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29/09/2020 | FRANCE | N°19PA02580

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 29 septembre 2020, 19PA02580


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 mars 2018, par laquelle le préfet de police a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à son encontre par le ministre de l'intérieur le 9 novembre 1992, ainsi que d'annuler cette dernière décision.

Par un jugement n° 1817118/4-2 du 28 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2019, M. C..., représent

par Me A..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 mars 2018, par laquelle le préfet de police a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à son encontre par le ministre de l'intérieur le 9 novembre 1992, ainsi que d'annuler cette dernière décision.

Par un jugement n° 1817118/4-2 du 28 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement n° 1817118/4-2 du 28 juin 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler la décision du 8 mars 2018 par laquelle le préfet de police a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion du 9 novembre 1992 ;

4°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour valable un an, dans un délai deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et est entachée d'un défaut d'examen personnalisé de sa situation personnelle ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne constitue plus une menace à l'ordre public, qu'il présente des gages de réinsertion sociale et professionnelle, qu'il est parent d'enfants français et en raison de l'ancienneté de sa résidence en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du président de la Cour administrative d'appel de Paris du 27 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... B...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., avocat de M. C....

Une note en délibéré, enregistrée 15 septembre 2020, a été présentée pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C..., ressortissant algérien né le 20 avril 1961, déclarant être entré en France en 1988 à l'âge de 27 ans et y résider depuis lors, a fait l'objet le 9 novembre 1992 d'un arrêté d'expulsion pris par le ministre de l'intérieur, pour menace grave à l'ordre public. M. C... qui est depuis 2004 assigné à résidence pour raisons médicales, a sollicité le 9 novembre 2017 l'abrogation de cet arrêté auprès du préfet de police compétent en application de l'article R. 524 -1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 8 mars 2018, le préfet de police a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à son encontre. M. C... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé. Lorsque la demande d'abrogation est présentée à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée qu'après avis de la commission prévue à l'article L. 522-1, devant laquelle l'intéressé peut se faire représenter. ".

3. En vertu des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier que si, postérieurement à la mesure d'expulsion prononcée à son encontre le 9 novembre 1992, M. C..., assigné à résidence depuis 2004 en raison de son état de santé, a fait l'objet de onze condamnations pénales pour un quantum total de peine de six ans et huit mois d'emprisonnement, la dernière condamnation prononcée, d'une peine d'emprisonnement de cinq mois intégralement assortie de sursis, l'a été pour des faits commis six ans avant la décision attaquée. Il ressort également des pièces du dossier que le requérant, père de deux enfants françaises devenues majeures avec lesquelles il entretient des relations suivies, a travaillé régulièrement dans une association de 2011 à 2016, puis en qualité d'auxiliaire de vie jusqu'à la décision attaquée, présentant ainsi de sérieux gages de réinsertion. Dans ces conditions particulières, M. C... est fondé à soutenir, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la décision attaquée a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées, et à en demander l'annulation.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. "

6. Si l'annulation de la décision attaquée refusant d'abroger un arrêté d'expulsion n'implique pas nécessairement qu'un titre de séjour soit délivré à M. C..., dans les circonstances de l'espèce il y a lieu, d'office, d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'abrogation de l'arrêté du 9 novembre 1992 prononçant l'expulsion de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

7. M. C... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A..., avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1817118/4-2 du 28 juin 2019 du Tribunal administratif de Paris et la décision du 8 mars 2018 du préfet de police sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police d'abroger l'arrêté du 9 novembre 1992 prononçant l'expulsion de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à Me A..., sous réserve que cet avocat renonce à percevoir les sommes correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au préfet de police, au ministre de l'intérieur et à Me A..., avocat.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme B..., président assesseur,

- M. Segretain, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

Le rapporteur,

P. B...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA02580


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02580
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe. Motivation.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : CLERC

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-09-29;19pa02580 ?
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