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13/02/2020 | FRANCE | N°17PA23410

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 13 février 2020, 17PA23410


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association syndicale libre du lotissement du Grand Pourpier, M. B... G..., M. F... E... et M. I... D... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2014 par lequel le préfet de La Réunion a autorisé la société Recyclage de l'Ouest à exploiter une installation de compostage de déchets végétaux, de boues de station d'épuration et d'effluents d'élevage au lieu-dit Le Grand Pourpier, sur le territoire de la commune de Saint-Paul.

Par un jugement n° 1

501274 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association syndicale libre du lotissement du Grand Pourpier, M. B... G..., M. F... E... et M. I... D... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2014 par lequel le préfet de La Réunion a autorisé la société Recyclage de l'Ouest à exploiter une installation de compostage de déchets végétaux, de boues de station d'épuration et d'effluents d'élevage au lieu-dit Le Grand Pourpier, sur le territoire de la commune de Saint-Paul.

Par un jugement n° 1501274 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une ordonnance du 1er mars 2019, prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour administrative d'appel de Paris le jugement du dossier d'appel enregistré à la Cour administrative d'appel de Bordeaux.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 27 octobre 2017 et le 15 octobre 2019, l'association syndicale libre du lotissement du Grand Pourpier, M. G..., M. E... et M. D..., représentés par Me C..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501274 du 6 juillet 2017 du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2014 du préfet de La Réunion ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérants soutiennent que :

- ils ont intérêt et qualité pour agir ;

- le jugement est irrégulier, faute pour le tribunal, qui a manqué au principe du contradictoire, d'avoir mis en oeuvre ses pouvoirs d'instruction, portant atteinte au droit au recours effectif ;

- l'article R. 512-3 du code de l'environnement a été méconnu, l'administration ayant été trompée quant à l'exploitant véritable et à la nature de l'installation ; les capacités techniques et financières de l'exploitant réel n'ont pas été révélées, de même que l'origine géographique des déchets et la compatibilité du projet avec les plans de gestion des déchets ;

- l'article R. 512-4 du code de l'environnement a été méconnu, dès lors que le permis de construire avait été annulé à la date de l'autorisation ;

- l'étude d'impact était insuffisante au regard de l'article R. 512-8 du code de l'environnement, compte tenu de l'activité réelle de l'installation projetée et en l'absence de précision quant aux conditions de remise en état du site après exploitation ;

- l'enquête publique était insuffisante, dès lors que le traitement de déchets animaux n'a pas été révélée au public ;

- aucune étude de dangers n'a été faite, en méconnaissance de l'article L. 512-1 du code de l'environnement ;

- le plan local d'urbanisme de la commune n'autorise pas l'installation en litige ;

- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

Par des mémoires en défense enregistrés le 2 janvier 2018 et le 8 novembre 2019, la société Recyclage de l'Ouest, représentée par Me H..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Recyclage de l'Ouest soutient que :

- la qualité pour agir du président de l'association syndicale libre n'est pas établie ; aucun des requérants n'a intérêt à agir ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté pour la société Recyclage de l'Ouest a été enregistré le 11 janvier 2020, après clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. K... ;

- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Recyclage de l'Ouest exploite depuis 2011 une installation de compostage de boues de station d'épuration, de déchets végétaux et d'effluents d'élevage au lieu-dit Le Grand Pourpier à Saint-Paul sur l'île de La Réunion. A la suite d'une visite d'inspection du site le 29 juin 2011, elle a été mise en demeure, par un arrêté du 25 juillet 2011, de régulariser la situation de son installation en déposant un dossier de demande d'autorisation au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement. La société Recyclage de l'Ouest a déposé un dossier de demande d'autorisation le 11 janvier 2012, complété le 8 juin 2012. Une enquête publique a été organisée du 22 avril au 23 mai 2013, à l'issue de laquelle le commissaire enquêteur a émis un avis favorable au projet, le conseil départemental des risques sanitaires et technologiques ayant également émis un avis favorable le 25 novembre 2014. Par un arrêté du 30 décembre 2014, le préfet de La Réunion a autorisé la société Recyclage de l'Ouest à exploiter l'installation. L'association syndicale libre du lotissement du Grand Pourpier, M. G..., M. E... et M. D... font appel du jugement du 6 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les fins de non-recevoir :

2. Aux termes de l'article L. 514-6 du code de l'environnement : " (...) III. Les tiers qui n'ont acquis ou pris à bail des immeubles ou n'ont élevé des constructions dans le voisinage d'une installation classée que postérieurement à l'affichage ou à la publication de l'acte portant autorisation ou enregistrement de cette installation ou atténuant les prescriptions primitives ne sont pas recevables à déférer ledit arrêté à la juridiction administrative (...) ".

3. En application de ces dispositions, il appartient au juge administratif d'apprécier si les tiers personnes physiques qui contestent une décision prise au titre de la police des installations classées justifient d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux.

4. M. G... et M. E... ont produit des attestations notariales du 23 août 2002 et du 29 novembre 2006 faisant état de l'acquisition de terrains à bâtir au sein du lotissement du Grand Pourpier. M. D... est mentionné en tant que trésorier dans un procès-verbal d'assemblée générale du 19 mai 2009 de l'association syndicale libre du lotissement du Grand Pourpier, composée, selon l'article 2 de ses statuts, des titulaires de droits de propriété. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le fonctionnement de l'installation autorisée, située à environ 500 mètres du lotissement du Grand Pourpier, est susceptible de présenter des inconvénients pour la commodité des résidents de ce lotissement, notamment du fait de nuisances olfactives, critère qui se rattache à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. S'il est allégué en défense que les nuisances olfactives subies par les riverains peuvent également provenir du transport de boues du fait de bennes non hermétiques par une société d'assainissement, de la pratique d'épandages de lisiers et de fientes autour de l'installation et de dépôts sauvages de cadavres d'animaux à proximité, il n'est toutefois pas contesté que l'installation en litige a une part de responsabilité dans les nuisances olfactives. Dans ces conditions, les personnes physiques requérantes justifient d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté attaqué.

5. En revanche, l'association syndicale libre du lotissement du Grand Pourpier a pour objet, d'après l'article 3 de ses statuts, " la propriété, l'extension, la gestion, l'administration, la police et l'entretien de la voirie, des espaces libres, des terrains de jeux, des parkings, des espaces verts, des réseaux de toute nature et généralement, de tous équipements d'intérêt commun appartenant à l'association syndicale, jusqu'à leur transfert éventuel dans le domaine d'une personne morale de droit public " et non pas la défense des droits des propriétaires qui la composent vis-à-vis des tiers ou, de façon générale, la protection du cadre de vie et de l'environnement. Compte tenu de son objet, elle ne justifie ainsi pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté attaqué.

Sur le bien- fondé du jugement :

6. Aux termes de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques (...) ". Par ailleurs, si les décisions prises en matière de police des installations classées pour la protection de l'environnement à la suite d'une demande d'autorisation ou d'enregistrement ou d'une déclaration préalable sont soumises à un contentieux de pleine juridiction, le I de l'article L. 514-6 du code de l'environnement dispose également : " (...) Par exception, la compatibilité d'une installation classée avec les dispositions d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols ou d'une carte communale est appréciée à la date de l'autorisation, de l'enregistrement ou de la déclaration (...) ".

7. Les requérants font valoir pour la première fois en appel que le règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Paul approuvé le 27 septembre 2012 faisait obstacle à la délivrance de l'autorisation contestée. Il résulte de l'instruction que l'installation en litige est située sur des parcelles cadastrées AE32 et AE64 en zone Acu du plan local d'urbanisme, ce que confirme le permis de construire délivré le 16 juin 2014 ainsi que la comparaison des extraits de plan cadastral et du document graphique du plan local d'urbanisme produits par les requérants. Selon le règlement du plan local d'urbanisme, la zone A couvre les secteurs agricoles de la commune et comporte trois zones, dont la zone Acu qui couvre les espaces de coupures d'urbanisation identifiés au schéma d'aménagement régional. Suivant l'article 1.2, " toute nouvelle construction " est interdite en zone Acu, à l'exception de celles visées à l'article 2.2. Aux termes de l'article 2.2, sont admises sous condition : " 1. A l'exception de la zone Acu, les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ainsi que les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (...) 3. A l'exception de la zone Acu, les constructions à usage d'activités soumises ou non au régime des ICPE utiles à l'activité de production agricole, lorsqu'elles ne sont pas susceptibles d'aggraver les risques de nuisances pour le voisinage (...) ". Sont également admis sous conditions les constructions et les ouvrages techniques liés à la voirie et aux différents réseaux nécessaires au fonctionnement d'un service public ou d'intérêt collectif dont l'implantation dans la zone est rendue nécessaire pour des raisons techniques ou économiques, les travaux d'amélioration et de reconstruction au même emplacement dans le volume existant et l'extension limitée des logements régulièrement édifiés et existants, les constructions nécessaires à l'exercice de l'activité agritouristique sur le site d'une exploitation agricole existante, la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans et les constructions, ouvrages et travaux liés à l'entretien et la gestion des sites et ceux permettant de réduire les risques naturels.

8. Il résulte de l'instruction que l'installation classée pour la protection de l'environnement en litige a pour objet de mettre en oeuvre une activité de compostage de déchets végétaux, de boues de station d'épuration et d'effluents d'élevage. A supposer même qu'elle puisse ainsi être regardée, d'une part, comme nécessaire à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs ou à des services publics, et, d'autre part, comme utile à l'activité de production agricole, les dispositions précitées de l'article 2.2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Paul font obstacle à ce qu'une telle installation, qui ne se rattache à aucune autre catégorie de construction admise dans la zone concernée, soit autorisée dans la zone Acu. Dans ces conditions, même si un permis de construire devenu définitif a été délivré à la société Recyclage de l'Ouest en vertu de la législation distincte d'urbanisme, l'installation classée en litige n'était pas compatible avec le règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Paul à la date de l'autorisation, le 30 décembre 2014. En outre, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les dispositions précitées des articles 1.2 et 2.2 de ce règlement ont été modifiées à la date du présent arrêt, l'autorisation environnementale en litige ne peut être régularisée par application des dispositions du 2° de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que l'association syndicale libre du lotissement du Grand Pourpier et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande. Le jugement et l'arrêté attaqués doivent ainsi être annulés.

Sur les frais liés au litige :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Recyclage de l'Ouest demande au titre des frais qu'elle a exposés. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante, la somme globale de 1 500 euros au profit des personnes physiques requérantes au titre des frais qu'elles ont exposés, l'association syndicale libre du lotissement du Grand Pourpier n'ayant pas intérêt à agir.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501274 du 6 juillet 2017 du tribunal administratif de La Réunion et l'arrêté du 30 décembre 2014 par lequel le préfet de La Réunion a autorisé la société Recyclage de l'Ouest à exploiter une installation de compostage de déchets végétaux, de boues de station d'épuration et d'effluents d'élevage au lieu-dit Le Grand Pourpier sur le territoire de la commune de Saint-Paul sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. G..., M. E... et M. D... la somme globale de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la société Recyclage de l'Ouest tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association syndicale libre du lotissement du Grand Pourpier, à M. B... G..., à M. F... E..., à M. I... D..., à la société Recyclage de l'Ouest et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de la région Réunion, préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme J..., présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. K..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 février 2020.

Le rapporteur,

F. K...La présidente,

S. J...Le greffier,

M. A...La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA23410


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17PA23410
Date de la décision : 13/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02-01-02 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement. Champ d'application de la législation. Installations entrant dans le champ d`application.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : RAPADY

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-13;17pa23410 ?
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