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21/12/2020 | FRANCE | N°20PA00857

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 21 décembre 2020, 20PA00857


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 mars 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1916636/4-2 du 18 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 mars 2020, M. A..., représe

nté par Me D... C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler de ce jugement n° 1916636/4-2 du 18 oct...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 mars 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1916636/4-2 du 18 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 mars 2020, M. A..., représenté par Me D... C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler de ce jugement n° 1916636/4-2 du 18 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 19 mars 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal a omis de répondre au moyen qu'il avait soulevé et tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été prise au terme d'un examen particulier de sa situation ; cette décision a été prise avant la date du 30 août 2019 à laquelle il a été convoqué ; le préfet de police n'a procédé à aucun examen de l'adéquation entre sa qualification et son expérience au regard de l'emploi postulé ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire ainsi que le pays de destination sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée en droit et, de ce fait, est dépourvue de base légale ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste.

Le préfet de police n'a pas présenté d'observations à la requête qui lui a été communiquée le 14 septembre 2020.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2019/066350 du bureau d'aide juridictionnelle du 8 janvier 2020.

Par une ordonnance du 5 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I... ;

- les conclusions de Mme E... ;

- et les observations de Me B..., substituant Me C..., avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 1er février 1986 au Bangladesh, pays dont il possède la nationalité, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de police a rejeté sa demande, par un arrêté du 19 mars 2019, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé. Par un jugement n° 1916636/4-2 du 18 octobre 2019, dont M. A... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen soulevé devant eux par M. A..., et qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la décision portant refus de séjour méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il suit de là que M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est, pour ce motif, irrégulier, et doit en conséquence être annulé.

3. Il y a lieu pour la Cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant refus de séjour :

4. En premier lieu, par arrêté n° 2018-00738 du 20 novembre 2018, régulièrement publié au Recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris le 21 novembre 2018, le préfet de police a donné à M. G... F..., chef du 10ème bureau, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure les refus de titre de séjour assortis d'obligation de quitter le territoire français avec délai en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi, ni même allégué, qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, M. A... soutient que le préfet de police n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation, dans le cadre de sa demande d'admission au séjour. Il ressort des pièces du dossier que, lors de l'enregistrement, le 6 mars 2019, de sa demande de titre de séjour, une convocation lui a été remise pour le 30 août 2019, en vue de l'examen de cette demande. Il est constant que la décision attaquée, prise le 19 mars 2019, est intervenue avant la date de la convocation de M. A.... Toutefois, cette décision mentionne le contrat de travail à durée indéterminée signé par l'intéressé avec la société Rifat International pour une rémunération mensuelle de 1 521,25 euros ainsi que les bulletins de salaires produits par M. A..., et fait état d'informations précises sur sa situation familiale, en indiquant, notamment, qu'il est célibataire, sans charge de famille en France, et que ses parents ainsi que ses frères et soeurs résident dans son pays d'origine. Par ailleurs, il ressort de la fiche de salle jointe à sa demande déposée le 6 mars 2019 que M. A... a produit, à cette date, outre son contrat de travail, les 13 bulletins de salaires dont il disposait, et l'intéressé ne fait état d'aucune autre pièce qu'il aurait souhaité produire ultérieurement. Il suit de là que le préfet de police, qui disposait de toutes les pièces utiles à l'appréciation de sa situation et en a précisément fait état dans la décision contestée, avant de relever que l'intéressé n'était pas en mesure de communiquer en français à l'issue d'une période de plus de cinq ans de présence sur le territoire national et ne témoignait pas d'une réelle volonté d'intégration dans la société française, doit être regardé comme ayant procédé à un examen particulier de la situation du requérant, alors même que M. A... s'était vu remettre une convocation pour le 30 août 2019. Est sans incidence la circonstance que le préfet de police n'aurait pas apprécié l'adéquation entre sa qualification et son expérience au regard de l'emploi postulé, eu égard aux motifs sur lesquels est fondée la décision contestée.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...) ".

7. En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 dudit code, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

8. Si M. A... soutient qu'il séjourne de manière habituelle en France depuis 2013, qu'il a signé un contrat de travail à durée indéterminée, le 2 avril 2018, avec la société Rifat International, dont la durée mensuelle a été portée à 104 heures au mois de décembre 2018, que son employeur a sollicité une autorisation de travail pour un poste de vendeur à temps complet, qu'il justifie de près de douze mois d'ancienneté professionnelle à la date de la décision contestée et qu'il déclare ses revenus, ces éléments ne sont pas constitutifs de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des fiches d'évaluation et de salle, qu'il ne maîtrise pas la langue française et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a résidé jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions susrappelées de l'article L. 313-14 ni entaché la décision attaquée d'erreur manifeste d'appréciation.

9. En quatrième lieu, eu égard à la situation de M. A..., rappelée au point 8. du présent arrêt, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée porte, à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :

10. En premier lieu, la décision portant refus de séjour n'étant pas illégale ainsi qu'il résulte des points 4. à 9. du présent arrêt, l'exception d'illégalité invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination ne peut qu'être écartée.

11. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision portant obligation de quitter le territoire français que le préfet de police, qui a refusé de faire droit à la demande de titre de séjour présentée par M. A..., a entendu se fonder sur les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient le requérant, la circonstance que cette décision vise, par erreur, les dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne suffit pas à entacher cette décision d'une insuffisance de motivation ni d'un défaut de base légale.

12. En troisième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 8. du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à obtenir l'annulation du jugement attaqué et qu'il y a lieu de rejeter sa demande présentée devant le tribunal, ainsi que sa requête d'appel, ensemble ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1916636/4-2 du 18 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme I..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2020.

Le rapporteur,

S. I...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00857


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00857
Date de la décision : 21/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CUKIER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-21;20pa00857 ?
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