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07/10/2020 | FRANCE | N°20PA00886

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 07 octobre 2020, 20PA00886


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2019 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et l'a placé en rétention administrative, ainsi que l'arrêté du même jour portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois ;

2°) et d'enjoindre a

u préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie priv...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2019 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et l'a placé en rétention administrative, ainsi que l'arrêté du même jour portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois ;

2°) et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1925156/8 du 11 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 22 novembre 2019 en tant que le préfet de police a refusé à M. F... l'octroi d'un délai de départ volontaire ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête enregistrée le 9 mars 2020 sous le numéro 20PA00886, M. F..., représenté par Me D... G..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner le cas échéant la production de l'entier dossier détenu par l'administration ;

2°) d'annuler ce jugement n° 1925156/8 du 11 décembre 2019 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il lui est défavorable ;

3°) d'annuler les décisions du 22 novembre 2019 par lesquelles le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code justice.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité à défaut pour le tribunal d'avoir ordonné au préfet de police la communication de son entier dossier administratif, en méconnaissance des dispositions du troisième alinéa du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le droit à un procès équitable, garanti par les stipulations du paragraphe 1er de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a été méconnu dans le cadre de la décision de placement en rétention administrative ;

S'agissant de la décision portant obligation de retour sur le territoire français :

- cette décision a été signée par une autorité incompétente ;

- elle n'est pas motivée et ne procède pas d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 juin 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. F... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 juillet 2020.

II - Par une requête enregistrée le 12 mars 2020 sous le numéro 20PA00946, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 1925156/8 du 11 décembre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. F... devant ce tribunal en tant qu'elle est dirigée contre la décision du 22 novembre 2019 lui refusant un délai de départ volontaire et l'arrêté du même jour prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé pour erreur de fait la décision refusant un délai de départ de volontaire ; cette erreur de fait ne saurait suffire à elle seule à entacher d'illégalité cette décision ;

- pour refuser un délai de départ volontaire, il s'est également fondé sur les dispositions du a) du 3° du II de l'article L. 511-1 si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ainsi que sur celles du f) de ce 3° si, par ailleurs, l'étranger ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité et enfin sur celles du h) de ce 3° si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; il aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé sur ces trois autres motifs non contestés par M. F... ; il y a donc lieu, si l'erreur de fait est effectivement établie, de neutraliser le motif erroné tiré de l'absence de justificatif de domicile ;

- la décision et l'arrêté litigieux ont été signés par une autorité compétente ;

- ils sont motivés et procèdent d'un examen circonstancié de l'ensemble de la situation de M. F... ;

- la décision refusant un délai de départ volontaire n'est pas entachée d'illégalité dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français est légale ;

- cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans la caractérisation du risque de fuite de M. F... ni dans les conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle et familiale ;

- elle ne méconnaît pas les stipulations de 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- M. F... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, dès lors que ses dispositions ont été transposées, notamment au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois n'est pas entachée d'illégalité dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français est légale ;

- cette décision n'est pas entachée de vice de procédure ayant privé M. F... de garanties ;

- elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée à M. F..., qui n'a pas produit de mémoire en défense devant la Cour, malgré la mise en demeure adressée le 2 juin 2020 à son conseil, en application des articles R. 613-1 et R. 613-2 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 9 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 juillet 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme H... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., qui indique être né le 28 mars 1987 au Maroc, pays dont il revendique la nationalité, a fait l'objet d'un arrêté du 22 novembre 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et l'a placé en rétention administrative. Par un arrêté du même jour, le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de douze mois et a procédé à son signalement dans le système d'information Schengen. Par un jugement n° 1925156/8 du 11 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 22 novembre 2019 en tant que le préfet de police a refusé à M. F... l'octroi d'un délai de départ volontaire ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois. D'une part, par la requête n° 20PA00886, M. F... relève appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. D'autre part, par la requête

n° 20PA00946, le préfet de police demande à la Cour d'annuler le même jugement en tant que le tribunal a annulé la décision par laquelle il a refusé à M. F... un délai de départ volontaire et l'arrêté prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois.

2. Les requêtes n°s 20PA00886 et 20PA00946 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Si M. F... fait grief aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à ses conclusions tendant à ce qu'ils mettent en oeuvre leur pouvoir d'instruction pour faire produire son entier dossier administratif, une telle production n'était pas utile dès lors que le tribunal, qui dirige seul l'instruction, disposait de tous les éléments utiles, dont l'intéressé a eu connaissance, pour statuer en toute connaissance de cause sur le litige qui lui avait été soumis. Il suit de là que M. F... ne peut reprocher au tribunal d'avoir méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, M. F... invoque, comme il le faisait en première instance, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente, de ce que cette décision n'est pas motivée et ne procède pas d'un examen particulier de sa situation personnelle. En l'absence de pièces et d'arguments nouveaux et pertinents produits en appel au soutien de ces moyens, il y a lieu, par adoption de motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 2 à 4 du jugement attaqué, de les écarter.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. F... qui séjourne en France depuis le second semestre 2017, s'y est maintenu en situation irrégulière et ne peut justifier d'une insertion particulière sur le territoire français. Il fait valoir que son frère et sa soeur résident régulièrement sur le territoire français et que ses neveux et des nièces sont de nationalité française. Il allègue, sans l'établir, qu'il ne disposerait plus d'attaches familiales dans son pays d'origine, sa mère étant titulaire d'un visa au Canada, ses deux autres soeurs séjournant régulièrement dans cet Etat et en Italie et son père étant décédé. De même, si, à l'appui de son projet de mariage avec sa compagne française, il produit une attestation de cette dernière du 25 novembre 2019, soit quelques jours après la décision en litige, il n'a pas fait état de cette relation, lors de son audition du 22 novembre 2019 par l'agent de police judiciaire, et a alors déclaré être célibataire et n'avoir rien à ajouter à ses déclarations. En revanche, il n'est pas contesté que M. F... a résidé au Maroc au moins jusqu'à l'âge de trente ans. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, la mesure d'éloignement litigieuse n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de

M. F... au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, M. F... ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas fondé à prétendre qu'il ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

7. En troisième lieu, eu égard à la situation de M. F... décrite au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle doit être écarté comme non fondé.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

8. En premier lieu M. F... reprend en appel les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire, de ce que cette décision a été signée par une autorité incompétente et de ce qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En l'absence de pièces et d'arguments nouveaux et pertinents produits en appel au soutien de ces moyens, il y a lieu, par adoption de motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 2 et 9 à 11 du jugement attaqué, de les écarter.

9. En second lieu, M. F... soutient que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur sa situation personnelle. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 à 6 du présent arrêt, les moyens ainsi soulevés ne peuvent qu'être écartés.

Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

10. Aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) ; / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) ; / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; / (...) ; / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. / (...) ".

11. Pour annuler la décision refusant un délai de départ volontaire et, par voie de conséquence, l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, le tribunal s'est fondé sur ce que, contrairement à ce qu'a estimé le préfet de police, M. F... pouvait justifier d'une résidence effective et permanente chez sa soeur, Mme C... F..., présente à l'audience et ayant signé une attestation d'hébergement, au 141 rue de Charonne à Paris (75011), dont le requérant avait fait état lors de son audition par les services de police le 22 novembre 2019.

12. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. F... d'une part, n'a pu justifier d'une entrée régulière sur le territoire français et être titulaire d'un titre de séjour, d'autre part, n'a pas été en mesure de présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité et, enfin, a déclaré, lors de son audition du 22 novembre 2019 par l'agent de police judiciaire, son intention de ne pas se conformer à une obligation de quitter le territoire français. Le préfet de police s'est fondé dans sa décision litigieuse sur ces trois motifs, lesquels suffisent à établir la réalité d'un risque de fuite. Il suit de là que le préfet de police aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ces seuls motifs. Dès lors, c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le motif tiré l'existence d'un résidence effective et permanente de M. F... pour annuler la décision lui refusant un délai de départ volontaire et, par voie de conséquence, l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.

13. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... en première instance.

Sur les moyens communs au refus de départ volontaire et à l'interdiction de retour sur le territoire français :

14. En premier lieu, les décisions en litige sont signées par M. B... E..., attaché d'administration de l'Etat, adjoint au chef de section des reconduites à la frontière, qui bénéficiait d'une délégation de signature du 11 septembre 2019 du préfet de police, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de police du lendemain, à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont M. F... n'allègue ni n'établit qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées lors de la signature des décisions critiquées. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions critiquées doit être écarté.

15. En second lieu, les décisions en litige comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. D'une part, la décision par laquelle le préfet de police a refusé à M. F... un délai de départ volontaire vise les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle fait mention de l'existence d'un risque que l'intéressé se soustraie à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il n'a pu justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes. Sur ce dernier point, la décision relève que M. F... n'a pu présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il n'a pu justifier d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale et qu'il a explicitement déclaré son intention de ne pas de conformer à son obligation de quitter le territoire français, motifs prévus aux a), f) et h) du 3° du II de l'article L. 511-1. D'autre part, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, particulièrement, les dispositions du III de l'article L. 511-1. Il énonce les faits précis relatifs à la situation de M. F... qui justifient cette décision, notamment les circonstances qu'" il allègue être entré sur le territoire en décembre 2016 " et qu'" il ne peut être regardé comme se prévalant de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France, étant constaté que l'intéressé se dit célibataire et sans enfant à charge ". Le préfet de police n'était pas tenu de faire référence aux deux autres critères prévus au huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tirés de ce que l'intéressé aurait déjà fait l'objet d'une décision portant obligation du territoire français à laquelle il s'était soustrait et qu'il représenterait une menace pour l'ordre public. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions litigieuses doit être écarté.

Sur les moyens relatifs à la décision portant refus de délai de départ volontaire :

16. En premier lieu, M. F... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et, plus précisément de celles du considérant 10, qui ne lient pas dès lors qu'à la date de la décision en litige, cette directive avait été transposée en droit interne.

17. En deuxième lieu, eu égard à l'ensemble de la situation de M. F... décrite au point 6 du présent arrêt, il n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

18. En troisième et dernier lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 4 à 7 du présent arrêt, la décision portant obligation de quitter le territoire n'étant pas illégale, l'exception d'illégalité invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision refusant un délai de départ volontaire ne peut qu'être écartée.

Sur les moyens relatifs à l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois :

19. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'obligation de quitter le territoire français est réputée exécutée à la date à laquelle a été apposé sur les documents de voyage de l'étranger qui en fait l'objet le cachet mentionné à l'article 11 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) lors de son passage aux frontières extérieures des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. (...) / L'étranger peut également justifier de sa sortie du territoire français en établissant par tous moyens sa présence effective dans le pays de destination, notamment en se présentant personnellement aux représentations consulaires françaises dans son pays de destination ou à la représentation de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans son pays de destination. Sauf preuve contraire, l'étranger est réputé avoir exécuté l'obligation de quitter le territoire français à la date à laquelle il s'est ainsi présenté à l'une de ces autorités " Aux termes des dispositions de l'article R. 511-5 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour de retour sur le territoire français est informé du caractère exécutoire de cette mesure et de ce que sa durée courra à compter de la date à laquelle il aura satisfait à son obligation de quitter le territoire français en rejoignant le pays dont il possède la nationalité, ou tout autre pays non membre de l'Union européenne et avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen. Il est également informé des dispositions de l'article R. 511-4 ".

20. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 511-5 du code de l'entrée et de l'étranger et du droit d'asile qu'elles définissent les informations devant être communiquées à un étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français, postérieurement au prononcé de cette interdiction. Dès lors, ces dispositions, qui sont propres aux conditions d'exécution de l'interdiction, sont sans incidence sur sa légalité et ne peuvent être utilement invoquées au soutien de conclusions tendant à son annulation.

21. En deuxième lieu, eu égard à l'ensemble de la situation de M. F... décrite au point 6 du présent arrêt, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché la décision en litige d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

22. En troisième lieu, si M. F... soutient que l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen, qui est dépourvu de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé, ne peut qu'être écarté.

23. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 4 à 7 du présent arrêt, la décision portant obligation de quitter le territoire n'étant pas illégale, l'exception d'illégalité invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois ne peut qu'être écartée.

24. Il résulte de tout ce qui précède d'une part, que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, ce tribunal a annulé ses décisions refusant à M. F... un délai de départ volontaire et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête n° 20PA00886 de M. F... et d'annuler les articles 1er et 2 du jugement attaqué et de rejeter, dans cette mesure, la demande présentée par M. F... devant le Tribunal administratif de Paris. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées en appel par M. F..., ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1925156/8 du 11 décembre 2019 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. F... devant le Tribunal administratif de Paris est dans cette mesure rejetée.

Article 3 : Les conclusions d'appel présentées par M. F... tendant au prononcé d'une injonction et d'une astreinte et de l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La requête n° 20PA00886 de M. F... est rejetée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... F....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Soyez, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme H..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 octobre 2020.

Le rapporteur,

S. H...Le président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative,

J.-E. SOYEZ

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 20PA00886, 20PA00946


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00886
Date de la décision : 07/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : NAMIGOHAR ; NAMIGOHAR ; NAMIGOHAR

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-07;20pa00886 ?
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