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07/07/2020 | FRANCE | N°17PA24064

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 07 juillet 2020, 17PA24064


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Artélia Bâtiment et Industrie (la société Artélia) a demandé au Tribunal administratif de La Réunion :

1°) à titre principal, de condamner le groupe hospitalier Est Réunion (GHER) à lui payer la somme de 542 071,48 euros HT, soit la somme de 650 485,77 euros TTC, assortie des intérêts moratoires au taux légal et des intérêts échus à compter du 18 novembre 2014, au titre du solde du marché de maîtrise d'oeuvre des travaux de construction du pôle sanitaire de l'Est ;

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°) à titre subsidiaire, d'établir le décompte général et définitif hors réclamation.

Par un juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Artélia Bâtiment et Industrie (la société Artélia) a demandé au Tribunal administratif de La Réunion :

1°) à titre principal, de condamner le groupe hospitalier Est Réunion (GHER) à lui payer la somme de 542 071,48 euros HT, soit la somme de 650 485,77 euros TTC, assortie des intérêts moratoires au taux légal et des intérêts échus à compter du 18 novembre 2014, au titre du solde du marché de maîtrise d'oeuvre des travaux de construction du pôle sanitaire de l'Est ;

2°) à titre subsidiaire, d'établir le décompte général et définitif hors réclamation.

Par un jugement n°1500647 du 27 octobre 2017, le Tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande principale et a fixé le décompte général et définitif à la somme de 4 112 882,16 euros HT.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2017 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, la société Artélia, représentée par Me E..., a demandé à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de La Réunion du 27 octobre 2017 ;

2°) de condamner le GHER à lui payer la somme de 542 071,48 euros HT, soit la somme de 650 485,77 euros TTC, assortie des intérêts de droit, avec capitalisation ;

3°) de fixer le décompte général et définitif à la somme de 4 654 953,74 euros HT, soit la somme de 5 585 944,49 euros TTC ;

4°) de mettre à la charge du GHER la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché de contradiction de motifs en ce qui concerne ses prestations supplémentaires ;

- il a à tort, rejeté ses demandes tendant au paiement des sommes de :

- 27 500 euros HT au titre de prestations supplémentaires réalisées pour la relance du lot n° 8, non prises en compte dans les avenants ;

- 182 208 euros HT et de 36 520 euros HT au titre de la mobilisation de ses effectifs et de la présence sur le chantier de deux ingénieurs qualifiés jusqu'au 15 juin 2012, date de la réception du lot n° 21, alors que l'avenant n° 9 n'avait prolongé le marché que jusqu'au 10 février 2012 ;

- 12 677,20 euros correspondant au reliquat de ses honoraires sur les FTM (fiches de travaux modificatifs), non pris en compte dans les avenants ;

- 132 166,28 euros HT au titre de la mission de synthèse réalisée à son initiative suite à la défaillance de la société Aliséa dans la réalisation des études d'exécution, non prise en compte dans les avenants, qui était pourtant indispensable ;

- 151 000 euros au titre de la prestation OPC (ordonnancement, coordination et pilotage de chantier) qu'elle a assumée jusqu'à la réception des travaux et qui était indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2018, le GHER, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 500 euros soit mise à la charge de la société Artélia sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par la société Artélia ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour la requête présentée par la CCIR.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 26 avril 2019, la société Artélia conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Elle soutient en outre que :

- le GHER a commis une faute en attribuant le lot n° 8 à la société Aliséa qui n'était pas en mesure de réaliser les prestations ;

- il a également commis des fautes dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du chantier ;

- la prolongation du chantier s'est effectuée pour elle dans un contexte particulièrement difficile, l'hôpital étant déjà en fonctionnement.

Par une ordonnance du 26 avril 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 mai 2019.

Un mémoire a été présenté pour le GHER le 12 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ;

- le décret n° 93-1268 du 29 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de Me A... pour la société Artélia Bâtiment et Industrie,

- et les observations de Me D... pour le GHER.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que le syndicat inter hospitalier - pôle sanitaire de l'Est (SIH-PSE) dont les engagements ont par la suite été repris par le groupe hospitalier Est Réunion (GHER) le 1er janvier 2012, a confié une mission de maîtrise d'oeuvre complète des travaux de construction du pôle sanitaire de l'Est sur le site de Bras Fusil à Saint-Benoît au groupement conjoint composé de la société Groupe 6, mandataire solidaire du groupement, de la société DPV Architecture architecte et de la société Artélia, selon un acte d'engagement du 14 octobre 2004 notifié le 5 janvier 2005 pour un montant forfaitaire de 6 500 000 euros HT, soit 7 052 500 euros TTC. Ce marché de maîtrise d'oeuvre a donné lieu à la conclusion de neuf avenants entre le 16 novembre 2006 et le 30 juillet 2012 afin de prendre en compte les difficultés d'exécution des travaux, d'allonger la durée du chantier, en dernier lieu, jusqu'au 10 février 2012, et d'adapter la rémunération du groupement de maîtrise d'oeuvre. La société Artélia a, à la suite du rejet implicite de son mémoire en réclamation, demandé au Tribunal administratif de La Réunion de condamner le GHER à lui payer la somme 542 071,48 euros HT, assortie des intérêts, au titre des prestations supplémentaires qu'elle estime avoir réalisées et, subsidiairement, d'établir le décompte général et définitif. Par un jugement du 27 octobre 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande principale et a fixé le décompte général et définitif à la somme de 4 112 882,16 euros HT conformément au décompte général établi par le maître d'ouvrage. La société Artélia fait appel de ce jugement.

2. En premier lieu, l'éventuelle contradiction de motifs entachant le jugement attaqué, en affecte le bien-fondé et non la régularité.

3. En deuxième lieu, la société Artélia, qui est liée au GHER par un contrat, ne peut exercer à l'encontre de celui-ci d'autre action que celle procédant de ce contrat, dès lors que celui-ci doit être appliqué. Par suite, les conclusions présentées par la société Artélia tendant à l'engagement de la responsabilité quasi-délictuelle du GHER doivent être rejetées.

4. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l'article 9 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre et de l'article 30 du décret du 29 décembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé, visés ci-dessus, que le titulaire d'un contrat de maîtrise d'oeuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges et missions, ainsi que le bénéfice qu'il en escompte, et que seules une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peuvent donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. La prolongation de sa mission n'est de nature à justifier une rémunération supplémentaire du maître d'oeuvre que si elle a donné lieu à des modifications de programme ou de prestations décidées par le maître d'ouvrage. En outre, le maître d'oeuvre ayant effectué des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d'oeuvre et qui n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations, nonobstant le caractère forfaitaire du prix fixé par le marché si, d'une part, elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, ou si, d'autre part, le maître d'oeuvre a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat.

5. Pour rejeter les conclusions de la société Artélia tendant au paiement de la somme de 27 500 euros HT correspondant selon elle à des prestations supplémentaires réalisées pour la relance du lot n° 8" CVC- plomberie - paillasse ", le tribunal administratif a notamment relevé que la prolongation de la mission de maîtrise d'oeuvre jusqu'au 17 septembre 2011, à la suite de la défaillance de la société Aliséa titulaire du lot n° 8, s'est accompagnée de prestations décidées par le maître d'ouvrage selon un courrier de la société Icade, maître d'ouvrage délégué, du 7 janvier 2011, et qu'un avenant n° 5 a été signé le 22 mars 2011 pour définir la mission de la société Artélia dans l'exécution du lot n° 8, notamment en élaborant un nouveau dossier de consultation et en assurant une nouvelle mission ACT (assistance à la passation des contrats de travaux) moyennant une rémunération complémentaire de 61 875 euros HT. Le tribunal a estimé à bon droit que l'allotissement du lot n° 8, puis la modification de cet allotissement du fait de l'échec des relances de ce lot, relèvent précisément de cette mission ACT de la société Artélia, et qu'elle ne peut donc prétendre à une nouvelle rémunération au titre de la relance du lot n° 8. La société Artélia n'établit pas davantage devant la Cour que devant le tribunal, l'existence d'autres prestations non prises en compte dans l'avenant n° 5.

6. Par ailleurs, pour rejeter les conclusions de la société Artélia tendant au paiement des sommes de 182 208 euros HT et de 36 520 euros HT au titre de la mobilisation de ses effectifs et de la présence sur le chantier de deux ingénieurs qualifiés jusqu'à la réception du lot n° 21, le 15 juin 2012, le tribunal administratif a notamment relevé, d'une part, qu'au vu des pièces produites, la société Artélia ne justifiait pas de la mobilisation de tous ses effectifs jusqu'au 15 juin 2012, et, d'autre part, que la prolongation de sa mission DET (direction de l'exécution des travaux) au-delà de la prolongation du chantier jusqu'au 10 février 2012 ne résulte pas d'une modification de programme ou de prestation décidée par le maître d'ouvrage, mais découle du retard dans la réception des travaux du lot n° 21 à la suite de la défaillance de la société Aliséa, titulaire du lot n° 8, et n'a induit pour la société Artélia aucune nouvelle mission, non comprise dans sa mission complète de maîtrise d'oeuvre, qui aurait été indispensable à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. En se bornant à faire état de la nécessité de la prolongation de sa mission DET et à faire valoir que cette prolongation n'a été prise en compte dans l'avenant n° 9 signé le 30 juillet 2012 que jusqu'au 10 février 2012, la société Artélia n'établit pas davantage devant la Cour que devant le tribunal, l'existence d'une mission non comprise dans sa mission complète de maîtrise d'oeuvre.

7. Enfin, les conclusions de la société Artélia tendant au paiement des sommes de 12 677,20 euros HT correspondant au reliquat de ses honoraires sur les FTM (fiches de travaux modificatifs), de 132 166,28 euros HT au titre de la mission de synthèse réalisée à son initiative à la suite de la défaillance de la société Aliséa dans la réalisation des études d'exécution, et de 151 000 euros HT au titre de la prestation OPC (ordonnancement, coordination et pilotage de chantier) jusqu'à la réception des travaux, doivent être rejetées par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Artélia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande et a fixé le décompte général et définitif à la somme de 4 112 882,16 euros HT conformément au décompte général établi par le maître d'ouvrage.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du GHER qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Artélia demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Artélia une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le GHER et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Artélia est rejetée.

Article 2 : La société Artélia versera au GHER une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Artélia Bâtiment et Industrie et au groupe hospitalier Est Réunion (GHER).

Copie en sera adressée pour information au ministre des outre-mer ainsi qu'au préfet de La Réunion

Délibéré après l'audience du 23 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. B..., président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juillet 2020.

Le rapporteur,

J-C. B...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA24064


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA24064
Date de la décision : 07/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés. Décompte général et définitif.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SCP GAILLARD - SAUBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-07;17pa24064 ?
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