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22/09/2020 | FRANCE | N°19PA04020-19PA04021

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 22 septembre 2020, 19PA04020-19PA04021


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, en fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée, outre des conclusions à fin d'injonction et des conclusions au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice

administrative.

Par un jugement n° 1903570 du 13 novembre 2019, le Tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, en fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée, outre des conclusions à fin d'injonction et des conclusions au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1903570 du 13 novembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté mentionné ci-dessus, enjoint au préfet du Val-de-Marne de réexaminer la situation de Mme D... dans un délai de deux mois, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2019 sous le n° 19PA04020, le préfet du Val-de-Marne demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1 à 3 de ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 13 novembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de Mme D... devant le Tribunal administratif de Melun.

Il soutient que :

- les premiers juges ont estimé à tort que l'avis de la commission du titre de séjour n'avait pas été notifié à l'intéressée ;

- la demande de Mme D... devant le Tribunal administratif de Melun était irrecevable car tardive;

- les autres moyens examinés par l'effet dévolutif de l'appel sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2020, Mme D..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête, qu'il soit fait injonction au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour et demande, en outre, qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet du Val-de-Marne sont infondés.

II°) Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2019 sous le n° 19PA04021, le préfet du Val-de-Marne demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution des articles 1 à 3 de ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 13 novembre 2019.

Par une décision du 3 juin 2020, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme D....

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 21 novembre 1972, est entrée sur le territoire français en 2001, selon ses déclarations. En 2017, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 7 décembre 2018, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office. Mme D... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de l'ensemble des décisions contenues dans cet arrêté. Par un jugement du 13 novembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté mentionné ci-dessus, enjoint au préfet du Val-de-Marne de réexaminer la situation de Mme D... dans un délai de deux mois, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Le préfet du Val-de-Marne par les deux requêtes visées ci-dessus, d'une part, relève appel de ce jugement en tant qu'il fait partiellement droit à la demande de Mme D..., d'autre part, en demande le sursis à exécution.

2. Les deux requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 19PA04020 :

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ". Aux termes de cet article L. 312-1 du même code : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article R. 312-8 de ce code, relatif à la commission du titre de séjour : " Devant la commission, l'étranger fait valoir les motifs qu'il invoque à l'appui de sa demande d'octroi ou de renouvellement d'un titre de séjour. Un procès-verbal enregistrant ses explications est transmis au préfet avec l'avis motivé de la commission. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé ". Il résulte de ces dispositions que l'avis motivé de la commission doit être transmis à l'intéressé et au préfet avant que ce dernier ne statue sur la demande dont il a été saisi. Une telle communication constitue une garantie instituée au profit de l'étranger qui doit connaître le sens et les motifs de l'avis de la commission avant que le préfet ne prenne sa décision.

4. Si les premiers juges ont annulé l'arrêté litigieux au motif qu'il n'était pas établi par le préfet du Val-de-Marne que l'intéressée avait reçu notification de l'avis de la commission du titre de séjour, cette notification est établie par les pièces produites à l'appui de la requête d'appel. C'est donc à tort que les premiers juges ont annulé la décision de refus de séjour et les décisions subséquentes pour irrégularité de la procédure faute de notification de l'avis de la commission du titre de séjour.

Sur les autres moyens soulevés par Mme D... en première instance examinés par l'effet dévolutif de l'appel :

5. En premier lieu, l'arrêté attaqué, indique les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté.

6. En deuxième lieu, Mme D... se prévaut, à l'encontre de la décision de refus de séjour, d'une irrégularité de procédure du fait de la composition irrégulière de la commission du titre de séjour et du défaut de notification du procès-verbal. Toutefois, d'une part, il ne résulte pas de l'article cité ci-dessus de l'article R. 312-8 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile que ce procès-verbal doive être notifié à l'étranger. D'autre part, Mme D... n'apporte aucun commencement de preuve de nature à établir que la commission du titre de séjour aurait été irrégulièrement composée. Ces moyens doivent donc être écartés.

7. En troisième lieu, s'il n'est pas contesté que Mme D... est présente en France depuis 17 ans à la date de l'arrêté attaqué, elle est dépourvue d'attaches familiales sur le territoire français, alors qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, et ne justifie d'aucune d'intégration en France par le travail, comme l'a d'ailleurs relevé la commission du titre de séjour, dans sa séance du 6 novembre 2018, qui a émis pour ces motifs un avis défavorable à la demande de délivrance d'un titre de séjour. Si comme l'admet le préfet, Mme D... peut justifier de quelque relations amicales en France et d'un engagement associatif, ces seuls éléments sont insuffisants pour caractériser tant une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale par rapport aux buts poursuivis en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions contestées sur sa situation personnelle et une méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du même code.

8. En dernier lieu, Mme D... invoque, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, une méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, alors que l'intéressée n'avait pas formulé de demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade à la date de l'arrêté attaqué, la seule attestation du docteur Droumaget selon laquelle l'hyperthyroïdie dont elle souffre depuis 2014 serait en aggravation et nécessiterait un suivi mensuel est insuffisante pour établir que son état de santé ferait obstacle à son éloignement au regard de ces dispositions.

9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, le préfet du Val de Marne est fondé à demander l'annulation des articles 1 à 3 du jugement attaqué. Par voie de conséquence, les conclusions d'appel de Mme D... à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

Sur la requête n° 19PA04021 :

10. Dès lors que le présent arrêt statue sur la requête au fond du préfet du Val-de-Marne sa requête à fin de sursis à exécution du jugement devient sans objet.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 19PA04021.

Article 2 : Les articles 1 à 3 du jugement n° 1903570 du 13 novembre 2019 du Tribunal administratif de Melun sont annulés.

Article 3 : La demande présentée par Mme D... devant le Tribunal administratif de Melun et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... D.... Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 septembre 2020.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°s 19PA04020-19PA04021 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04020-19PA04021
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : BAISECOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-09-22;19pa04020.19pa04021 ?
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