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09/06/2020 | FRANCE | N°19PA01955

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 09 juin 2020, 19PA01955


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BAJE a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 juin 2018 par lequel le préfet de police a prononcé la fermeture administrative de l'établissement " Kokoriko " pour une durée de neuf jours et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1812232 du 16 avril 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BAJE a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 juin 2018 par lequel le préfet de police a prononcé la fermeture administrative de l'établissement " Kokoriko " pour une durée de neuf jours et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1812232 du 16 avril 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 juin 2019 et 20 juillet 2019 la société BAJE, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 avril 2019 ;

2°) de " régler l'affaire au fond " ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il est insuffisamment motivé et ne vise ni n'analyse suffisamment les conclusions et moyens des parties ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur de fait, et de contradiction dès lors qu'elle mentionne à la fois du bruit audible depuis la voie publique et la présence sur le trottoir de clients discutant à voix haute ; les nuisances sonores ne peuvent dès lors lui être imputées ; la décision contestée a le caractère d'une sanction et n'est pas destinée à prévenir des troubles à l'ordre public, puisqu'elle avait pris toutes les mesures nécessaires pour limiter les nuisances sonores ;

- dans le cadre de la procédure contradictoire, les main-courantes informatisées des services de police servant de fondement à la décision attaquée devaient lui être communiquées ; ainsi le principe du contradictoire a été méconnu ;

- elle avait tiré des conséquences du courrier du 21 novembre 2017 de la préfecture, à la suite duquel elle avait fait réaliser d'importants travaux.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2020, le préfet de police demande à la Cour de rejeter la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 mars 2020 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société BAJE exploite un restaurant à l'enseigne " Kokoriko " situé 68 avenue des Ternes à Paris (75017). Les 23 avril et 17 mai 2018, les services de police se sont rendus sur place après avoir reçu des plaintes et ont procédé à la verbalisation de l'établissement pour tapage nocturne. Par courrier du 1er juin 2018, le préfet de police a informé le gérant de l'établissement qu'une mesure de fermeture administrative était envisagée et l'a invité à présenter ses observations. L'intéressé a répondu par courriel du 8 juin et a été reçu à la préfecture le 14 juin 2018. Par arrêté du 25 juin 2018, le préfet de police a prononcé la fermeture de l'établissement pour une durée de neuf jours sur le fondement du 2° de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique. La société BAJE a alors saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cette décision , mais le tribunal a rejeté cette demande par jugement du 16 avril 2019 dont cette société interjette appel.

Sur la régularité du jugement :

2. Si la société Baje soutient que le tribunal " ne vise ni n'analyse avec une précision suffisante les conclusions et les moyens des parties et spécialement ceux de la société Baje " il ressort de la lecture du jugement attaqué que les premiers juges ont visé l'ensemble des moyens soulevés devant eux et y ont répondu. Ainsi notamment, la société Baje s'étant plainte de n'avoir pas eu accès avant l'intervention de la décision attaquée aux mains courantes informatisées, le tribunal a visé le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et il y a expressément répondu en retenant que ni les dispositions du code des relations entre le public et l'administration ni aucune disposition légale ou réglementaire n'imposaient au préfet de police de communiquer à la société BAJE, dans le cadre de la procédure contradictoire, les évènements de main courante informatisés déposés par les services de police constatant les infractions en cause. Le tribunal ayant ainsi visé et analysé l'ensemble des moyens et y ayant répondu de manière suffisamment motivée, le moyen manque en fait.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L.121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L.211-2 du même code dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (..). ". En vertu du 5° de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, les mesures prises en application de cet article sont soumises aux dispositions du code des relations entre le public et l'administration.

3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a, par courrier du 1er juin 2018, informé le gérant de l'établissement qu'une mesure de fermeture administrative était envisagée sur le fondement de l'article L.3332-15-2 du code de la santé publique et l'a invité à présenter ses observations, et que celui-ci a répondu par courriel du 8 juin et a été reçu à la préfecture le 14 juin 2018. Par ailleurs, les dispositions citées ci-dessus du code des relations entre le public et l'administration ne faisaient pas obligation au préfet de police de communiquer au représentant de la société, de sa propre initiative ou même à la demande de celui-ci, les pièces du dossier dont il disposait, notamment les évènements de main courante informatisés déposés par les services de police ;

4. Il ressort par ailleurs des termes mêmes du rapport du commissariat de police du 18 mai 2018 que les services de police ont constaté tout à la fois de la musique et des éclats de voix provenant de l'établissement " le kokoriko ", et audibles depuis la voie publique, et des bruits de conversations de clients se trouvant sur le trottoir. Dès lors la décision contestée n'est entachée ni d'erreur de fait ni de contradiction de motifs en ce qu'elle relève à la fois du bruit audible " depuis la voie publique " et la présence " sur le trottoir " de clients discutant à haute voix.

5. Aux termes de l'article L.3332-15-2 du code de la santé publique dans sa version alors applicable : " En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois. Le représentant de l'Etat dans le département peut réduire la durée de cette fermeture lorsque l'exploitant s'engage à suivre la formation donnant lieu à la délivrance d'un permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1 ".

6. Il ressort de ces dispositions, qui ont pour seul objet de prévenir la survenance ou la poursuite d'une atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publique, qu'elles ont dès lors le caractère de mesures de police administrative et non de sanctions, et peuvent être prononcées, en cas de permanence des nuisances, alors même que l'exploitant de l'établissement aurait déjà fait réaliser des travaux pour tirer les conséquences d'une précédente mise en garde de l'autorité administrative. Ainsi la société Baje n'est fondée ni à soutenir que la décision attaquée aurait le caractère d'une sanction, ni à se prévaloir des travaux qu'elle aurait fait réaliser à la suite du rappel à la règlementation qui lui avait été adressé par le préfet de police le 21 novembre 2017, alors surtout qu'il ressort du constat d'huissier en date du 11 juin 2018 que les travaux en cause n'ont commencé que le jour même de ce constat, soit onze jours après la notification de la mesure de fermeture susceptible d'être prononcée, sans par ailleurs que l'auteur de ce constat, à qui les travaux étaient présentés comme à fins d'isolation accoustique, puisse confirmer ce fait, seuls étant alors constatés dans la salle du premier étage " des travaux de démolition en cours " avec des gravats au sol.

7. Par ailleurs la réalité des nuisances sonores constatées les 23 avril et 17 mai 2018 ressort des rapports de police, n'est pas sérieusement contestée, et fait suite à de précédents faits de tapage nocturne à l'origine du rappel au règlement du préfet de police du 21 novembre 2017, celui-ci lui ayant alors indiqué qu'une mesure de fermeture était d'ores et déjà envisagée. Enfin la mesure litigieuse a fait l'objet d'un avis favorable du directeur de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne en date du 22 mai 2018, tandis que la direction de la police judiciaire a de même fait savoir qu'elle n'y était pas opposée. La requérante n'est par suite pas fondée à soutenir qu'en prononçant la fermeture de l'établissement pour une durée de neuf jours le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Baje n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Baje est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Baje et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juin 2020

Le rapporteur,

M-I. B...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01955


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01955
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-04 Police. Polices spéciales. Police des débits de boissons.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : COLMANT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-09;19pa01955 ?
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