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13/11/2020 | FRANCE | N°18PA02161

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 13 novembre 2020, 18PA02161


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C..., représentée par son curateur l'association ATFPO, a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner Pôle emploi à lui verser une somme de 70 000 euros, assortie des intérêts avec capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'absence fautive de régularisation de sa situation administrative.

Par un jugement n° 1710434/5-2 du 31 mai 2018, le Tribunal administratif de Paris a condamné Pôle emploi à verser à Mme C... la somme de 3 200 e

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C..., représentée par son curateur l'association ATFPO, a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner Pôle emploi à lui verser une somme de 70 000 euros, assortie des intérêts avec capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'absence fautive de régularisation de sa situation administrative.

Par un jugement n° 1710434/5-2 du 31 mai 2018, le Tribunal administratif de Paris a condamné Pôle emploi à verser à Mme C... la somme de 3 200 euros au titre du préjudice matériel, mis à la charge de Pôle emploi le versement à Mme C... d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 juin 2018, le 20 mai 2019 et le 25 juin 2019, Mme C..., représentée par son curateur l'association ATFPO, représentée par Me G..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a limité à 3 200 euros la condamnation de Pôle emploi au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'absence fautive de régularisation de sa situation administrative ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser un surplus de 65 930,35 euros, en réparation des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis, outre les intérêts de droit à compter du 12 mai 2017 et la capitalisation de ces intérêts à chaque échéance annuelle ;

3°) de rejeter l'appel incident de Pôle emploi ;

4°) de mettre à la charge de Pôle emploi la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- le jugement est irrégulier du fait d'un défaut de visa du décret n° 2003-1370 du 31 décembre 2003 ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant irrecevables ses conclusions relatives à l'indemnisation de son préjudice moral, dès lors que sa demande préalable tendait également à la réparation d'un tel préjudice ;

- en tout état de cause, ses conclusions relatives à l'indemnisation de son préjudice moral constituent un développement et un complément de sa demande préalable ;

- le tribunal, en refusant d'ordonner à Pôle emploi de produire ses bulletins de paie des années 2012 et 2013, l'a privée d'un procès équitable en méconnaissance de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle n'a commis aucune faute de nature à exonérer partiellement Pôle emploi de sa responsabilité ;

- elle n'a pas donné son accord à la suspension de la procédure de licenciement, accord dont l'existence ne saurait résulter du seul extrait du procès-verbal de séance de la commission paritaire locale unique du 17 juillet 2015 ;

- à supposer qu'il soit considéré qu'elle ait donné son accord à cette suspension, Pôle emploi ne pouvait en tout état de cause s'abstenir de régulariser sa situation administrative après l'émission de l'avis d'inaptitude la concernant, à tout le moins après la fin de l'intervention de l'assistante sociale ;

- elle a adressé de nombreuses demandes aux fins de régularisation de sa situation à Pôle emploi qui, contrairement à ce qu'il soutient, a été peu réactif ;

- le défaut de licenciement l'a privée de la possibilité de percevoir des revenus de remplacement, notamment une pension d'invalidité ou des indemnités journalières ;

- elle se réfère expresséments aux moyens qu'elle a invoqués en première instance ;

- les moyens invoqués par Pôle emploi au soutien de son appel incident ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 juin 2019 et le 12 juillet 2019, Pôle emploi, représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler les articles 1er, 2 et 4 du jugement du Tribunal administratif de Paris du 31 mai 2018 ;

3°) de rejeter la demande de Mme C... présentée devant le Tribunal administratif de Paris ;

4°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas les signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

- si le licenciement n'est pas intervenu avant le 20 juin 2017, c'est en raison de la propre faute de Mme C... qui n'a jamais indiqué vouloir mettre un terme à la suspension de la procédure de licenciement ;

- en tout état de cause, il n'existe aucun préjudice indemnisable ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative est infondé ;

- le contentieux n'a pas été lié sur la demande indemnitaire relative au préjudice moral ;

- le tribunal n'était pas tenu de faire droit à la demande de Mme C... présentée sur le fondement de l'article R. 611-10 du code de justice administrative ;

- la demande de première instance de Mme C... doit être rejetée.

Un mémoire pour Mme C... a été enregistré le 14 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983,

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984,

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986,

- le décret n° 2003-1370 du 31 décembre 2003,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été recrutée en qualité d'agent contractuel de droit public, à compter du 1er mai 1983, par l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE). Son statut a été conservé lors de la création de Pôle emploi. Elle a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 14 mars 2012. Lors de sa séance du 5 mars 2015, le comité médical ministériel a émis un avis défavorable à l'octroi d'un congé de grave maladie à Mme C... et l'a reconnue définitivement inapte à l'exercice de toutes fonctions. Par lettre du 9 mai 2017, Mme C..., estimant fautive l'absence de régularisation de sa situation administrative par Pôle emploi, a demandé à ce dernier de lui verser une somme de 30 000 euros, en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi de ce fait. Par une décision du 22 mai 2017, Pôle emploi a rejeté sa demande. Par une décision du 20 juin 2017, Pôle emploi a mis fin aux fonctions de Mme C... à l'issue d'un préavis de deux mois, auquel celle-ci a renoncé par lettre du 5 juillet 2017. Mme C..., représentée par son curateur l'association ATFPO, relève appel du jugement du 31 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a limité à 3 200 euros la condamnation de Pôle emploi, et demande en outre à la Cour de condamner ce dernier à lui verser un surplus de 65 930,35 euros, en réparation des préjudices matériel et moral qu'elle estime avoir subis. Par la voie de l'appel incident, Pôle emploi demande l'annulation des articles 1er, 2 et 4 du jugement précité et le rejet des demandes de Mme C... tant en première instance qu'en appel.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ressort de la minute du jugement produite par le Tribunal administratif de Paris que cette décision a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Elle comporte ainsi l'ensemble des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation qui a été notifiée à Pôle emploi ne comporte pas la reproduction de ces signatures est sans incidence sur la régularité du jugement.

3. En second lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision... contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ". Il ne résulte toutefois pas des dispositions qui précèdent que les visas des dispositions législatives ou réglementaires doivent inclure la mention des articles dont il est fait application. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué viserait le décret n° 2003-1370 du 31 décembre 2003 fixant les dispositions applicables aux agents contractuels de droit public de l'Agence nationale pour l'emploi sans préciser les articles dont il a été fait application manque en fait et doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ". Aux termes de l'article R. 611-10 du code de justice administrative, dans sa version en vigueur : " Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient et avec le concours du greffier de cette chambre, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Il peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige ".

5. La mise en oeuvre du pouvoir d'instruction prévu à l'article R. 611-10 du code de justice administrative constitue un pouvoir propre du juge. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient statué sur les conclusions indemnitaires de Mme C... sans faire droit à sa demande tendant à ce qu'il soit demandé à Pôle emploi de verser à la procédure contradictoire ses bulletins de paie des années 2012 et 2013 doit être écarté. En outre, il ne résulte de l'instruction ni que l'administration ait été la seule à détenir et à être en mesure de produire les éléments précités ni que l'absence de preuve relative à ces éléments ait entraîné un rejet de la demande de Mme C.... Dans ces conditions, le tribunal n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Enfin, au soutien de la demande qu'elle a présentée devant le Tribunal administratif de Paris, Mme C... avait invoqué, notamment, l'existence d'un préjudice moral en conséquence de l'absence, selon elle fautive, de régularisation de sa situation administrative par Pôle emploi. Ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation de ce chef de préjudice, en admettant même que ce dernier n'ait pas été invoqué dans sa réclamation préalable, se rattachaient en tout état de cause au même fait générateur et reposaient sur la même cause juridique que le préjudice financier invoqué dans cette réclamation. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir opposée par Pôle emploi à ces conclusions. Il s'ensuit que le jugement attaqué doit être annulé dans cette mesure.

7. Il y a lieu, pour la Cour, de se prononcer sur les conclusions de Mme C... à fin d'évaluation de son préjudice par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur la responsabilité de Pôle emploi :

8. Aux termes de l'article 12 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'agent non titulaire en activité bénéficie, sur présentation d'un certificat médical, pendant une période de douze mois consécutifs si son utilisation est continue ou au cours d'une période comprenant trois cents jours de services effectifs si son utilisation est discontinue, de congés de maladie dans les limites suivantes : (...) Après trois ans de services : - trois mois à plein traitement ; - trois mois à demi-traitement ". Aux termes de l'article 13 du même décret, dans sa rédaction applicable : " L'agent non titulaire en activité employé de manière continue et comptant au moins trois années de service, atteint d'une affection dûment constatée, le mettant dans l'impossibilité d'exercer son activité, nécessitant un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée bénéficie d'un congé de grave maladie pendant une période maximale de trois ans. / Dans cette situation, l'intéressé conserve l'intégralité de son traitement pendant une durée de douze mois. Le traitement est réduit de moitié pendant les vingt-quatre mois suivants. / En vue de l'octroi de ce congé, l'intéressé est soumis à l'examen d'un spécialiste agréé compétent pour l'affection en cause. La décision d'octroi est prise par le chef de service sur avis émis par le comité médical saisi du dossier (...) ". Aux termes de l'article 16 dudit décret, dans sa rédaction également applicable : " L'agent non titulaire qui cesse ses fonctions pour raison de santé... et qui se trouve sans droit à congé rémunéré de maladie... est : - en cas de maladie, soit placé en congé sans traitement pour maladie pour une durée maximale d'une année si l'incapacité d'exercer les fonctions est temporaire, soit licencié si l'incapacité de travail est permanente ". Enfin, aux termes de l'article 17 de ce décret : " (...) / 3° A l'issue d'un congé de maladie, de grave maladie, (...), lorsqu'il a été médicalement constaté par le médecin agréé qu'un agent se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, le licenciement ne peut être prononcé que lorsque le reclassement de l'agent dans un emploi que la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 autorise à pourvoir par un agent contractuel et dans le respect des dispositions légales régissant le recrutement de ces agents, n'est pas possible (...) ".

9. Il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l'intéressé dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement. Ce principe est applicable en particulier aux agents contractuels de droit public, catégorie à laquelle appartient Mme C..., ainsi qu'il a été dit au point 1. Il n'y a, toutefois, pas lieu de rechercher si le reclassement de l'intéressé est possible dans un autre emploi dans le cas où il est inapte à l'exercice de toutes fonctions.

10. Il est constant que Mme C... a bénéficié d'un congé de maladie ordinaire à compter du 14 mars 2012, sur le fondement des dispositions susvisées de l'article 12 du décret du 17 janvier 1986 puis, à compter du 13 avril 2013, a été placée en congé de maladie ordinaire sans traitement. Si Mme C... soutient, en premier lieu, que Pôle emploi a adopté une attitude fautive à partir de 2013 dès lors qu'il aurait dû saisir dès cette date le comité médical ministériel afin qu'il se prononce sur l'octroi en sa faveur d'un congé de grave maladie, elle ne produit aucun document à caractère médical mentionnant ou évoquant une affection présentant " un caractère invalidant et de gravité confirmée " au sens des dispositions de l'article 13 du décret, de nature à établir que son état de santé aurait, à cette date, justifié la saisine du comité précité. Par suite, le moyen doit être écarté.

11. En second lieu, suite au constat, par le comité médical ministériel dans sa séance du 5 mars 2015, de l'inaptitude définitive à l'exercice de toutes fonctions de Mme C..., Pôle emploi était tenu, compte tenu de ce qui a été dit au point 9, de procéder au licenciement de celle-ci dans un délai raisonnable. Il résulte de l'instruction que, alors que Pôle emploi a entamé la procédure de licenciement par un courrier du 1er juin 2015 convoquant Mme C... à un entretien préalable, il n'a mis fin à ses fonctions que le 20 juin 2017, soit plus de deux ans après l'avis précité du comité médical. Si l'établissement public soutient que Mme C... aurait sollicité la suspension de cette procédure, cette circonstance ne saurait être établie par le seul fait qu'un représentant du personnel aurait demandé, lors de la séance de la commission paritaire locale unique du 17 juillet 2015, en se prévalant de l'accord de l'intéressée et en son nom, cette suspension, au motif de lui permettre d'accomplir les démarches nécessaires à l'obtention d'une pension d'invalidité. En outre, à supposer même que Mme C... ait effectivement demandé, par l'entremise de ce représentant du personnel qui aurait été un de ses collègues proches, la suspension de la procédure de licenciement, Pôle emploi n'établit ni même n'allègue que cette suspension aurait été justifiée au regard d'un tel motif, tant sur son principe que sur sa durée de près de deux ans. Dans ces conditions, Pôle emploi, qui ne peut utilement faire valoir que Mme C... n'aurait pas demandé la régularisation de sa situation, par l'intermédiaire de son curateur, avant le courrier de ce dernier du 9 mai 2017, a, en raison du délai excessif de plus de deux ans entre le constat de l'inaptitude de l'intéressée et son licenciement, commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Sur le préjudice :

En ce qui concerne le préjudice matériel :

12. En premier lieu et compte tenu de ce qui a été dit au point 11, la responsabilité de Pôle emploi n'étant engagée, au plus tôt, qu'à compter de l'année 2015, Mme C... n'est pas fondée à invoquer un préjudice matériel qu'elle aurait subi antérieurement à cette année. En outre, il résulte des dispositions mentionnées au point 8, notamment de l'article 12 du décret du 17 janvier 1986, que Mme C... ne disposait plus de droit au traitement à compter d'une période de six mois après son placement en congé de maladie, soit à partir du 14 septembre 2012. Dès lors, s'agissant de la période, à compter de 2015 au plus tôt, au titre de laquelle la responsabilité de Pôle emploi est engagée, Mme C... n'est pas davantage fondée à demander une indemnité correspondant au montant des rémunérations dont elle aurait été privée.

13. En second lieu, aux termes de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale : "L'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme". Aux termes de l'article L. 341-2 du même code : " Pour recevoir une pension d'invalidité, l'assuré social doit justifier à la fois d'une durée minimale d'immatriculation et, au cours d'une période de référence, soit d'un montant minimum de cotisations fixé par référence au salaire minimum de croissance, soit d'un nombre minimum d'heures de travail salarié ou assimilé ".

14. Il ne résulte ni des dispositions qui précèdent ni d'aucune autre, notamment issue des articles L. 341-3 à L. 341-15 du code de la sécurité sociale, que le bénéfice d'une pension d'invalidité soit subordonné, pour l'assuré social, à une décision de l'employeur de licenciement pour inaptitude, l'état d'invalidité étant à cet égard reconnu par le médecin-conseil de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) alors que l'inaptitude est prononcée par le médecin du travail. Dès lors, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'absence de licenciement par Pôle emploi l'aurait privée du bénéfice d'une pension d'invalidité qu'elle aurait pu percevoir entre 2015 et 2017, le préjudice qu'elle invoque, évalué sur la base du montant des rémunérations dont elle aurait été privée au titre de cette période étant en tout état de cause, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12, inexistant.

En ce qui concerne le préjudice moral :

15. Ainsi qu'il a été dit au point 6, les conclusions indemnitaires de Mme C... relatives à ce chef de préjudice présentées devant le tribunal administratif étaient recevables. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, compte tenu du lien de causalité direct avec la faute de Pôle emploi constituée par le délai excessif mis à la licencier, en l'évaluant à la somme de 1 000 euros.

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 12 à 15 que Mme C... est seulement fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de ses conclusions de première instance relatives à la réparation de son préjudice financier en tant qu'elles excèdent la somme de 30 000 euros, à demander la condamnation de Pôle emploi à lui verser la somme de 1 000 euros.

17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a limité à 3 200 euros la condamnation de Pôle emploi. Pôle emploi est quant à lui seulement fondé à demander que la somme qu'il a été condamné à verser à Mme C... soit ramenée à 1 000 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

18. Mme C... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 1 000 euros à compter du 11 mai 2017, date de réception de sa demande préalable par Pôle emploi.

19. Aux termes de l'article 1154 du code civil : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ". La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée par Mme C... le 27 juin 2017. Il y a lieu de faire droit à cette demande de capitalisation des intérêts à compter du 11 mai 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, et, le cas échéant, à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur les conclusions de première instance tendant à l'application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Compte tenu de ce qui a été dit au point 17, Pôle emploi n'est pas fondé à soutenir qu'il n'était pas la partie perdante en première instance. Il n'est dès lors pas fondé à demander l'annulation des articles 2 et 4 du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Pôle emploi qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme C... la somme que Pôle emploi demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La somme que Pôle emploi a été condamné à payer à Mme C... par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Paris du 31 mai 2018 est ramenée à 1 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2016. Les intérêts échus à la date du 26 juillet 2017, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 31 mai 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... et des conclusions de Pôle emploi est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C..., à l'association ATFPO et à Pôle emploi.

Délibéré après l'audience du 30 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

- Mme A..., présidente,

- M. B..., premier conseiller,

- Mme Mach, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 novembre 2020.

Le rapporteur,

P. B...

Le président,

M. A... Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 18PA02161


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02161
Date de la décision : 13/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Licenciement.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : NIZOU-LESAFFRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-13;18pa02161 ?
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