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24/11/2020 | FRANCE | N°19PA03837

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 24 novembre 2020, 19PA03837


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2019 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1915873/8 du 2 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2019, M. A..., représenté par Me

B..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2019 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1915873/8 du 2 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement n° 1915873/8 du 2 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2019 du préfet de police ;

4°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de 15 jours sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer une attestation de demande d'asile ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de son avocat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision de transfert est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen sérieux et particulier de sa situation ;

- il n'a pas bénéficié de l'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dans une langue qu'il comprend, dans des conditions de confidentialité et par une personne qualifiée ;

- les informations prévues par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne lui ont pas été données dans une langue qu'il comprend ;

- la décision a méconnu les articles 23 et 19 du règlement (UE) n° 604/2013, dès lors que le préfet de police ne justifie pas de la saisine des autorités italiennes dans le délai prescrit par les stipulations de cet article ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux.

Les parties ont été informées le 7 avril 2020, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer, l'arrêté étant devenu caduc à l'expiration du délai de six mois prévu pour la remise aux autorités italiennes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et informe la Cour de ce que le transfert de M. A... aux autorités italiennes a été exécuté le 18 décembre 2019.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 18 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... est un ressortissant malien né le 25 mai 1997. Entré en France en 2019, selon ses déclarations, il y a déposé le 16 mai 2019 une demande d'admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier Eurodac ayant mis en évidence qu'il avait franchi irrégulièrement la frontière italienne et était présent en Italie le 22 novembre 2016, le préfet de police a saisi le 18 mai 2019 les autorités italiennes d'une demande de prise en charge en application de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Ces autorités ont accepté explicitement la prise en charge de M. A... en application de l'article 22 du même règlement. Par arrêté du 5 juillet 2019, le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités italiennes. M. A... fait appel du jugement du 2 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juillet 2019.

Sur l'aide juridictionnelle :

2. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 18 décembre 2019. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du requérant tendant à l'obtention à titre provisoire de l'aide juridictionnelle, qui ont perdu leur objet.

Sur la régularité de la décision de transfert :

3. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ".

4. Il ne ressort pas du compte rendu de l'entretien individuel daté du 16 mai 2019 que M. A..., de nationalité malienne, comprend une autre langue que le bambara. Il est toutefois constant que les brochures A et B contenant les informations prévues à l'article 4 précité du règlement communautaire du 26 juin 2013 lui ont été remises dans leur version française. Par ailleurs, si l'entretien " s'est déroulé avec un interprète ISM en langue bambara par téléphone ", comme l'indique son résumé, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cet interprète aurait traduit à M. A... le contenu de ces brochures. La seule circonstance que M. A... a apposé sa signature sur les brochures qui lui ont été remises, et au bas du compte-rendu de l'entretien individuel attestant que le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires lui ont été remis, n'est pas de nature à établir qu'il en comprenait le contenu. Dans ces conditions, M. A..., qui ne peut être présumé capable de comprendre la version française des brochures du seul fait qu'il est malien, ne peut être regardé comme ayant reçu les informations prévues par le règlement communautaire du 26 juin 2013 dans une langue qu'il comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle est comprise de lui. Par suite, la décision de transfert est intervenue sans qu'il ait bénéficié des droits et garanties prévues en pareil cas.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juillet 2019 du préfet de police.

6. Eu égard à la circonstance que le transfert de M. A... aux autorités italiennes a été exécuté le 18 décembre 2019, il n'y a pas lieu d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile ni de lui délivrer une attestation de demande d'asile. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'obtention à titre provisoire de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 1915873/8 du 2 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris ainsi que l'arrêté du 5 juillet 2019 du préfet de police sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera à Me B..., avocat de M. A..., à condition qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me B..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- M. D..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.

Le rapporteur,

A. D...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA03837 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03837
Date de la décision : 24/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe. Motivation.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : KANZA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-24;19pa03837 ?
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