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11/03/2020 | FRANCE | N°19PA00273

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 11 mars 2020, 19PA00273


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 24 juillet 2018 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1815652 en date du 12 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 janvi

er 2019, M. F..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1815...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 24 juillet 2018 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1815652 en date du 12 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2019, M. F..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1815652 du 12 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 24 juillet 2018 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à défaut, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour et de travail dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation à la part contributive de l'État.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'incompétence et d'insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'un vice de procédure à défaut de saisine de la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en violation de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 24 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., de nationalité bangladaise, est entré en France, selon ses déclarations, le

1er mars 2013. Sa demande d'asile présentée au mois de mars 2016 a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 16 juin 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 20 mars 2017. M. F... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions du 11° de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 24 juillet 2018, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination. M. F... relève appel du jugement en date du 12 décembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. E... D..., chef du 10ème bureau à la direction de la police générale à la préfecture de police, qui bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de police en vertu d'un arrêté n° 2017-00972 du 28 septembre 2017 régulièrement publié, le 2 octobre 2017, au bulletin municipal officiel de la ville de Paris en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées lors de la signature de la décision contestée. Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision contestée du 24 juillet 2018 n'a pas été signée par une autorité incompétente.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. La décision contestée vise les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont M. F... s'est prévalu pour solliciter un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Elle mentionne sa nationalité ainsi que sa date de naissance, et celle de son entrée en France. Après avoir rappelé que celui-ci a été mis en possession d'un récépissé au titre d'une demande de carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade valable du 13 mars 2018 au 12 juillet 2018 renouvelé jusqu'au 8 octobre 2018, elle expose les motifs pour lesquels le préfet de police a considéré que M. F... ne remplissait pas les conditions pour obtenir le titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement des dispositions du 11° de l'article

L. 313-11 du code de l''entrée et du séjour des étrangers et du droit d''asile, en relevant notamment que M. F... pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Elle précise enfin que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, la décision en litige comporte l'ensemble des éléments de fait et de droit sur lesquels le préfet de police s'est fondé pour refuser à M. F... la délivrance d'un titre de séjour. Elle est, dès lors, suffisamment motivée.

5. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de M. F....

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque

celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ".

7. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dans un avis émis le 5 mai 2018, a estimé que l'état de santé de M. F... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du Bangladesh, il pouvait y bénéficier d'un traitement approprié, l'état de santé de l'intéressé lui permettant de voyager sans risque vers son pays d'origine. Si le requérant soutient qu'il souffre d'une hernie discale, de douleurs chroniques nécessitant un suivi en kinésithérapie et d'un symptôme post traumatique, à la suite d'un accident survenu sur la voie publique, les documents produits ne sont pas suffisamment circonstanciés pour remettre en cause l'appréciation du collège des médecins de l'OFII et du préfet de police sur la disponibilité au Bangladesh des soins et traitements requis par l'état de santé de M. F.... Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'il remplissait les conditions de délivrance du titre prévu au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

8. M. F... ne remplissant pas les conditions de délivrance du titre de séjour qu'il a demandé ainsi qu'il est dit au point précédent, le préfet de police n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande. Il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché sa décision d'un vice de procédure.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. F... a vécu au Bangladesh jusqu'à son arrivée en France en 2016 à l'âge de

quarante-quatre ans et n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment son épouse et ses deux enfants. A l'exception d'une attestation relative au suivi de cours de français, il n'apporte aucun élément quant à son intégration en France ou aux liens personnels qu'il y aurait créés. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris et qu'il méconnaîtrait ainsi les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Le requérant ne peut, en dernier lieu, utilement invoquer la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, dès lors qu'elle n'a ni pour objet ni pour effet de le contraindre à retourner dans son pays d'origine.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à invoquer par voie d'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

13. En deuxième lieu, il résulte des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'obligation faite à un étranger de quitter le territoire français n'a pas à comporter une motivation spécifique, distincte de celle du refus de titre de séjour qu'elle accompagne. L'obligation faite à M. F... de quitter le territoire français, qui fait suite à la décision de refus de titre de séjour, laquelle est suffisamment motivée ainsi qu'il a été dit au

point 4, fait référence aux dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est donc suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

14. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. C..., président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 mars 2020.

Le président rapporteur,

S.-L. C... L'assesseur le plus ancien

V. POUPINEAU

Le greffier,

C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19PA00273


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00273
Date de la décision : 11/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Simon-Louis FORMERY
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : KWEMO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-03-11;19pa00273 ?
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