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10/07/2020 | FRANCE | N°19PA02561

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 10 juillet 2020, 19PA02561


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 25 octobre 2018 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 1821852/1-3 du 5 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 25 octobre 2018 du préfet de police.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 1er août 2019 et le 29 août 2019, le préfet de police demande à la

Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1821852/1-3 du 5 juin 2019 du tribunal administratif de Paris ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 25 octobre 2018 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 1821852/1-3 du 5 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 25 octobre 2018 du préfet de police.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 1er août 2019 et le 29 août 2019, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1821852/1-3 du 5 juin 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le motif d'annulation retenu par les premiers juges tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est infondé dès lors que l'intéressé, qui faisait l'objet d'une interdiction définitive du territoire français, ne démontre pas qu'il résidait effectivement en France de 2000 à 2003, les neuf premiers mois de 2004 ainsi qu'en 2015, ne justifie pas d'une intégration particulière compte tenu de son parcours délictueux, n'établit pas, alors qu'il est célibataire et sans charge de famille que sa présence est nécessaire à sa mère et à ses soeurs et qu'il ne justifie pas être dépourvu de tous liens avec son pays d'origine ;

- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2019, M. A..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. C... a présenté son rapport au cours de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant tunisien, né le 19 mai 1973 a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 25 octobre 2018, le préfet de police lui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité. Le préfet de police relève appel du jugement du 5 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 25 octobre 2018 au motif que la décision en litige méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés publiques ".

3. Il appartient à l'autorité administrative de délivrer, lorsqu'elle est saisie d'une demande en ce sens, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à l'étranger qui remplit les conditions prévues par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle ne peut opposer un refus à une telle demande que pour un motif d'ordre public suffisamment grave pour que ce refus ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du demandeur. Lorsque l'administration lui oppose ce motif pour refuser de faire droit à sa demande, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

4. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. A... a fait l'objet d'une première condamnation le 16 décembre 1993 à quatre mois d'emprisonnement pour détention sans autorisation d'arme ou de munition de première ou quatrième catégorie, d'une deuxième condamnation le 6 juillet 1994 à deux ans d'emprisonnement dont neuf mois avec sursis pour usage illicite de stupéfiants et recel de sommes venant de la cession de stupéfiants à autrui pour sa consommation personnelle, d'une troisième condamnation le 27 mars 1997 à trois ans d'emprisonnement assortie d'une interdiction définitive du territoire français pour l'acquisition, le transport, la détention et l'offre ou cession de stupéfiants, d'une quatrième condamnation le 23 mars 1998 à deux mois d'emprisonnement pour soustraction à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière, d'une cinquième condamnation le 4 décembre 2008 pour entrée ou séjour irrégulier en France et soustraction à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière, d'une sixième condamnation le 5 décembre 2008 à six mois d'emprisonnement pour pénétration non autorisée sur le territoire national après interdiction et enfin d'une septième condamnation le 3 octobre 2013 à trois ans d'emprisonnement avec interdiction définitive du territoire français pour offre ou cession, transport, détention et acquisition non autorisés de stupéfiants ainsi que pour usage illicite de stupéfiants. Si M. A... a bénéficié d'un suivi médical en 2013 et 2014 lors de son incarcération en vue d'un sevrage définitif, il ressort toutefois d'un certificat médical établi le 5 septembre 2016 qu'il consomme six grammes de cannabis par jour. Cependant, eu égard au caractère relativement ancien de la dernière de ses condamnations pénales, pour des faits commis au mois d'avril 2013, il n'apparaît pas que le comportement de l'intéressé présenterait un risque de récidive et serait constitutif d'une menace à l'ordre public. Par ailleurs, si une mesure d'interdiction définitive du territoire français a été prononcée contre lui, le 3 octobre 2013, par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Versailles, cette mesure a été suspendue, par un jugement rendu le 13 janvier 2015 par le juge de l'application des peines du tribunal de grande instance de Nanterre ; par suite, M. A..., en application de l'article 729-2 du code de procédure pénale, en a été relevé de plein droit à l'issue de l'exécution de sa peine.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré sur le territoire français à l'âge de six ans dans le cadre d'un regroupement familial pour y rejoindre son père et y a résidé continument depuis lors, à l'exception de quelques brèves périodes, et que, s'il est célibataire et sans charge de famille, sa mère, qui l'héberge, et ses cinq soeurs résident régulièrement en France. En outre, il soutient, sans être sérieusement contesté, être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, la Tunisie. Par suite, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu du caractère relativement ancien des faits pour lesquels M. A... a été condamné, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'arrêté contesté, en considérant que la présence de M. A... sur le territoire national constituait une menace suffisamment grave pour l'ordre public, portait au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris et méconnaissait ainsi les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 5 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 25 octobre 2018.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat (ministre de l'intérieur) le paiement à M. A... de la somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat (ministre de l'intérieur) versera à M. A... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. C..., président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2020.

Le président de la formation de jugement,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19PA02561


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02561
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : PIERROT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-10;19pa02561 ?
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