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24/09/2020 | FRANCE | N°19PA02887

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 24 septembre 2020, 19PA02887


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 mai 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile et prescrit son réacheminement vers le Maroc ou vers tout pays où elle sera légalement admissible.

Par un jugement n° 1910647 du 22 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 16 mai 2019 et enjoint au ministre de l'intérieur de munir sans

délai Mme F... d'un visa de régularisation de huit jours.

Procédure devant la Co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 mai 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile et prescrit son réacheminement vers le Maroc ou vers tout pays où elle sera légalement admissible.

Par un jugement n° 1910647 du 22 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 16 mai 2019 et enjoint au ministre de l'intérieur de munir sans délai Mme F... d'un visa de régularisation de huit jours.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2019, le ministre de l'intérieur, représenté par

Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1910647 du 22 mai 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de Mme F....

Le ministre soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le premier juge, la décision est signée et mentionne le prénom, le nom et la qualité de son auteur ;

- les autres moyens invoqués en première instance doivent être écartés au vu des moyens de défense présentés devant le tribunal.

La requête a été communiquée à Mme F... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., alias Mme F..., ressortissante congolaise arrivée en France le 13 mai 2019 à l'aéroport de Paris-Orly par un vol en provenance de Casablanca au Maroc, a sollicité le 14 mai 2019 son admission au séjour au titre de l'asile et a été placée en zone d'attente.

Par une décision du 16 mai 2019, prise après avis de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du même jour, le ministre de l'intérieur a estimé que sa demande au titre de l'asile était manifestement infondée et décidé en conséquence de lui refuser l'entrée sur le territoire français, en prescrivant son réacheminement vers le Maroc ou vers tout pays où elle serait légalement admissible. Le ministre de l'intérieur fait appel du jugement du 22 mai 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier produites pour la première fois en appel que la décision du 16 mai 2019 du ministre de l'intérieur comporte la signature électronique et fait mention du prénom, du nom et de la qualité de son auteur. Ainsi, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler sa décision, le premier juge a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration.

4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme F... devant le tribunal administratif de Paris.

5. En premier lieu, la décision contestée a été signée par Mme A..., adjointe à la cheffe du département de l'accès à la procédure d'asile, bénéficiaire d'une délégation accordée par le directeur de l'asile par une décision du 5 février 2019, publiée au Journal officiel de la République française du 9 février 2019. Le moyen tiré du vice d'incompétence doit ainsi être écarté.

6. En deuxième lieu, la décision contestée mentionne les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré du défaut de motivation doit dès lors être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : (...) 3° (...) la demande d'asile est manifestement infondée. Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves. Sauf dans le cas où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre État, la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de l'entretien avec l'agent de l'OFPRA et de l'avis préalable de cet agent que s'est approprié le ministre, que

Mme F..., qui soutient qu'elle est fondée à se prévaloir des articles L. 712-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fait valoir qu'elle aurait refusé d'accéder à la demande d'un ami formulée le 2 décembre 2018, en vue d'empoisonner une tierce personne, moyennant un paiement qu'elle a accepté, sans donner suite à cette demande. Elle aurait ainsi été menacée par cet ami et craindrait pour sa sécurité, ce qui l'aurait incité à quitter la République démocratique du Congo. Mme F... n'a toutefois assorti ses déclarations d'aucun élément personnalisé et circonstancié, se bornant à un récit évasif, vague et dépourvu de tout élément permettant de le tenir pour crédible. Dans ces conditions, la demande de

Mme F... était manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves en République démocratique du Congo. Par suite, le ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en rejetant la demande de la requérante comme manifestement infondée, en application des dispositions précitées de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Si Mme F... soutient qu'elle serait exposée à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme en cas de réacheminement vers son pays de nationalité en se prévalant de ses déclarations durant la procédure d'admission au titre de l'asile, ce moyen doit être écarté compte tenu de ce qui a été dit au point 8.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 16 mai 2019 et lui a enjoint de munir sans délai

Mme F... d'un visa de régularisation de huit jours. La demande de première instance de Mme F... doit ainsi être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1910647 du 22 mai 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de Mme F... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme D... F....

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. E..., président de la formation de jugement,

- Mme Marion, premier conseiller,

- M. Sibilli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.

Le président rapporteur,

F. E...

L'assesseur le plus ancien,

I. MARIONL'assesseur le plus ancien,

I. MARIONL,

F. E...

Le greffier,

C. DABERT

Le greffier,

C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA02887


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02887
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-01-01


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SCP CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-09-24;19pa02887 ?
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