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03/12/2020 | FRANCE | N°19PA02093

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 03 décembre 2020, 19PA02093


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance de renvoi n° 1703914 du 22 janvier 2018, enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Paris le 23 janvier 2018 sous le n° 1801161, le président du Tribunal administratif de Lille a transmis au premier tribunal, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 28 avril 2017, présentée par M. et Mme E... D....

M. et Mme D... ont demandé au tribunal, dans le dernier état de leurs écritures, de prononcer la décharge des cotisa

tions supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités correspondan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance de renvoi n° 1703914 du 22 janvier 2018, enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Paris le 23 janvier 2018 sous le n° 1801161, le président du Tribunal administratif de Lille a transmis au premier tribunal, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 28 avril 2017, présentée par M. et Mme E... D....

M. et Mme D... ont demandé au tribunal, dans le dernier état de leurs écritures, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités correspondantes mises à leur charge au titre des années 2011 à 2013.

Par le jugement n° 1801161/1-1 du 29 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a pris acte d'un dégrèvement partiel accordé par l'administration en cours d'instance, et rejeté le surplus de la demande de M. et Mme D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés le 1er juillet, 30 octobre et 5 décembre 2019, M. et Mme D..., représentés par Me B... H..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 mai 2019 en tant qu'il a rejeté leur demande ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur revenu auxquelles ils ont été assujettis en droits et pénalités, au titre des années 2011, 2012 et 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l 'Etat une somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'Eurl 2 Tech Consulting, dont M. D... est le gérant et associé, est implantée en zone franche urbaine ;

- le gérant, qui est également propriétaire de l'immeuble, n'a pas jugé utile de conclure un bail ni de refacturer des charges à la société ;

- il existe des factures de téléphone au nom de la société ;

- en tant que gérant de la société, M. D... travaillait depuis Paris au cours de la semaine afin d'être plus proche de ses clients, mais il faisait de fréquents voyages à Lille justifiés par des titres de transport ;

- les attestations produites permettent d'établir des rendez-vous avec des clients organisés au siège social, notamment avec une société marocaine ;

- à supposer que M. D... n'ait pas respecté les dispositions de l'article L. 123-11-1 du code de commerce entre le 1er avril 2010 et le 8 août 2011 en domiciliant la société chez ses parents, il n'en demeure pas moins que l'entreprise était bien établie en zone franche urbaine ;

- au cas où l'entreprise serait jugée exercer une activité non sédentaire, elle employait trois salariés sédentaires à plein temps exerçant ses fonctions dans les locaux de la société au cours de la période en litige ;

- le fait que des achats de matériel de bureaux aient été effectués à Paris est sans incidence sur la réalité de l'activité de la société à Lille ;

- des factures de connexion internet et de téléphonie pour les salariés de l'entreprise domiciliée en zone franche attestent la présence sédentaire dans les locaux de l'entreprise à Lille ;

- la décision de l'URSSAF en date du 17 février 2009 confirme le bien-fondé de leur intégration dans le régime d'exonération prévu à l'article 44 octies A du code général des impôts ;

- certaines des dépenses dont la déduction a été remise en cause sont justifiées par de nouvelles factures produites en appel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par ordonnance du 28 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

- et les observations de Me H... , avocat de M. et Mme D....

Une note en délibéré, présentée pour M. et Mme D..., a été enregistrée le 23 novembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société 2 Tech Consulting, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) dont le siège est dans une zone franche urbaine, exerce une activité de conseil informatique, placée sous le régime d'exonération prévu à l'article 44 octies A du code général des impôts. A l'issue d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2013, étendue du 1er avril 2013 au 31 mars 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration a remis en cause ce régime. La société relevant des sociétés de personnes, l'administration en a tiré les conséquences sur le revenu global de son gérant et associé, M. D..., en mettant à la charge de son foyer fiscal des suppléments d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, imposables à l'impôt sur le revenu au titre des années 2011, 2012 et 2013.

M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 29 mai 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir pris acte d'un dégrèvement en cours d'instance de pénalités, a rejeté le surplus de leur demande en décharge de ces impositions.

2. Aux termes des dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts, dans leur rédaction applicable au présent litige : " I. - Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, créent des activités dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95115 du 4 février 1995 (....), ainsi que ceux qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, exercent des activités dans les zones franches urbaines définies au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la même loi sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au 31 décembre 2010 pour les contribuables qui y exercent déjà une activité au 1er janvier 2006 ou, dans le cas contraire, jusqu'au terme du cinquanteneuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones (...) / Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine mais est exercée en tout ou partie en dehors d'une telle zone, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité, ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable remplit les conditions légales d'une exonération.

4. Les contribuables qui, lorsqu'ils possèdent des locaux situés à l'intérieur d'une zone franche urbaine tout en réalisant des actes en rapport avec cette activité en dehors de cette zone, exercent une activité de type non sédentaire, peuvent se prévaloir de ce dispositif fiscal de faveur, sous réserve que leur activité soit réellement effectuée dans la zone. Lorsqu'un redevable ne réalise pas au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines, l'implantation d'une activité dans une telle zone s'apprécie, pour le bénéfice de l'exonération prévue par l'article 44 octies A du code général des impôts, au regard de l'emploi d'au moins un salarié sédentaire à plein temps ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité.

5. Il résulte de l'instruction que l'Eurl 2 Tech Consulting a domicilié son siège social au

2, rue de L'Europe, à Lille, au domicile des parents de M. D... du 1er avril 2010 au 30 avril 2012, sans toutefois demander à cet effet l'autorisation à l'office HLM, propriétaire de l'appartement occupé par les parents du requérant, ni passer aucun contrat de bail entre la société et le propriétaire bailleur. Il est constant qu'aucune charge d'eau, ni d'électricité, n'a été refacturée à la société, laquelle n'a, en outre, pas souscrit de police d'assurance au titre de ce bien. Depuis le 1er mai 2012, l'Eurl 2 Tech Consulting a été domiciliée dans une maison, sise au 100, rue François Cachin, acquise par M. D... le 8 août 2011 et également en zone franche urbaine. L'administration relève toutefois, sans être contredite sur ce point, que cette maison sert également d'habitation aux parents de M. D..., lesquels en acquittent la taxe d'habitation. Si les requérants se prévalent d'une attestation, datant au demeurant du 8 avril 2015, établie à Agadir, par laquelle le gérant de la société International Guerma consulting déclare s'être rendu à plusieurs reprises au siège de l'entreprise à Lille, pour des réunions de travail, il ressort des propres déclarations de M. D... au cours de la vérification de comptabilité de l'Eurl qu'il réside à Paris, d'où il travaille pour son entreprise. Les justificatifs d'aller-retours à Lille ne permettent pas de regarder comme effectif son établissement dans cette ville. Les deux seuls clients qui apparaissent dans les pièces versées au dossier sont les sociétés Sedona et Azuriel Technologies, qui ont leur siège à Paris. Au demeurant, il est expressément admis par les requérants que l'activité de l'Eurl est non sédentaire, et il n'est soutenu à aucun moment qu'elle réaliserait au moins 25 % de son chiffre d'affaires avec des clients situés en zone franche urbaine.

6. A défaut de satisfaire à l'une de ces deux conditions, M. et Mme D... se prévalent de la reconnaissance, par l'administration, de l'emploi d'un salarié à temps plein dans les locaux de l'Eurl et de la présence dans les lieux, lors de la vérification de compatibilité, soit après les années vérifiées, de M. A... D.... Selon les requérants, l'entreprise aurait employé à temps plein à Lille, dans les locaux successifs de l'entreprise, trois salariés pendant les années en litige, Mme C... D..., en tant que secrétaire, Mme F... I..., en tant que commerciale, puis M. A... D..., en tant que secrétaire. En l'absence de production du contrat de travail de Mme F... I..., elle ne peut être regardée comme employée de l'Eurl 2 Tech Consulting. Quant à

Mme C... D... et à M. A... D..., respectivement frère et soeur du requérant, leur contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité de secrétaire court respectivement du 16 juin 2008 au

30 septembre 2009, et à partir du 1er octobre. Mais, d'une part, l'emploi stipulé à temps plein dans l'Eurl de M. A... D... n'est pas, en pratique, compatible avec ses fonctions d'autoentrepreneur. Au surplus, les fonctions de développeur de logiciels dans l'Eurl, mentionnées à l'annexe 2 à la réponse aux observations du contribuable, ne correspondent pas à la fonction de secrétaire stipulée sans autre précision dans son contrat de travail. D'autre part, le titre de secrétaire de Mme C... D... recouvrirait en fait non seulement des tâches de secrétariat proprement dit, peu fréquentes dans une microsociété de services en conseil informatique, mais également des missions de gestion des ressources humaines, peu vraisemblables, vu les effectifs de l'Eurl. En outre, quelques mails non significatifs de M. A... D... et de Mme C... D... ne suffisent pas à établir la réalité de leurs fonctions et le temps réel consacré à l'Eurl. Enfin si, par des justificatifs joints à la requête, tels que des factures de Free, SFR et Numericable de 2012 et 2013, les requérants tentent d'établir que les deux contractuels disposaient de connexion internet et de moyens téléphoniques pour exercer leurs fonctions dans les locaux lillois de l'entreprise, ces pièces sont le plus souvent au nom des deux salariés, sans mention de l'Eurl 2 Tech Consulting. Et l'étude du bilan et des comptes de l'EURL ne fait apparaître d'autres charges de téléphone que celle du portable du gérant. Il s'ensuit qu'un travail à temps plein de M. A... D... et de Mme C... D... en faveur de l'Eurl n'est pas établi, sans qu'y fasse obstacle le rescrit de l'URSSAF de Lille en date du 17 février 2009 au sujet de l'exonération de charges patronales, rendu sur la base des seules informations communiquées par l'EURL. Dès lors, les requérants ne justifient pas de la réalité de l'emploi, par l'Eurl, d'un salarié dans les locaux sis à Lille, au cours des années en litige.

7. Enfin, les requérants ne contestent pas efficacement la remise en cause par l'administration de la déduction d'une partie des frais généraux comptabilisés par la société, en se bornant à invoquer la production en appel de nouvelles factures relatives à des frais de déplacement, de téléphone et d'internet, dont certaines sont d'ailleurs relatives à des années antérieures ou sont établies à un autre nom que celui de l'Eurl, alors qu'il est constant que l'administration a déjà admis une partie des dépenses en cause en réponse aux observations du contribuable.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions d'appel, ensemble celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. G..., président-assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2020.

Le rapporteur,

J.-E. G...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA02093


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02093
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : DELATTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-03;19pa02093 ?
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