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05/03/2020 | FRANCE | N°19PA01054

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 05 mars 2020, 19PA01054


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Pierre A... Expertise a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, ainsi que des retenues à la source mises à sa charge au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1608131 du 15 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa d

emande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2019, la so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Pierre A... Expertise a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, ainsi que des retenues à la source mises à sa charge au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1608131 du 15 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 mars 2019, la société Pierre A... Expertise, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1608131 du Tribunal administratif de Paris en date du 15 janvier 2019 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, ainsi que des retenues à la source mises à sa charge au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée ;

- l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est irrégulier, dès lors que la commission a refusé tout véritable débat sur le fond concernant la réalité et le montant des prestations facturées et s'est limitée à une analyse juridique formelle sans examiner les questions de fait qui lui étaient soumises ; elle a méconnu les droits de la défense, ainsi que le champ de sa compétence tel qu'il est défini à l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales ;

- c'est à tort que le service a remis en cause la déduction des charges de sous-traitance dès lors que les prestations d'expertise de ses deux associés ont été comptabilisées, qu'elle n'avait pas de salariés et qu'elle a eu recours à l'expertise de M. A... et de Mme C..., qui sont mentionnés sur les catalogues des ventes ; le montant des sommes facturées est cohérent avec l'évolution sur la même période du chiffre d'affaires, qui s'explique par le développement important des activités de vente aux enchères et des expertises en matière d'objets d'art asiatiques ; l'administration reconnaît l'existence des conventions de prestation signées avec M. A... et Mme C... ; elle n'a pas remis en cause la réalité et le montant des prestations facturées par les autres sous-traitants, ni ceux des prestations facturées à ses clients ; aucun des deux associés n'a perçu de salaires au cours des années vérifiées et ceux-ci auraient pu facturer leurs travaux d'expertise directement aux clients pour des montants identiques ; les prestations réalisées présentent un lien avec son activité, qui consiste en travaux d'expertise et leur prix ne peut être regardé comme excessif dès lors qu'elle conserve une marge appréciable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête, qui ne comporte aucun moyen d'appel, ni aucune critique utile du jugement, est irrecevable ;

- les moyens soulevés par la société Pierre A... Expertise ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Pierre A... Expertise, qui a pour activité l'expertise d'objets et d'oeuvres d'arts asiatiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle le service a remis en cause la comptabilisation en charges déductibles au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 de factures de sous-traitance émises par ses deux associés et portant sur des travaux d'expertise. Elle a, en conséquence de la réintégration à ses résultats des sommes correspondant aux charges regardées comme non justifiées, été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, assorties des intérêts de retard et de pénalités pour manquement délibéré sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts. Par ailleurs, l'un de ses associés étant résident fiscal espagnol, elle a également été soumise à une retenue à la source, en application du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, ainsi qu'à la majoration de 10 % prévue par les dispositions de l'article 1728 du même code. La société Pierre A... Expertise fait appel du jugement en date du 15 janvier 2019, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

4. La proposition de rectification du 11 décembre 2012, adressée à la contribuable mentionne l'année d'imposition, les impositions concernées, la nature et le montant des rectifications envisagées, ainsi que leur fondement légal. Elle expose également les raisons pour lesquelles le service a considéré que le montant des prestations de sous-traitance facturé par les deux associés de la société Pierre A... Expertise ne pouvait être déduit des résultats des exercices clos en 2009, 2010 et 2011. Ainsi, la proposition de rectification comportait l'ensemble des éléments d'informations nécessaires permettant à la société Pierre A... Expertise de contester utilement les impositions mises à sa charge.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales :

" I. - La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; (...) II. - Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit.(...) ".

6. Les vices de forme ou de procédure dont serait entaché l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, en date du 5 juin 2013, n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition et ne peuvent avoir pour effet que de modifier, le cas échéant, la dévolution de la charge de la preuve. Par suite, la circonstance alléguée que la commission se serait prononcée sur des questions de droit et n'aurait pas examiné les faits qui lui étaient soumis, méconnaissant ainsi le champ de sa compétence,

tel qu'il est défini par l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, ainsi que les droits de la défense, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

Sur le bien-fondé des impositions :

7. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. (...) ".

8. Dans le cas où une entreprise, à laquelle il appartient toujours de justifier tant du montant de ses charges que de la correction de leur inscription en comptabilité, justifie d'une charge comptabilisée par une facture émanant d'un fournisseur, il incombe à l'administration, si elle entend refuser la déduction de cette charge, d'établir que la marchandise ou la prestation de services facturée n'a pas été réellement livrée ou exécutée.

9. Il ressort des mentions des différentes pièces de procédure que le service a remis en cause l'inscription en charges déductibles des sommes versées par la société Pierre A... Expertise à ses associés, M. A... et Mme C..., en règlement de travaux d'expertise que ceux-ci lui avaient facturés, au motif que la société n'avait pas justifié de la réalité et de l'importance des prestations effectuées pour son compte par les intéressés. A cet égard, le service a relevé que les factures présentées lors des opérations de contrôle par la société Pierre A... Expertise ne fournissaient aucune précision sur le nombre et la nature des objets expertisés et que la contribuable, en dépit de la demande qui lui en avait été faite, n'avait pas été en mesure de justifier du détail des honoraires facturés. Les conventions de sous-traitance, signées le 20 juin 2007, entre la société requérante et ses deux associés, ne comportent aucune précision sur les missions assignées aux experts et sont imprécises quant aux modalités de leur rémunération. Si la société Pierre A... Expertise fait valoir que, ne disposant pas de salariés, elle a recours au service de ses associés, experts indépendants en arts asiatiques, dont le nom figure dans les catalogues de vente, il résulte de l'instruction qu'elle a également confié des missions d'expertise à des tiers et que les factures émises par ces prestataires, qui comportaient le détail précis des honoraires facturés, ont été prises en compte par le service pour la détermination de ses résultats imposables. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que les factures produites ne correspondaient à la réalisation d'aucune prestation. Les circonstances alléguées que ces factures ont été comptabilisées, que les prestations facturées présenteraient un lien avec l'activité de l'entreprise, que leur montant est cohérent avec l'évolution sur la même période de son chiffre d'affaires, qu'aucun des deux associés n'a perçu de salaires au cours des années vérifiées et qu'ils auraient pu facturer leurs travaux d'expertise directement aux clients pour des montants identiques, ne sont pas de nature à établir l'effectivité de ces prestations. Par suite, c'est à bon droit que le service a refusé d'admettre en déduction des résultats imposables de la société Pierre A... Entreprises les charges correspondant aux travaux d'expertises facturés par les deux associés de la société.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de

non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics, que la société

Pierre A... Expertise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Pierre A... Expertise est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pierre A... Expertise et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de Paris, pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - Service du contentieux d'appel déconcentré (SCAD).

Délibéré après l'audience du 13 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme D..., président-assesseur,

- M. Doré, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 mars 2020.

Le rapporteur,

V. D...Le président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19PA01054


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01054
Date de la décision : 05/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie POUPINEAU
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : NAVION

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-03-05;19pa01054 ?
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