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06/10/2020 | FRANCE | N°20PA00089

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 06 octobre 2020, 20PA00089


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 février 2019 par lequel le préfet de police a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1919355/4-2 du 5 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2020, Mme D..., représentée p

ar Me Sow, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 5 dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 février 2019 par lequel le préfet de police a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1919355/4-2 du 5 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2020, Mme D..., représentée par Me Sow, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 5 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 février 2019 par lequel le préfet de police a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure en ce que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;

- il est entaché d'une insuffisance de motivation en fait et en droit ;

- il méconnait les dispositions des articles L. 311-12 et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation s'agissant de la pathologie de son fils, F... C..., et s'agissant des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- il méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 5 mars 2020.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le présent arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré d'une méconnaissance des champs d'application respectifs du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, l'arrêté attaqué étant fondé à tort sur l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., de nationalité algérienne, née le 13 juillet 1978 à Oran (Algérie), est entrée sur le territoire français le 8 novembre 2016 sous couvert d'un visa valable jusqu'au 10 septembre 2017, accompagnée de ses deux enfants mineurs. Le 8 novembre 2017, elle a sollicité son admission au séjour afin d'assister son fils atteint de neurofibromatose. Par un arrêté du 26 février 2019, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler cet arrêté. Elle fait appel du jugement du 5 décembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les dispositions des articles L. 311-12 et L. 511-1, et se réfère à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. L'arrêté fait état de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui estime que, si la pathologie de Mohammed Yacine C..., fils ainé de Mme D..., pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité en l'absence d'une prise en charge adaptée, un tel traitement est effectivement disponible dans son pays, et que son état de santé, lui permet d'y voyager sans risque. L'arrêté fait également état de ce qu'elle ne démontre ni être dépourvue d'attache familiale à l'étranger ni que ses enfants seraient dans l'impossibilité de l'accompagner en Algérie où elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de l'arrêté doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Si ces dispositions, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence ou une autorisation provisoire de séjour pour l'accompagnement d'un enfant malade.

4. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, Mme D... ne saurait invoquer utilement les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Par ailleurs, il ressort de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 17 juillet 2018 que l'état de santé du fils de Mme D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement adapté est effectivement disponible dans son pays d'origine. Si Mme D... fait valoir que le collège des médecins s'est prononcé sans attendre les résultats des études génétiques jugées nécessaires par le personnel hospitalier suivant son fils, il ressort de ces résultats qu'ils confirment le diagnostic de la neurofibromatose de type 1, qui avait déjà été formulé antérieurement. Si elle fait allusion à une autre pathologie, elle n'en précise pas la nature. De plus, les certificats médicaux et les autres pièces médicales qu'elle a produits en première instance et en appel sont insuffisamment circonstanciés pour remettre en cause l'appréciation du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la disponibilité du traitement nécessaire à son fils en Algérie. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que la décision attaquée du préfet de police reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans les cas prévus à l'article L. 431-3 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles 6 et 7 bis de l'accord franco-algérien, équivalentes à celles des articles L. 313-11 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les ressortissants algériens qui se prévalent de ces dispositions. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment le préfet de police n'était donc pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre l'arrêté litigieux.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée en France le 8 novembre 2016, accompagnée de son fils et sa fille, nés en 2009 et 2012 à Oran (Algérie). Si elle établit avoir divorcé du père de ses enfants le 12 décembre 2017, elle ne justifie pas être dépourvue d'attaches familiales en Algérie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans. De plus, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, aucune circonstance particulière ne fait obstacle à ce que ses enfants l'accompagnent lors de son retour dans ce pays. Dans ces conditions, la décision refusant son admission au séjour ne peut être regardée comme intervenue en méconnaissance des stipulations citées ci-dessus de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 26 février 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Par le présent arrêt, la Cour rejette les conclusions de Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 26 février 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugoudeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 octobre 2020.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA00089 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00089
Date de la décision : 06/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SOW

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-06;20pa00089 ?
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