La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/05/2020 | FRANCE | N°18PA03896

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 mai 2020, 18PA03896


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 25 avril 2018 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1807170/3-2 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le

12 décembre 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 25 avril 2018 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1807170/3-2 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 décembre 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1807170/3-2 du 12 juin 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 25 avril 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'effacement de son inscription dans le fichier du système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me B..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet n'établit pas que son adoption a été précédée d'une audition conformément aux dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet ne pouvait se fonder sur la circonstance que l'intéressé était dépourvu d'un titre de séjour en cours de validité ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 dès lors qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il serait personnellement et directement exposé à des traitements inhumains et dégradants ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. D... a présenté son rapport lors de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant congolais (République démocratique du Congo), né le 22 août 1986, est entré en France le 3 décembre 2013 selon ses déclarations. A l'issue d'un contrôle d'identité, le préfet de police, par un arrêté en date du 25 avril 2018 lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné à l'issue de ce délai. M. A... relève appel du jugement du 12 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 avril 2018.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Enfin, aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".

3. La décision contestée mentionne l'identité, la date de naissance et la nationalité de l'intéressé. Elle vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment le 1° du I de l'article L. 511-1 de ce code. Elle indique également que M. A... ne peut justifier d'une entrée régulière en France et qu'il est dépourvu d'un titre de séjour en cours de validité. Elle précise enfin que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale et qu'il n'est pas établi, qu'en cas de retour dans son pays d'origine, M. A... serait exposé à des peines ou traitements dégradants. Dans ces conditions, et même si la décision contestée ne mentionne pas la présence de l'intéressé sur le territoire français depuis cinq ans et le fait que son frère et sa soeur résident régulièrement en France, elle comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision contestée, rappelés au point précédent, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A....

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".

6. Si M. A... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi par le préfet que son adoption a été précédée d'une audition conformément aux dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative contentieuses auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, les dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 de ce même code, ne sauraient être utilement invoquées par le requérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. A... a pu présenter ses observations, lesquelles ont été consignées dans un procès-verbal d'audition du 25 avril 2018 établi par la préfecture de police à la suite de son interpellation. Le requérant a alors fourni toutes les indications utiles sur les circonstances de son entrée en France, sur sa situation familiale, et ses conditions d'existence sur le territoire. Il n'est ni établi, ni même allégué, que M. A... aurait disposé d'autres informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure d'éloignement contestée et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction d'une telle mesure. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'un vice de procédure ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " Les Etats Contractants n'appliqueront aux déplacements de ces réfugiés d'autres restrictions que celles qui sont nécessaires ; ces restrictions seront appliquées seulement en attendant que le statut de ces réfugiés dans le pays d'accueil ait été régularisé ou qu'ils aient réussi à se faire admettre dans un autre pays. En vue de cette dernière admission les Etats Contractants accorderont à ces réfugiés un délai raisonnable ainsi que toutes facilités nécessaires ". Ces stipulations font obstacle à ce que le préfet fasse usage des pouvoirs que lui confère le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en matière d'éloignement des étrangers avant d'avoir statué sur la demande d'admission au séjour au titre de l'asile.

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...)".

9. Si M. A... soutient que le préfet de police ne pouvait se fonder sur son entrée irrégulière en France pour l'obliger à quitter le territoire dès lors qu'il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile, il ressort des pièces du dossier que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 28 mai 2015, notifiée le 19 juin 2015 et confirmée par une décision du 19 avril 2016 de la Cour nationale du droit d'asile, notifiée le 17 mai 2016. Par ailleurs, il est constant que par arrêté du 14 juin 2016, le préfet de police avait pris à son encontre une première décision portant obligation de quitter le territoire français, la reconnaissance de la qualité de réfugié lui ayant été définitivement refusée. Dans ces conditions, et en l'absence de titre de séjour en cours de validité, le préfet de police pouvait, sans méconnaitre les dispositions de la convention de Genève, fonder sa décision du 25 avril 2018 portant obligation de quitter le territoire français sur les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, pour les motifs exposés ci-dessus, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué au soutien des conclusions en annulation dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit être écarté.

12. En deuxième lieu, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée par le visa des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et la mention portée dans ses motifs que l'intéressé n'établit pas être exposé à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.

13. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

14. M. A... soutient qu'il craint être victime de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine eu égard à son militantisme politique. Il produit à cet effet un jugement du tribunal de grande instance de Kinshasa - Matete du 26 août 2013 prononçant à son encontre une peine d'emprisonnement de quinze ans pour attentat et complot contre le chef de l'Etat et dont il indique n'avoir eu connaissance que postérieurement au rejet définitif de sa demande d'asile en 2016 par la Cour nationale du droit d'asile. Toutefois, ce jugement qui, selon les termes mêmes du document, aurait pourtant été signifié directement à l'intéressé avant son arrivée en France en 2013 ne présente pas une garantie d'authenticité suffisante et n'est pas de nature à établir qu'il serait personnellement et directement exposé à un risque réel, direct et sérieux pour sa vie ou sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine et ce, alors que sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée ainsi qu'il a été rappelé au point 8. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 ne peuvent qu'être écartés.

15. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

16. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande. En conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 27 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. D..., président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Collet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 mai 2020.

Le président de la 8ème chambre,

J. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 18PA03896


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03896
Date de la décision : 22/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jacques LAPOUZADE
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : MILEO

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-05-22;18pa03896 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award