La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2021 | FRANCE | N°20PA01204

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 16 février 2021, 20PA01204


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association syndicale libre du Lotus a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler le permis de construire délivré le 6 juin 2019 par le ministre du logement et de l'aménagement du territoire en charge des transports interinsulaires à M. E... J..., mandataire de M. I... F..., pour des travaux de construction d'un bâtiment de 52 logements sis à la résidence " le Parc du Lotus " à Punaauia.

Par un jugement n° 1900300 du 25 février 2020, le tribunal administratif de la

Polynésie française a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association syndicale libre du Lotus a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler le permis de construire délivré le 6 juin 2019 par le ministre du logement et de l'aménagement du territoire en charge des transports interinsulaires à M. E... J..., mandataire de M. I... F..., pour des travaux de construction d'un bâtiment de 52 logements sis à la résidence " le Parc du Lotus " à Punaauia.

Par un jugement n° 1900300 du 25 février 2020, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 14 avril 2000 et le

17 décembre 2020, l'association syndicale libre du Lotus, représentée par Me B... C..., demande à la Cour :

1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif du 25 février 2020 ;

2°) d'annuler le permis de construire 18-1257-7MAL.AU du 6 juin 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 339 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le permis a été délivré à M. F... alors que la demande a été formée par la SARL Le Parc du Lotus ;

- le permis a été délivré pour la construction de 52 logements alors que la demande portait également sur un parc de stationnement ; le permis rectificatif n'a pas pu corriger l'erreur qui a porté atteinte au droit au recours des demandeurs ;

- le permis n'a pas pris en compte les servitudes de droit privé et le pétitionnaire ne pouvait se prévaloir d'aucun accord de l'association syndicale ;

- la demande ne satisfaisait pas aux exigences de la note de renseignements ;

- le pétitionnaire n'a pas informé l'administration du contentieux qui portait sur l'existence même du droit de propriété ;

- en l'absence d'autorisation de passage, le projet immobilier est enclavé ;

- la route n'est pas ouverte à la circulation publique ;

- la desserte est insuffisante pour le passage d'engins d'incendie et de secours.

Par un mémoire enregistré le 20 aout 2020, la Polynésie française représentée par

Me D... K..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association syndicale libre du Lotus la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

La Polynésie française soutient que :

- l'association syndicale libre, qui ne justifie pas de la publication d'un extrait de son acte constitutif, n'a pas qualité pour ester en justice ;

- le recours n'a pas été notifié en méconnaissance de l'article R.600-1 du code de l'urbanisme ;

- les erreurs matérielles qui entachaient le permis de construire 18-1257-7MAL.AU du

6 juin 2019 ont été corrigées par le permis rectificatif 18-1257-8MAL.AU du 15 octobre 2019 et cette rectification n'a causé aucun préjudice aux requérants ;

- le bénéficiaire du permis dispose d'un droit d'utilisation sur les voies et réseaux qu'il tient d'un compromis de vente ;

- le pétitionnaire, en dépit de procédures en cours, bénéficie de l'apparence de la propriété qu'il n'appartient pas à l'administration de contrôler ;

- la propriété n'est pas enclavée ;

- la route du Lotus est suffisamment large pour le passage d'engins de secours.

Par deux mémoires enregistrés les 4 septembre 2020 et 6 octobre 2020 la SARL Parc du Lotus conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association syndicale libre du Lotus la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'appel ne lui a pas été notifié en méconnaissance de l'article R.600-1 du code de l'urbanisme.

La clôture de l'instruction est intervenue le 18 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'aménagement de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G...,

- les conclusions de Mme Péna, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'association syndicale libre du Lotus relève appel du jugement du 25 février 2020 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 6 juin 2019 à M. E... J..., mandataire de M. I... F..., pour des travaux de construction d'un bâtiment de 52 logements sis à la résidence " le Parc du Lotus " à Punaauia.

2. Si l'association syndicale libre du Lotus soutient, d'une part, que le permis de construire a été délivré à M. F... alors que la demande a été formée par la SARL Le parc du Lotus et, d'autre part, que ce permis mentionne la construction d'un bâtiment de 52 logements alors que la demande concerne 4 bâtiments pour un total de 52 logements, ces inexactitudes ont été corrigées par des décisions rectificatives du ministre du logement et de l'aménagement du territoire en charge des transports interinsulaires de la Polynésie française en date des 15 et

16 octobre 2019. La circonstance que le permis rectificatif ne fasse pas mention des places de stationnement qui sont le corolaire des habitations ainsi créées est sans influence sur sa légalité. Ces corrections qui assurent le respect des règles de fond applicables au projet en cause, et répondent aux exigences de forme d'une rectification d'erreur ont régularisé le permis dont les inexactitudes figurant dans la rédaction initiale ne peuvent plus être utilement invoqués à l'appui du présent recours. Cette rectification n'a causé aucun préjudice à l'association requérante et ne l'a pas privée d'un droit au recours effectif contre le permis de construire qu'elle conteste.

3. D'une part, aux termes de l'article LP 114-6 du code de l'aménagement de la Polynésie française : " (...) § 2. Les autorisations de travaux immobiliers ne peuvent être accordées que si les travaux, constructions et aménagements projetés sont conformes aux dispositions réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords (...). / § 3. L'autorité compétente en matière d'urbanisme vérifie, avant d'accorder une autorisation de travaux immobiliers, la conformité du projet avec les dispositions réglementaires mentionnées au §.2. (...) / Les autorisations de travaux immobiliers sont délivrées sous réserve des droits des tiers. Il appartient aux personnes qui s'estiment lésées par la construction, l'aménagement ou les travaux d'engager les démarches nécessaires devant le tribunal compétent. (...). "

4. D'autre part, aux termes de l'article A. 114-8 du code de l'aménagement de la Polynésie française : " 1.- La demande d'autorisation de travaux immobiliers est établie conformément à un modèle type. / Elle est présentée : / (...) par le propriétaire ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ". Aux termes de l'article A. 114-9 du même code, la demande de permis de construire comporte " l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article A.114-8 pour déposer une demande de permis ". L'article D.141-6 du même code prévoit que : " La demande d'autorisation (...) doit être également accompagnée des titres, accords constitutifs de servitudes ou conventions relatifs au passage des voies et réseaux nécessaires au projet ou à leur protection. (...) ".

5. Enfin, aux termes de l'article 114-23 du code de l'aménagement de la Polynésie française : " Le permis de construire peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles envisagé, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. Il peut également être refusé si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic ".

6. Il résulte de ces dispositions que les demandes d'autorisation de travaux immobiliers doivent comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article

A. 114-8 du code de l'aménagement de la Polynésie française cité ci-dessus. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article

A. 114-8 du code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Toutefois, lorsque l'autorité saisie d'une telle demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article A. 114-8 du code de l'aménagement de la Polynésie française, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif. Il en est notamment ainsi lorsque l'autorité saisie de la demande de permis de construire est informée de ce que le juge judiciaire a remis en cause le droit de propriété sur le fondement duquel le pétitionnaire avait présenté sa demande.

7. En l'espèce, il ne se déduit pas du jugement du tribunal civil de première instance de Papeete du 30 mai 2018, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Papeete du 7 novembre 2019, dans un litige opposant la SCI Lotus et la SCI Marina Lotus à M. A..., liquidateur judiciaire de la SCI Lotus, rendu au sujet d'un versement de loyers et de recouvrement de créances fiscales, que la SARL Le Parc du Lotus, pétitionnaire, était dépourvue de tout droit à déposer, ainsi qu'elle l'a fait le 31 octobre 2018, une demande de travaux immobiliers sur les parcelles cadastrées n°105 et 171 section AP à Punaauia, ni que les permis délivrés le 6 juin 2019 auraient été obtenus par fraude.

8. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit précédemment, le permis, qui est délivré sous réserve des droits des tiers, a pour seul objet d'assurer la conformité des travaux qu'il autorise avec la réglementation d'urbanisme. Dès lors si les titres, accords constitutifs de servitudes ou conventions relatifs au passage des voies et réseaux nécessaires au projet ou à leur protection doivent être joints à la demande, il n'appartient pas à l'administration polynésienne de vérifier la validité de ces titres, accords ou conventions permettant l'utilisation de la voie qui dessert la parcelle, quand bien même cette voie serait-elle privée, dès lors que celle-ci est ouverte à la circulation publique et qu'elle permet un accès suffisant.

9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les parcelles sur lesquelles la construction a été autorisée sont accessibles par des voies du lotissement Lotus. Ces voies, dont l'accès n'est pas restreint par une barrière, une clôture ou un dispositif visant à réserver l'accès aux seuls résidents du lotissement et à leurs invités doivent être réputées ouvertes à la circulation publique par le consentement tacite des résidents. Si la note de renseignements d'aménagement indiquait que " les conditions d'utilisation et d'entretien de la voirie et des réseaux divers du lotissement Lotus sont à préciser aux actes ", le pétitionnaire a justifié, par la production du compromis de vente conclu entre la SCI Marina Lotus et M. I... F..., d'un droit à utiliser les réseaux divers du lotissement Lotus et il n'appartenait pas à l'administration de vérifier la validité des droits dont se prévalait le pétitionnaire. L'association requérante ne peut dès lors utilement soutenir que le pétitionnaire ne justifierait d'aucune autorisation régulière de desserte de la parcelle. Dès lors qu'il est constant que la parcelle est matériellement desservie par des voies permettant d'y accéder dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble, elle n'est pas enclavée. Pour le surplus, il incombe à l'association syndicale requérante, si elle s'y croit fondée, de porter devant le tribunal compétent le différend portant sur une servitude de droit privé qui l'oppose au pétitionnaire.

10. Par ailleurs, les services publics d'incendie et de secours sont, dans le cadre de leurs missions de protection et de secours, en droit d'intervenir sur tout le territoire de la commune, sans que puisse leur être opposé le caractère privé des voies qu'ils doivent emprunter. Dès lors, pour apprécier les possibilités d'accès de ces services au même terrain d'assiette, il appartient seulement à l'autorité administrative de s'assurer que les caractéristiques physiques d'une voie d'accès permettent l'intervention de leurs engins, la circonstance que cette voie ne serait pas ouverte à la circulation publique ou grevée d'une servitude de passage étant sans incidence. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est pas au demeurant sérieusement soutenu, que les voies d'accès à la parcelle ne permettraient pas la circulation ou l'utilisation d'engins d'incendie et de secours.

11. Enfin, si l'association syndicale requérante fait valoir, sans autre précision, que le pétitionnaire n'a produit aucun accord de contigüité, la Polynésie française lui oppose sans être contestée qu'aucune construction n'étant réalisée en contiguïté, aucun accord n'était nécessaire.

12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par les défendeurs, que l'association syndicale libre du Lotus n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 25 février 2020.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame la requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu de mettre à la charge de l'association syndicale libre du Lotus la somme de 1 500 euros à verser à la Polynésie française sur le fondement de ces dispositions. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la SARL Parc du Lotus.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association syndicale libre du Lotus est rejetée.

Article 2 : L'association syndicale libre du Lotus versera à la Polynésie française la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la SARL Parc du Lotus présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association syndicale libre du Lotus, à la SARL Parc du Lotus et à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 2 février 2021, à laquelle siégeaient :

- M. H..., premier vice-président,

- M. G..., président-assesseur,

- Mme Jayer, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.

Le rapporteur,

Ch. G...Le président,

M. H...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre des outre-mer et au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 20PA01204


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01204
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : DUMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-16;20pa01204 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award