24 novembre 2014 adressé à M. A... F..., le greffe du tribunal administratif de Paris a constaté qu'une requête ayant le même objet que celle qu'il avait déposée à Paris était enregistrée au tribunal administratif d'Orléans, " territorialement compétent ", l'a invité à se désister de cette instance et à produire ses écritures devant le seul tribunal administratif d'Orléans. En réponse à cette lettre, l'avocat de M. A... F..., par un courrier du 2 décembre 2014, a déclaré se désister de l'instance " compte tenu de la compétence territoriale du tribunal administratif d'Orléans ". Toutefois, par une ordonnance du 9 décembre 2014, le président du tribunal administratif d'Orléans a transmis le dossier de la requête au tribunal administratif de Paris. Enfin, par une ordonnance du 24 avril 2015, le vice-président du tribunal administratif de Paris a pris acte du courrier du 2 décembre 2014 de M. A... F... et lui a donné acte du désistement de sa requête. Il résulte de ce qui précède que ce désistement doit être regardé comme un désistement d'instance, et non comme un désistement d'action, et ne saurait donc emporter désistement de la demande initialement enregistrée au tribunal administratif d'Orléans et transmise par ce dernier au tribunal administratif de Paris, qui a donné lieu au jugement dont appel est relevé. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par l'association des Cités du Secours catholique doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes des dispositions, alors applicables, de l'article L. 2421-3 du code du travail : " tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est obligatoirement soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement ". Par ailleurs, aux termes du premier alinéa de l'article R. 2421-9 du même code : " l'avis du comité d'entreprise est exprimé au scrutin secret après audition de l'intéressé ". Saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé auquel s'appliquent ces dispositions, il appartient à l'administration de s'assurer que la procédure de consultation du comité d'entreprise a été régulière et l'autorisation demandée ne peut être accordée que si le comité d'entreprise a été mis à même d'émettre son avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.

4. Il est constant que les membres du comité d'entreprise ont exprimé leur avis sur le projet de licenciement de M. A... F..., le 25 février 2013, par un vote à main levée, en méconnaissance de l'obligation de vote au scrutin secret fixée par l'article R. 2421-9 du code du travail. Il ressort par ailleurs du procès-verbal de la séance du comité d'entreprise que ses membres, après avoir écouté les explications fournies par l'employeur, auditionné le salarié et posé des questions, se sont retirés durant près d'une heure pour délibérer. À l'issue de cette suspension de séance, ils ont unanimement voté à main levée contre le projet de licenciement, avant que soient immédiatement lus les motifs de leur avis, manifestement rédigés au cours de ladite suspension. Eu égard à l'opacité dans laquelle a ainsi été rendu l'avis, dont le sens a été décidé avant le vote, l'administration ne pouvait s'assurer que les conditions de consultation du comité d'entreprise n'avaient pas été faussées, et par suite ne pouvait légalement délivrer l'autorisation de licenciement sollicitée. M. A... F... est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions subsidiaires de l'association des Cités du Secours catholique tendant à l'annulation de la décision du 29 avril 2013 et de la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique :

5. L'association des Cités du Secours catholique demande, à titre subsidiaire, l'annulation de la décision du 29 avril 2013 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé de l'autoriser à licencier M. A... F... et de la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique. Il ressort cependant des pièces du dossier que, par une décision du 27 décembre 2013, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé ladite décision de l'inspectrice du travail, a retiré sa décision implicite et a autorisé le licenciement du salarié. Dès lors, les conclusions à fin d'annulation de l'association des Cités du Secours catholique étaient sans objet à la date à laquelle elles ont été présentées et sont, par suite, irrecevables.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A... F..., qui n'est pas partie perdante au cours de la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par l'association des Cités du Secours catholique et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros à M. A... F....

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1430776-1430803 du 21 octobre 2015 du tribunal administratif de Paris et la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 27 décembre 2013 sont annulés.

Article 2 : L'État versera à M. A... F... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées à titre subsidiaire par l'association des Cités du Secours catholique, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... A... F..., à la ministre du travail et à l'association des Cités du Secours catholique.

Délibéré après l'audience publique du 3 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 décembre 2019.

Le rapporteur,

G. B... Le président,

M. D...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 18PA02484


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02484
Date de la décision : 20/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CABINET AMIGUES-AUBERTY-JOUARY et POMMIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-20;18pa02484 ?
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