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09/06/2020 | FRANCE | N°19PA01103

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 09 juin 2020, 19PA01103


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D..., agissant en qualité de représentante de sa fille mineure G... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 février 2018 par lequel le préfet de police a retiré l'autorisation de stationnement no 80069 dont était titulaire Nabil E..., décédé le 15 avril 2016, de lui accorder un délai supplémentaire, qui ne saurait être inférieur à un an à compter de la décision à intervenir, d'enjoindre au préfet de police de restituer à la succession de Nabil E..., s

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D..., agissant en qualité de représentante de sa fille mineure G... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 février 2018 par lequel le préfet de police a retiré l'autorisation de stationnement no 80069 dont était titulaire Nabil E..., décédé le 15 avril 2016, de lui accorder un délai supplémentaire, qui ne saurait être inférieur à un an à compter de la décision à intervenir, d'enjoindre au préfet de police de restituer à la succession de Nabil E..., sous astreinte de 100 euros par jour de retard, l'autorisation de stationnement no 80069, ou à défaut une nouvelle autorisation de stationnement et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1810244 du 22 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 mars 2019, Mme C... D..., agissant en qualité de représentante de sa fille mineure G... E..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 22 janvier 2019 ;

2°) de lui accorder un délai supplémentaire, qui ne saurait être inférieur à un an à compter de la décision à intervenir ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de restituer à la succession de Nabil E..., sous astreinte de 100 euros par jour de retard, l'autorisation de stationnement no 80069, ou à défaut une nouvelle autorisation de stationnement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a, à tort, jugé que le délai de forclusion de l'article L3121-3 du code des transports leur était applicable nonobstant les dispositions de l'article 2235 du code civil disposant que les prescriptions ne sont pas applicables aux mineurs ;

- le tribunal a, à tort, retenu qu'elle n'avait fait aucune diligence pour informer l'administration des difficultés qu'elle rencontre pour l'exécution du testament de M. E... alors qu'elle a fait toutes les démarches nécessaires et n'a commis aucune faute ;

- compte tenu des circonstances très particulières de cette affaire le délai d'un an de l'article L.3121-3 du code des transports ne pouvait leur être opposé ;

- la décision attaquée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en privant sa fille de la possibilité de recueillir le patrimoine de son père.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 juin 2019, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°)A titre principal de le mettre hors de cause, le préfet de police étant seul compétent pour défendre dans cette instance;

2°) A titre subsidiaire de rejeter la requête ;

Il soutient que :

-le préfet de police est seul compétent pour défendre dans cette instance ;

- il s'en réfère aux écritures du préfet de police.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 octobre 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 novembre 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... E..., décédé le 15 avril 2016, qui détenait depuis 2013, en qualité de chauffeur de taxi, une autorisation de stationnement, délivrée par le préfet de police de Paris, laissait comme ayant-droit sa fille, Inès E..., née le 21 janvier 2004 et résidant au Maroc avec sa mère. Par un arrêté du 5 février 2018, le préfet de police a retiré l'autorisation de stationnement de M. E... au motif qu'aucune demande de présentation de successeur n'avait été formée dans le délai d'un an à compter du décès de M. E.... Mme D..., son ex-épouse, agissant en sa qualité de représentante légale de leur fille Inès E..., a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande d'annulation de cet arrêté, mais le tribunal a rejeté cette demande par jugement du 22 janvier 2019 dont Mme D... interjette appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. L'article 3121-3 du code des transports dispose que : " En cas de cessation d'activité totale ou partielle, de fusion avec une entreprise analogue ou de scission, nonobstant l'article L. 3121-2, les entreprises de taxis exploitant plusieurs autorisations délivrées avant la promulgation de la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur, et dont le ou les représentants légaux ne conduisent pas eux-mêmes un véhicule sont admises à présenter à titre onéreux un ou plusieurs successeurs à l'autorité administrative compétente. Sous réserve des titres II à IV du livre VI du code de commerce, la même faculté est reconnue, pendant la période de sauvegarde ou en cas de redressement judiciaire, selon le cas, à l'entreprise débitrice ou à l'administrateur judiciaire ou, en cas de liquidation judiciaire, au mandataire liquidateur. En cas d'inaptitude définitive, constatée selon les modalités fixées par voie réglementaire, entraînant l'annulation du permis de conduire les véhicules de toutes les catégories, les titulaires d'autorisations de stationnement délivrées avant la promulgation de la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur peuvent présenter un successeur sans condition de durée d'exploitation effective et continue. Les bénéficiaires de cette faculté ne peuvent conduire un taxi ou solliciter ou exploiter une ou plusieurs autorisations de stationnement qu'à l'issue d'une durée de cinq ans à compter de la date de présentation du successeur. En cas de décès du titulaire d'une autorisation de stationnement, ses ayants droit bénéficient de la faculté de présentation pendant un délai d'un an à compter du décès ".

3. Le délai fixé par ces dispositions du code des transports, auquel est subordonné la recevabilité de toute demande de présentation du successeur d'un exploitant de taxi revêt le caractère d'un délai de forclusion et non de prescription. Par suite les dispositions de l'article 2235 du code civil en vertu desquelles la prescription ne court pas contre les mineurs non émancipés, ne sauraient faire obstacle à l'application en l'espèce du régime de forclusion prévu par l'article 3121-3 du code des transports. Or, il ressort des pièces du dossier que, alors que M. E... est décédé le 15 avril 2016, aucune demande de présentation n'a été effectuée par ses ayant-droits dans le délai d'un an suivant cette date. Par suite, c'est à bon droit que le préfet de police a, par l'arrêté attaqué du 5 février 2018, retiré l'autorisation de stationnement dont M. E... était titulaire, nonobstant la circonstance que sa fille et ayant droit, Melle Ines E... était mineure. Par ailleurs, la circonstance alléguée par Mme D... qu'elle n'a commis aucune faute est sans incidence sur la mise en oeuvre du délai de forclusion de l'article L3121-3 du code des transports dont l'application n'est pas subordonnée à une quelconque faute des ayants droits du titulaire de l'autorisation de stationnement ou de leurs représentants légaux. Enfin, si Mme D... invoque les circonstances particulières de l'espèce, tenant à la minorité de sa fille et à la nécessité pour elle de bénéficier d'une autorisation du juge des tutelles pour agir au nom de celle-ci afin de céder l'autorisation de stationnement dont était titulaire son ex-époux, il n'en résulte pas qu'en raison de ces circonstances le respect du délai d'un an prévu par le code des transports aurait eu le caractère d'une formalité impossible, ni que ces circonstances auraient justifié que ce délai ne leur soit pas opposable. Enfin si elle fait état des diligences qu'elle aurait accomplies, il est constant que, alors que son ex-époux est décédé le 15 avril 2016, elle n'en a informé les services de la préfecture de police de Paris qu'un an plus tard, par l'intermédiaire du centre solidaire de gestion du transport, qui gérait sa licence et n'a par ailleurs, à aucun moment avant l'expiration du délai d'un an, demandé à la préfecture de police un délai supplémentaire en faisant état de difficultés administratives et en justifiant des diligences accomplies. Elle n'est ainsi, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait à tort mis en oeuvre le délai de forclusion de l'article L.2131-3 cité ci-dessus.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. La circonstance que l'arrêté attaqué a pour effet de priver la fille de M. E... de l'avantage financier qu'elle aurait pu tirer de la cession du permis de stationnement de son père, et de réduire en conséquence le patrimoine qu'elle tient de celui-ci ne permet pas d'établir que cet arrêté porterait de ce seul fait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris, ni par suite qu'il méconnaitrait les stipulations citées ci-dessus.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme F..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juin 2020.

Le rapporteur,

M-I. F...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01103


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01103
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Attributions - Police - Police de la circulation et du stationnement - Réglementation de certaines activités dans l'intérêt de la circulation - Taxis (voir : Commerce et industrie).

Police - Police générale - Circulation et stationnement - Réglementation de certaines activités dans l'intérêt de la circulation - Taxis (voir : Commerce et industrie).


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : ASSI MAYA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-09;19pa01103 ?
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