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16/07/2020 | FRANCE | N°17PA20261

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 16 juillet 2020, 17PA20261


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision en date du 22 octobre 2015 par laquelle le maire de la commune de Saint-Élie a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 1500760 en date du 27 octobre 2016, le Tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 25 janvier 2017, 11 juillet et 14 décembre 2017,

dont le jugement a été attribué à la Cour administrative de Paris par une ordonnance du prés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision en date du 22 octobre 2015 par laquelle le maire de la commune de Saint-Élie a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 1500760 en date du 27 octobre 2016, le Tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 25 janvier 2017, 11 juillet et 14 décembre 2017, dont le jugement a été attribué à la Cour administrative de Paris par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'État du 1er mars 2019, sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500760 en date du 27 octobre 2016 du Tribunal administratif de la Guyane ;

2°) d'annuler la décision en date du 22 octobre 2015 du maire de la commune de Saint-Élie ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'avis du conseil de discipline en date du 29 juillet 2015 est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas été invité à s'exprimer en dernier et à présenter d'ultimes observations préalablement à sa délibération ;

- la matérialité des faits sur lesquels repose la sanction n'est pas établie ;

- cette sanction est disproportionnée ;

- elle est constitutive d'un détournement de pouvoir.

Par des mémoires enregistrés les 22 mai 2017, 14 décembre 2017 et 31 janvier 2018, la commune de Saint-Élie, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les faits sont suffisamment établis et justifiaient la sanction prononcée ;

- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté en date du 1er juin 2015 le maire de la commune de Saint-Élie a suspendu de ses fonctions, pendant une durée de quatre mois, M. B..., adjoint administratif principal à la suite d'une altercation avec le directeur général des services de la commune survenue le 1er juin 2015 dans les locaux de la mairie annexe. Le conseil de discipline de la fonction publique territoriale, saisi par la commune d'une procédure disciplinaire à l'encontre de M. B..., qu'elle envisageait de révoquer de ses fonctions, a, par un avis du 29 juillet 2015, proposé que soit infligée à l'agent la sanction du 1er groupe d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois jours. Le maire de la commune de Saint-Élie a, en dépit de l'avis du conseil de discipline, décidé de prononcer la révocation de M. B... par un arrêté du 14 septembre 2015, dont l'exécution a cependant été suspendue par une ordonnance du juge des référés en date du 22 octobre 2015. Par un nouvel arrêté du 22 octobre 2015, le maire de la commune de Saint-Élie a procédé au retrait de la décision de révocation du 14 septembre 2015 et a prononcé la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de vingt-quatre mois à l'encontre de M. B.... Ce dernier relève appel du jugement en date du 27 octobre 2016 par lequel le Tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 29 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes du premier alinéa de l'article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. Il ressort de la décision contestée du maire de la commune de Saint-Élie que, pour prononcer la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans, celle-ci s'est fondée sur la circonstance que M. B... a manqué à son obligation de respect de sa hiérarchie en portant plusieurs coups de poing au directeur général des services, et en tentant une prise d'étranglement, ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de cinq jours, et qui ont conduit ce dernier à porter plainte le même jour. S'il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de dépôt de plainte du directeur général des services, dressé le 1er juin 2015, que M. B... l'a menacé verbalement, lui a porté plusieurs coups à l'origine d'une interruption temporaire de travail de 5 jours, et l'a " tenu par le cou avec ses deux bras comme pour l'étrangler ", il résulte cependant du procès-verbal du conseil de discipline, qui mentionne que M. B... a rappelé ne pas avoir été à l'origine de l'altercation avec le directeur général des services, ayant été interpellé verbalement de façon inappropriée alors qu'il accomplissait une tâche, et des différentes attestations produites, qu'aucun des témoins de la scène n'a pu indiquer avec précision le déroulement de l'altercation, ni préciser le rôle du directeur des services et celui de M. B... dans l'enchaînement des faits. Si la commune fait état d'une querelle avec une tierce personne que M. B... aurait rouée de coups en 2008, ces faits, contestés par le requérant et qui n'ont pas été relevés par le maire alors en exercice, n'ont fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire ainsi qu'en témoigne l'attestation établie par ce dernier. Ainsi, et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... se serait vu reprocher des faits similaires antérieurement à la querelle à l'origine de la sanction en litige ou aurait fait l'objet de précédentes sanctions, la sanction de deux ans d'exclusion temporaire de fonctions doit être regardée comme disproportionnée. Par suite, l'arrêté en date du 22 octobre 2015 du maire de la commune de Saint-Élie infligeant à M. B... cette sanction doit être annulé.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 22 octobre 2015 par lequel le maire de la commune de Saint-Élie a prononcé à son encontre la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de vingt-quatre mois.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Élie la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Saint-Élie demande au titre des frais qu'elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500760 en date du 27 octobre 2016 du Tribunal administratif de la Guyane est annulé.

Article 2 : L'arrêté du maire de la commune de Saint-Élie en date du 22 octobre 2015 est annulé.

Article 3 : La commune de Saint-Élie versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Saint-Élie tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Saint-Élie.

Copie en sera adressée au ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Poupineau, président,

- Mme E..., premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juillet 2020.

Le rapporteur,

C. E...Le président,

V. POUPINEAULe greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA20261


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA20261
Date de la décision : 16/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs. Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUPINEAU
Rapporteur ?: Mme Christine LESCAUT
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : BONFAIT ; BONFAIT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-16;17pa20261 ?
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