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25/09/2020 | FRANCE | N°17PA00267

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 25 septembre 2020, 17PA00267


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 172 274,72 euros en réparation des préjudices subis à raison de l'illégalité de sa radiation des cadres.

Par un jugement n° 1520201/2-2 du 21 novembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à verser à Mme F... une somme de 17 000 euros, assortie des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle a subis

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Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 ja...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 172 274,72 euros en réparation des préjudices subis à raison de l'illégalité de sa radiation des cadres.

Par un jugement n° 1520201/2-2 du 21 novembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à verser à Mme F... une somme de 17 000 euros, assortie des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle a subis.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 janvier 2017, 9 novembre 2017 et 8 octobre 2019, Mme F..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1520201/2-2 du 21 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a limité à la somme de 17 000 euros, assortie des intérêts, l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris en réparation des préjudices qu'elle a subis ;

2°) de porter le montant de l'indemnité due en réparation des préjudices qu'elle a subis à la somme de 160 102,72 euros, assortie des intérêts de droit, avec capitalisation à compter du 7 décembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne prend pas en compte deux erreurs commises par l'administration dans l'appréciation de la faute qui lui est imputée ;

- l'avis du comité médical supérieur du 6 juillet 2010 ne lui est pas opposable dès lors qu'elle ne faisait plus partie du personnel de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris ;

- l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en l'évinçant illégalement ;

- l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a commis une faute en ne consultant pas le comité médical départemental sur son aptitude aux fonctions en application de l'article 30 du décret du 19 avril 1988 ;

- elle n'a commis aucune faute de nature à exonérer l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris de sa responsabilité ;

- elle subit un préjudice correspondant aux traitements revalorisés, primes et indemnités dus à compter de la décision de radiation jusqu'à la décision de réintégration ;

- elle aurait dû obtenir un avancement d'échelon au 1er avril 2011 ;

- elle a subi des troubles dans ses conditions d'existence pendant quatre ans évalués à 25 000 euros ;

- elle a subi un préjudice moral pendant quatre ans évalué à 25 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 octobre 2017 et 5 décembre 2017, l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de Mme F... ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- d'annuler le jugement n° 1520201/2-2 du 21 novembre 2016 en tant que le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser une somme de 17 000 euros, assortie des intérêts de droit, en réparation des préjudices que Mme F... a subis ;

- de rejeter la demande présentée par Mme F... devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de Mme F... une somme de 1 440 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle aurait pris la même décision de radiation des cadres si elle n'avait pas entaché sa décision d'erreur de fait ;

- Mme F... a eu un comportement incompatible avec ses obligations professionnelles ;

- les préjudices dont il est demandé réparation ne découlent pas directement de la nature de l'illégalité de la mesure de radiation retenue par la juridiction administrative ;

- elle n'était pas tenue d'attendre l'avis du comité médical supérieur qui a été saisi postérieurement à la mesure de radiation ;

- compte tenu des nombreux arrêts de travail dont a bénéficié l'intéressée, il n'est pas établi que Mme F... aurait perçu l'intégralité de son traitement ;

- elle n'a pas contesté la reconstitution de sa carrière qui est devenue définitive ;

- elle ne peut prétendre à l'indemnisation des avantages pécuniaires liés à l'exercice effectif des fonctions ;

- elle n'établit pas la réalité des préjudices allégués ;

- les autres moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 9 octobre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 octobre 2019 à 12 heures.

Vu les pièces produites par Mme F..., enregistrées les 17 et 28 juillet 2020.

Vu la pièce produite par l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, enregistrée le 21 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;

- le décret n° 90-693 du 1er août 1990 ;

- l'arrêté du 23 avril 1975 relatif à l'attribution d'une prime spéciale de sujétion et d'une prime forfaitaire aux aides-soignants ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- les observations de Me B..., avocat de Mme F...,

- et les observations de Me Esteveny, avocat de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., auxiliaire de puériculture de classe exceptionnelle, affectée à la crèche de l'hôpital européen Georges Pompidou jusqu'en 2004, puis affectée pour des raisons médicales à des fonctions administratives au secrétariat du service social des malades, a été radiée des cadres pour abandon de poste à l'effet du 15 mars 2010 par décision du directeur général de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) en date du 17 mars 2010. Par arrêt n° 12PA02209 du 25 novembre 2013, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé cette décision et a enjoint la réintégration dans son poste de Mme F..., qui l'a effectivement été à compter du 27 janvier 2014 jusqu'à son admission à la retraite le 1er août suivant. Par courrier du 7 décembre 2015, Mme F... a présenté une demande tendant au versement d'une somme de 172 274,72 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis à raison de l'illégalité de sa radiation des cadres. Elle relève appel du jugement du 21 novembre 2016 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité à la somme de 17 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, qui, par la voie de l'appel incident, demande d'annuler ce jugement en tant qu'il l'a condamnée au versement d'une somme de 17 000 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. L'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a opposé, en première instance, le caractère incompatible avec ses obligations professionnelles du comportement de Mme F... en refusant de reprendre ses activités alors que les arrêts de travail présentés avaient été reconnus comme médicalement injustifiés. Le tribunal a retenu, au point 4 de son jugement, le comportement fautif de l'intéressée pour exonérer partiellement l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris sans se prononcer sur le moyen de défense, qui n'était pas inopérant, présenté par Mme F... et tiré de l'impossibilité de reprendre ses fonctions en l'absence de consultation du comité médical sur son aptitude physique en application de l'article 30 du décret du 19 avril 1988. Ce faisant, et eu égard à l'argumentation de Mme F... devant les premiers juges, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement. Dès lors, l'appelante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité à ce titre et doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme F... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur la responsabilité :

5. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité.

6. Par un arrêt du 25 novembre 2013, devenu définitif, la Cour a annulé la décision du 17 mars 2010 mentionnée ci-dessus au motif qu'en se fondant sur la circonstance que l'intéressée n'avait pas répondu à quatre courriers de l'administration, elle était entachée d'une erreur de fait substantielle. L'illégalité de la décision du 17 mars 2010 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris.

7. Il résulte de l'instruction que l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a, par courriers des 2 février 2010, 2 mars 2010 et 4 mars 2010, enjoint à Mme F... de reprendre son service dans les quarante-huit heures au motif que les arrêts de travail qu'elle avait produits pour les périodes du 1er janvier au 17 février 2010 et du 17 février au 19 mai 2010 étaient considérés comme médicalement injustifiés par le médecin de contrôle et l'a, par courrier du 9 mars 2010, mise en demeure de reprendre ses fonctions sous peine d'être radiée des cadres pour abandon de poste. D'une part, il résulte de l'instruction qu'elle a, par courriers des 5 février, 4 mars et 12 mars 2010, répondu qu'elle ne pouvait reprendre son activité pour des raisons de santé ainsi qu'en attestaient les arrêts de travail délivrés par son médecin et qu'elle avait saisi le comité médical pour contester les conclusions du médecin de contrôle et pour statuer sur sa reprise. Dans ces conditions, l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris ne peut reprocher à l'intéressée une absence fréquente de réponses à ses mises en demeure. D'autre part, il résulte de l'instruction que Mme F... a été placée en congé de longue maladie pour la période du 1er avril 2009 au 31 décembre 2009 et que ni le comité médical départemental dans sa séance du 15 octobre 2009, ni le médecin de contrôle ne se sont prononcés sur son aptitude à la reprise de ses fonctions comme l'exigeaient les dispositions de l'article 30 du décret du 19 avril 1988. Si l'AP-HP fait valoir à bon droit que l'agent devait être préalablement examinée par un spécialiste, la circonstance qu'elle était en arrêt de travail ne faisait pas obstacle à ce qu'elle fût convoquée à une visite d'aptitude. Par ailleurs, la circonstance que le comité médical supérieur, saisi postérieurement à la mesure de radiation prononcée à l'encontre de Mme F..., a émis, lors de sa séance du 6 juillet 2010, un avis défavorable à l'attribution d'un congé de longue maladie pour la période du 1er avril au 31 décembre 2009 eu égard à son aptitude à l'exercice de ses fonctions ne pouvait dispenser l'administration, avant de prononcer la radiation des cadres de l'intéressée pour abandon de poste, de consulter le comité médical départemental sur l'aptitude de celle-ci. Dès lors qu'à la date de la mesure de radiation des cadres, Mme F... n'avait pas été reconnue apte à la reprise de ses fonctions, l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris n'est pas fondée à soutenir que Mme F... a eu un comportement fautif incompatible avec ses obligations professionnelles en ne reprenant pas ses fonctions alors que le médecin de contrôle avait conclu que les arrêts de travail n'étaient pas médicalement justifiés, conclusions au demeurant contestées par l'intéressée devant le comité médical. Enfin, l'allégation selon laquelle l'intéressée a commis une faute tenant à son placement en congé de maladie lors de sa réintégration en 2014, postérieurement à la mesure de radiation, n'est pas assortie de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que le comportement de Mme F... soit de nature à exonérer, même partiellement, l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris de sa responsabilité.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne le préjudice financier :

8. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressée avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi qu'elle a perçues au cours de la période d'éviction.

9. Mme F... demande que l'indemnisation porte sur la période du 1er février 2010 à fin janvier 2014 au motif qu'elle n'a perçu aucune rémunération de l'Assistance Publique- Hôpitaux de Paris à compter de février 2010 et demande une somme de 1 057 euros correspondant à la perte de revenus de février à août 2014 en l'absence de prise en compte de son avancement à l'échelon 7 de l'échelle 6 de son grade. Toutefois, n'ayant été illégalement évincée que du 15 mars 2010 au 27 janvier 2014, elle ne peut prétendre à l'indemnisation du préjudice résultant de l'absence de rémunération pour la période du 1er février au 15 mars 2010 ou de la perte de rémunération de février à août 2014 qui ne présente pas de lien de causalité direct avec l'illégalité de la mesure de radiation des cadres.

S'agissant du traitement non perçu :

10. Il résulte de l'instruction que Mme F... a été victime d'un accident de service en août 2007 entraînant un arrêt de travail jusqu'au 30 octobre 2007. L'intéressée a repris son travail en temps partiel thérapeutique du 31 octobre 2007 au 30 avril 2008 puis a continué d'exercer ses fonctions à mi-temps sans fondement légal. Pour la période du 1er juillet 2008 au 28 février 2009, Mme F... a présenté des arrêts de travail qui n'ont pas été admis. Pour la période du 1er avril au 31 décembre 2009, le comité médical supérieur a, par avis du 6 juillet 2010, émis un avis défavorable à l'attribution d'un congé de longue maladie et Mme F... a été placée en congé de maladie ordinaire à compter de sa réintégration jusqu'à son admission à la retraite au 1er août 2014. Dans ces conditions, Mme F..., qui n'a pas travaillé à temps plein depuis octobre 2007 et a systématiquement présenté des arrêts de travail, alors même que le comité médical supérieur avait reconnu son aptitude, n'établit pas qu'elle devait percevoir un plein traitement pendant la période litigieuse. En application de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, elle peut seulement être regardée comme ayant eu une chance sérieuse de percevoir un plein traitement pendant trois mois, du 15 mars 2010 au 15 juin 2010, puis un demi-traitement pendant neuf mois, du 16 juin 2010 au 15 mars 2011. En l'absence de chance sérieuse de bénéficier d'un traitement du 16 mars 2011 au 27 janvier 2014, la circonstance alléguée qu'elle aurait pu prétendre à un avancement d'échelon à compter du 1er avril 2011 est sans incidence sur son droit à indemnisation. Enfin, le montant du traitement à prendre en compte pour la détermination du montant de l'indemnité due est le traitement net et non, ainsi que le demande Mme F..., le traitement brut.

S'agissant des indemnités et primes non perçues :

11. D'une part, la perception de l'indemnité de résidence prévue par l'article 9 du décret du 24 octobre 1985 modifié relatif à la rémunération des personnels civils et militaires de l'Etat, des personnels des collectivités territoriales et des personnels des établissements publics d'hospitalisation n'est pas destinée à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Mme F..., qui avait une chance sérieuse d'en bénéficier, est donc fondée à solliciter le montant net de l'indemnité de résidence pour la période du 15 mars 2010 au 15 mars 2011, pendant laquelle elle devait percevoir son traitement. D'autre part, il résulte de l'instruction que Mme F... a perçu de manière constante, avant son éviction, la prime spéciale de sujétions d'auxiliaire puéricultrice et la prime forfaitaire aux aides-soignants prévues par l'arrêté du 23 avril 1975, lesquelles ne sont pas destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Par suite, elle est fondée à solliciter une indemnité correspondant à la perte de chance sérieuse de bénéficier de ces primes dans les mêmes conditions que celles fixées pour l'indemnité correspondant à son traitement. Enfin, l'indemnité de sujétion spéciale instaurée par l'article 1er du décret du 1er août 1990 ne peut être regardée, en raison du caractère constant de son versement avant son éviction, comme constituant une indemnité destinée à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions Par suite, Mme F... est fondée à demander l'indemnisation du préjudice résultant de l'absence de versement de cette prime dans les mêmes conditions que celles fixées pour l'indemnité correspondant à son traitement.

S'agissant des déductions de rémunérations :

12. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 qu'il y a lieu de déduire de l'indemnité due le montant des rémunérations nettes perçues par Mme F... au cours de la période d'éviction. Il résulte de l'instruction, et notamment des attestations de la caisse primaire d'assurance maladie et des relevés bancaires de l'intéressée, qu'elle a perçu au titre du revenu de solidarité active une somme mensuelle de 417,94 euros d'octobre 2012 à janvier 2013 et de 425,25 euros en février 2013, soit 2 097,01 euros. Dès lors, il y a lieu de déduire cette somme de 2 097,01 euros de l'indemnité due mentionnée aux points 10 et 11.

S'agissant de l'indemnisation des congés annuels non pris et des jours non inscrits sur le compte-épargne temps :

13. Aucune disposition législative ou réglementaire applicable aux agents relevant de la fonction publique hospitalière ne prévoit d'indemnité au titre des congés annuels non pris et non crédités sur le compte-épargne temps des fonctionnaires à raison d'une éviction irrégulière. Par suite, la demande présentée à ce titre par Mme F... doit être rejetée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... est fondée à solliciter une indemnité correspondant au plein traitement net et à la prime spéciale de sujétions d'auxiliaire puéricultrice, à la prime forfaitaire aux aides-soignants et à l'indemnité de sujétion spéciale qu'elle aurait perçus du 15 mars 2010 au 15 juin 2010, à un demi-traitement indiciaire net, à la moitié de la prime spéciale de sujétions d'auxiliaire puéricultrice, à la moitié de la prime forfaitaire aux aides-soignants et à la moitié de l'indemnité de sujétion spéciale qu'elle aurait perçus du 15 juin 2010 au 15 mars 2011 au 6ème échelon de l'échelle 6 de son grade ainsi qu'au montant net de l'indemnité de résidence qu'elle aurait perçue du 15 mars 2010 au 15 mars 2011, déduction faite du montant du revenu de solidarité active qu'elle a perçu au cours de la période du 1er octobre 2012 au 28 février 2013.

En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :

15. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la mesure de radiation des cadres, Mme F... a été mise en demeure par l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris de quitter le logement de fonction qui lui avait été attribué et s'est trouvée en situation de surendettement en raison de la perte de sa rémunération. Les troubles dans les conditions d'existence ainsi invoqués présentent un lien de causalité direct avec l'illégalité de la mesure d'éviction. Par ailleurs, si la requérante ne peut se prévaloir de la dégradation de son état psychologique à raison du comportement du médecin de contrôle et à la saisine tardive du comité médical supérieur, qui sont sans lien direct avec l'illégalité de la mesure de radiation, il résulte de l'instruction que la mesure d'éviction a contribué à dégrader son état de santé. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par Mme F... à raison de l'illégalité de la mesure de radiation des cadres en lui accordant la somme de 6 000 euros.

16. Il résulte de tout ce qui précède que l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris doit être condamnée à verser à Mme F... une somme de 6 000 euros ainsi qu'une indemnité calculée dans les conditions fixées au point 12. Les pièces versées au dossier ne permettant pas de déterminer le montant exact de la somme due, il y a lieu de renvoyer Mme F... devant l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris pour liquidation de la somme qui lui est due.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

17. Mme F... a droit aux intérêts au taux légal des sommes qui lui sont dues à compter du 8 décembre 2015, date de la réception par les services de l'Assistance Publique- Hôpitaux de Paris de la réclamation formée par Mme F... le 7 décembre 2015.

18. La capitalisation des intérêts a été demandée par Mme F... dans son mémoire enregistré le 8 octobre 2019. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 8 octobre 2019 et non, ainsi qu'elle le demande, à compter du 7 décembre 2015, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette date.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

19. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ". Aux termes de l'article L. 911-9 du même code : " (...) / II. - Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office. ".

20. D'une part, Mme F... ne peut se fonder sur les dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative applicables en cas d'inexécution d'une décision juridictionnelle pour soutenir que le présent arrêt implique qu'il soit enjoint à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris de lui verser l'indemnité due. D'autre part, les dispositions de l'article L. 911-9 du même code permettent, en cas d'éventuelle inexécution du présent arrêt, d'obtenir le mandatement d'office de la somme que l'établissement public est condamné à lui verser. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme F... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

21. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme F... et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme F..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1520201/2-2 du 21 novembre 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à Mme F... une indemnité déterminée dans les conditions fixées au point 12, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2015, avec capitalisation à compter du 8 octobre 2019. Mme F... est renvoyée devant l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris pour liquidation de la somme qui lui est due en application des dispositions du présent article.

Article 3 : L'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à Mme F... une somme de 6 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2015, avec capitalisation à compter du 8 octobre 2019, en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence.

Article 4 : L'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris versera à Mme F... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F... et à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- Mme E..., présidente assesseure,

- Mme Mach, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 septembre 2020.

Le rapporteur,

A-S MACHLe président,

M. A...Le greffier,

A. BENZERGUALa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA00267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00267
Date de la décision : 25/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Abandon de poste.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice - Préjudice matériel - Perte de revenus - Préjudice matériel subi par des agents publics.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie MACH
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SIMARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-09-25;17pa00267 ?
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