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20/05/2020 | FRANCE | N°19PA02821

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 20 mai 2020, 19PA02821


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Régie autonome des transports parisiens et la société RATP Travel Retail ont demandé au tribunal administratif de Paris d'enjoindre à la société Fruit Délice, ainsi qu'à tous ses occupants de son chef, d'évacuer sans délai l'emplacement n°04-0013-99-0043, occupé sans droit ni titre, situé dans les dépendances de la station " Châtelet " sur le réseau métropolitain.

Par un jugement n°1902730/4-3 du 27 juin 2019 le tribunal administratif de Paris a fait droit à cette demande.

Proc

dure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 août 2019, la société Délice Fruits, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Régie autonome des transports parisiens et la société RATP Travel Retail ont demandé au tribunal administratif de Paris d'enjoindre à la société Fruit Délice, ainsi qu'à tous ses occupants de son chef, d'évacuer sans délai l'emplacement n°04-0013-99-0043, occupé sans droit ni titre, situé dans les dépendances de la station " Châtelet " sur le réseau métropolitain.

Par un jugement n°1902730/4-3 du 27 juin 2019 le tribunal administratif de Paris a fait droit à cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 août 2019, la société Délice Fruits, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris lui a enjoint d'évacuer l'emplacement qu'elle occupe dans les dépendances de la station " Châtelet " ;

2°) de nommer un expert judicaire afin de faire constater le non-respect de la procédure de mise en concurrence ;

3°) de mettre à la charge solidairement de la Régie autonome des transports parisiens et la société RATP Travel Retail une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la convention d'occupation n'est pas valide, en ce qu'elle ne repose sur aucune cause de précarité, qu'elle ne fixe pas une redevance inférieure au marché de la location, ni ne l'exonère de l'entretien et de charges locatives ; dès lors cette convention devait être regardée comme un bail ;

- cette convention a été reconduite tacitement après le 17 juillet 2018 ;

- elle n'a pas été informée de la procédure de mise en concurrence pour l'emplacement en cause alors que, occupant le local, elle était prédisposée à conserver son droit d'exploitation ; la société Promo Métro a cherché à l'évincer du local ; la valeur de son fonds de commerce est affectée par la précarité attachée à la réattribution de son autorisation d'exploitation, d'autant plus si elle est incertaine ; le principe de la mise en concurrence ne peut s'appliquer pour substituer un commerce ; sa convention pouvait être renouvelée sans mise en concurrence par application de l'exception d'intégration ou de celle de prolongation ; la mise en concurrence et les attributions ont été irrégulières ; la pérennité de son activité économique est mise en danger ;

- elle demande la nomination d'un expert judiciaire pour faire cesser les entraves à son fonctionnement et constater la non-conformité de la mise en concurrence du local exploité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2020, la Régie autonome des transports parisiens et la société RATP Travel Retail, représentées par Me B..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Délice Fruits une somme de 3 000 euros à chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les demandes tendant à l'annulation de la requête aux fins d'expulsion, à la requalification de la convention en bail commercial et à la nomination d'un expert judicaire afin de faire constater le non-respect de la procédure de mise en concurrence, sont irrecevables et ne relèvent pas, pour les deux premières, de la compétence de la Cour ;

- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- les observations de Me A..., avocat de la société Délice Fruits, et les observations de Me B..., avocat de la Régie autonome des transports parisiens et la société RATP Travel Retail.

Considérant ce qui suit :

1. La Régie autonome des transports parisiens et la société RATP Travel Retail ont demandé au tribunal administratif de Paris d'enjoindre à la société Délice Fruits d'évacuer l'emplacement qu'elle occupait dans les dépendances de la station " Châtelet " sur le réseau métropolitain où elle exploitait une activité de vente de fruits et légumes. Par un jugement du 27 juin 2019, ce tribunal, jugeant que la société Délice Fruits occupait les lieux, relevant du domaine public, sans droit ni titre depuis le 18 juillet 2018, a fait droit à cette demande. La société Délice Fruits relève appel de ce jugement devant la Cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si la société Délice Fruits soutient que le jugement attaqué serait irrégulier à raison d'un défaut de motivation, faute d'avoir relevé un certain nombre d'indications, elle n'apporte à l'appui de ce moyen aucune précision permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. En outre, le tribunal n'était en tout état de cause pas tenu de répondre à l'ensemble les arguments soulevés devant lui, notamment en défense. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit donc être écarté.

Au fond :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la Régie autonome des transports parisiens et RATP Travel Retail :

3. La société Promo Métro, devenue la société RATP Travel Retail, chargée de la gestion des locaux commerciaux créés sur les réseaux de la Régie autonome des transports parisiens, a signé le 22 mai 2014 une convention d'occupation temporaire du domaine public avec la société Délice Fruits, relativement à un emplacement situé dans les dépendances de la station " Châtelet ", pour une période allant du 1er juin 2014 au 31 mai 2018. Cette convention a été reconduite par avenant du 20 février 2018, pour la période du 1er juin au 17 juillet 2018, compte tenu du délai d'engagement d'une procédure de mise en concurrence concernant cet emplacement.

4. Par une lettre recommandée du 21 juin 2018, la société Promo Métro a rappelé à la société Délice Fruits le terme de la convention d'occupation le 17 juillet 2018 et a fixé au 18 juillet 2018 l'état des lieux de sortie. Constatant que l'emplacement était toujours occupé, elle a, par une nouvelle lettre recommandée du 24 juillet 2018, réitéré sa demande de libération des lieux et a fixé au 1er aout 2018 la date de réalisation de l'état des lieux. En l'absence de diligences de la part de la société Délice Fruits, elle l'a informée, par une lettre recommandée du 1er août 2018 qu'elle saisissait la juridiction compétente en vue de demander son expulsion.

5. La convention signée le 22 mai 2014 par la société Délice Fruits a pour objet l'occupation temporaire d'un emplacement dépendant du domaine public non constitutive de droits réels, et l'appartenance dudit emplacement n'est pas contesté par la société requérante. En raison du caractère précaire et personnel des titres d'occupation du domaine public et des droits qui sont garantis au titulaire d'un bail commercial, un tel bail ne saurait être conclu sur le domaine public. Au demeurant, l'article 2 de la convention stipule qu'au regard de la domanialité publique des lieux, les règles sur les baux prévues par le code de commerce sont inapplicables, l'activité ne pouvant être assimilée à un fonds de commerce et n'ouvrant aucun des droits attachés à la propriété commerciale. Enfin, aux termes de son article 9, l'occupation est accordée moyennant le paiement d'une redevance d'occupation. La société requérante ne saurait donc utilement se prévaloir de ce que cette convention devrait être regardée comme constituant en réalité un bail commercial.

6. La convention d'occupation du domaine public conclue 22 mai 2014 prévoit à son article 7 qu'elle est accordée pour une durée ferme de 4 ans et qu'elle ne peut se prolonger par tacite reconduction. Elle stipule encore que : " Au terme de sa durée, la convention prendra fin automatiquement et de plein droit ; la société Délice Fruits ne pouvant en aucun cas se prévaloir d'un droit au maintien dans les lieux. ". L'avenant signé le 20 février 2018, prévoit que la durée de la convention est prorogée pour une durée ferme à compter du 1er juin pour se terminer le 17 juillet 2018. La société requérante ne saurait dès lors utilement soutenir que la convention aurait été reconduite tacitement après le 17 juillet 2018.

7. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. ".

8. La société Délice Fruits n'est plus titulaire d'aucun titre l'autorisant à occuper l'emplacement en cause depuis le 17 juillet 2018, date à laquelle est arrivée à échéance la convention domaniale conclue le 22 mai 2014, modifiée par l'avenant du 20 février 2018. Dès lors, les moyens tirés de l'illégalité de la mise en concurrence en vue d'attribuer son emplacement, de l'irrégularité de cette procédure, et du préjudice qu'elle en subit, sont inopérants pour contester le bien-fondé de la demande d'expulsion formulée par la RATP et la RATP Travel Retail.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Délice Fruits n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris lui a enjoint d'évacuer l'emplacement par elle occupé dans les dépendances de la station " Châtelet " sur le domaine public du métropolitain à compter de la notification dudit jugement, d'évacuer, sans délai, tous les matériels, mobiliers et marchandises entreposés, en assortissant ces injonctions d'une astreinte de 150 euros par jour de retard , et a rejeté sa demande de nomination d'un expert judiciaire.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Régie autonome des transports parisiens et de la société RATP Travel Retail, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la société Délice Fruits demande au titre des frais qu'elle a exposés. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Délice Fruits une somme de 750 euros, à verser, à chacune, à la Régie autonome des transports parisiens et à la société RATP Travel Retail.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Délice Fruits est rejetée.

Article 2 : La société Délice Fruits versera à la Régie autonome des transports parisiens et à la société RATP Travel Retail, une somme de 750 euros, chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... représentant la société Délice Fruits et à Me B..., représentant la Régie autonome des transports parisiens et la société RATP Travel Retail.

Délibéré après l'audience du 27 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- M. Legeai, premier conseiller,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 20 mai 2020.

Le président de la formation de jugement,

S. DIÉMERT

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA02821


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02821
Date de la décision : 20/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-02-01-01-02 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation. Utilisations privatives du domaine. Contrats et concessions.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : LE GOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-05-20;19pa02821 ?
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