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17/03/2021 | FRANCE | N°19PA03533

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 mars 2021, 19PA03533


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première demande enregistrée le 22 mars 2018 sous le numéro 1804575, Mme C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision supposément contenue dans le courriel du 12 mars 2018 ainsi que la décision du 14 septembre 2018 du directeur général de l'agence régionale de santé Ile-de-France, portant rejet de sa demande de réorientation vers un diplôme d'études spécialisées (DES) en radiodiagnostic et imagerie médicale et d'affectation sur un poste d'interne dans cette s

pécialité.

Par une deuxième demande enregistrée le 15 novembre 2018 sous le n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première demande enregistrée le 22 mars 2018 sous le numéro 1804575, Mme C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision supposément contenue dans le courriel du 12 mars 2018 ainsi que la décision du 14 septembre 2018 du directeur général de l'agence régionale de santé Ile-de-France, portant rejet de sa demande de réorientation vers un diplôme d'études spécialisées (DES) en radiodiagnostic et imagerie médicale et d'affectation sur un poste d'interne dans cette spécialité.

Par une deuxième demande enregistrée le 15 novembre 2018 sous le numéro 1820866, Mme D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision précitée du 14 septembre 2018 du directeur général de l'agence régionale de santé Ile-de-France.

Par un jugement n° 1804575/1-1, 1820866/1-1 du 2 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de Mme D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 novembre 2019 et le 23 octobre 2020, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision supposément contenue dans le courriel du 12 mars 2018 et la décision du 14 septembre 2018 du directeur général de l'agence régionale de santé

Ile-de-France ;

3°) d'enjoindre à l'agence régionale de santé d'Ile-de-France et, en tant que de besoin, au ministre chargé de la santé de faire droit à sa demande d'inscription dans le DES de radiodiagnostic et imagerie médicale ou, à, défaut, de réexaminer sa demande dans les plus brefs délais, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en se bornant à analyser sa demande de changement d'orientation comme un changement de discipline sur le fondement de l'article R. 632-21 du code de l'éducation et à lui opposer l'insuffisance de son rang de classement, sans se prononcer sur le moyen tiré du 2ème alinéa de l'article 11 de l'arrêté du 4 février 2011 relatif à l'agrément, à l'organisation, au déroulement et à la validation des stages des étudiants en troisième cycle des études médicales, les premiers juges ont insuffisamment motivé le jugement attaqué ;

- les premiers juges ont en outre entaché le jugement d'un défaut de réponse au moyen précité ;

- l'arrêté du 6 juillet 2016 de la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers, fixant par rang de classement la liste des étudiants et des internes de médecine ayant satisfait aux épreuves classantes nationales (ECN) au titre de l'année universitaire 2016-2017, ayant été annulé par l'arrêt n° 17PA01823 de la Cour du 12 mars 2019, la décision de l'agence régionale de santé du 14 septembre 2018 se trouve dépourvue de fondement ;

- ni l'article R. 632-21 du code de l'éducation ni l'alinéa 1er de l'article 11 de l'arrêté du 4 février 2011 ne sont subordonnés à l'arrêté prévisionnel quinquennal fixant le nombre d'internes à former par spécialité ;

- à supposer que l'arrêté du 22 décembre 2015 fixant à 55 le nombre d'internes à former dans la spécialité " Radiodiagnostic et imagerie médicale " en Ile-de-France puisse lui être opposé, il appartiendrait à l'agence régionale de santé de démontrer que le dernier poste disponible était pourvu à la date à laquelle elle a fait sa demande ;

- dès lors que l'arrêté du 6 juillet 2016 précité a été annulé, la circonstance qu'une interne classée au 242ème rang aurait sollicité, postérieurement à sa propre demande, sa réorientation vers la radiologie, ne peut lui être opposé ;

- dès lors que la condition de classement prévue par l'article R. 632-21 du code de l'éducation ne peut lui être opposée du fait de l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2016 précité, le poste libéré par l'interne de la promotion 2016 ayant pris une année de disponibilité devait lui être attribué au titre de sa demande de réorientation.

Le ministre des solidarités et de la santé n'a pas produit en défense malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 27 février 2020 sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation,

- l'arrêté du 4 février 2011 relatif à l'agrément, à l'organisation, au déroulement et à la validation des stages des étudiants en troisième cycle des études médicales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- les observations de Me E..., avocat de Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., étudiante en troisième cycle d'études de médecine dit " internat ", a choisi, à l'issue des épreuves classantes nationales (ECN) du mois de juin 2016, où elle a été classée au 2 242ème rang, la discipline et la spécialité " pédiatrie " au sein de la subdivision

d'Ile-de-France. A compter du début de son troisième semestre d'internat, Mme D... a interrogé les services de l'agence régionale de santé Ile-de-France au sujet des possibilités qui s'offraient à elle de changer d'orientation. Par un courriel et une lettre du 20 février 2018, Mme D... a informé le directeur de l'agence régionale de santé Ile-de-France de son souhait de se réorienter vers la spécialité " radiodiagnostic et imagerie médicale " et, à cette fin, lui a demandé de bénéficier d'un des deux postes selon elle non pourvus dans cette spécialité à l'issue des mouvements entrants et sortants d'internes issus des mêmes ECN qu'elle et exerçant leurs droits à réorientation. Par un courriel du 12 mars 2018, l'agence régionale de santé a indiqué à Mme D... ne pas pouvoir répondre favorablement à sa demande. Suite à la réitération par Mme D..., par un courrier du 16 juillet 2018, de sa demande d'affectation sur un poste d'interne en radiodiagnostic et imagerie médicale, le directeur général de l'agence régionale de santé Ile-de-France lui a opposé un nouveau refus, par décision du 14 septembre 2018. Mme D... relève appel du jugement du 2 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision qu'elle estime contenue dans le courriel du 12 mars 2018 et, d'autre part, de la décision du 14 septembre 2018, portant rejet de sa demande d'intégration dans la spécialité " radiodiagnostic et imagerie médicale ".

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le courriel du 12 mars 2018 de l'agence régionale de santé :

2. Le Tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, rejeté les conclusions de Mme D... dirigées contre la décision supposément contenue dans le courriel du directeur général de l'agence régionale de santé Ile-de-France du 12 mars 2018 pour irrecevabilité, au motif que ce courriel constituait un simple échange d'informations et ne pouvait donc être regardé comme une décision susceptible d'être déférée au juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir.

3. Pour demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 2 octobre 2019 en tant que par celui-ci, les premiers juges ont rejeté ses conclusions dirigées contre la décision supposément contenue dans le courriel du 12 mars 2018, Mme D... se borne à critiquer la légalité de cette décision en tant qu'elle lui aurait refusé sa réorientation vers le DES de radiodiagnostic et imagerie médicale, sans contester l'irrecevabilité opposée, d'ailleurs à bon droit, par les premiers juges. Ses conclusions d'appel dirigées contre cette prétendue décision ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

En ce qui concerne la décision de l'agence régionale de santé du 14 septembre 2018 :

4. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2 du même code.

5. Aux termes de l'article L. 632-2 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable issue de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 : " Le troisième cycle des études médicales est ouvert à tous les étudiants ayant validé le deuxième cycle des études médicales (...) Un arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur et du ministre chargé de la santé détermine le nombre de postes d'interne offerts chaque année par discipline ou spécialité et par centre hospitalier universitaire. Le choix effectué par chaque étudiant est subordonné au rang de classement aux épreuves classantes nationales (...) ". Aux termes de l'article R. 632-21 du même code, dans sa rédaction applicable issue du décret n° 2016-675 du 25 mai 2016 : " En application du sixième alinéa de l'article L. 632-2, les étudiants de troisième cycle des études de médecine peuvent demander avant la fin du quatrième semestre d'internat à changer de discipline dans la subdivision dans laquelle ils sont affectés, dans les conditions prévues à l'article R. 632-9. Cette possibilité ne peut s'exercer qu'une seule fois, et n'est offerte que dans la mesure où leur rang initial de classement les a situés, dans la discipline pour laquelle ils souhaitent opter, à un rang au moins égal à celui du dernier candidat issu des mêmes épreuves classantes nationales et affecté dans cette discipline au niveau de la subdivision (...) ". Et aux termes de l'article R. 632-9 de ce code, dans sa rédaction applicable issue du même décret du 25 mai 2016 : " La procédure nationale de choix de la discipline médicale et du centre hospitalier universitaire de rattachement est organisée en fonction du rang de classement obtenu par le candidat selon des modalités fixées par arrêtés des ministres chargés de la santé et de l'enseignement supérieur (...) ".

6. Pour rejeter la demande de Mme D... reçue le 17 juillet 2018 de réorientation sur un poste d'interne dans la spécialité " radiodiagnostic et imagerie médicale ", le directeur général de l'agence régionale de santé Ile-de-France lui a opposé, par sa décision du 14 septembre 2018, la circonstance que son rang de classement aux ECN de juin 2016, soit 2 242ème, ne lui permettait pas, dans le cadre de la procédure prévue à l'article R. 632-21 du code de l'éducation, dite " droit au remords ", de demander une affectation vers cette spécialité, dès lors que le dernier poste offert dans cette dernière avait été pourvu par un interne classé 1 442ème. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, par un arrêt n° 17PA01823 du 12 mars 2019, devenu définitif, la Cour a annulé l'arrêté du 6 juillet 2016 par lequel la directrice générale du centre national de gestion des praticiens hospitaliers avait fixé, par rang de classement, la liste des étudiants et des internes de médecine ayant satisfait aux ECN de juin 2016. En raison de cette annulation rétroactive du rang de classement des ECN, Mme D... doit être regardée comme étant située, dans la spécialité " radiodiagnostic et imagerie médicale ", laquelle fait partie de la discipline " spécialités médicales ", à un rang de classement au moins égal à celui du dernier candidat affecté dans cette discipline et cette spécialité au niveau de la subdivision. Cette dernière condition étant la seule exigée à l'article R. 632-21 du code de l'éducation pour bénéficier de la procédure dite du " droit au remords ", il s'ensuit que Mme D... est fondée à soutenir que la décision du 14 septembre 2018 du directeur général de l'agence régionale de santé Ile-de-France, qui rejette sa demande de réorientation vers un diplôme d'études spécialisées en radiodiagnostic et imagerie médicale, est entachée d'illégalité.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner ni les moyens de régularité du jugement en tant que par celui-ci, les premiers juges ont rejeté ses conclusions dirigées contre la décision précitée du 14 septembre 2018 ni les autres moyens relatifs à son bien-fondé, que Mme D... est fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

9. Sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait à la date du présent arrêt, l'exécution de ce dernier implique nécessairement, eu égard aux motifs sur lesquels il se fonde, que le directeur général de l'agence régionale de santé Ile-de-France fasse droit à la demande de Mme D... d'affectation vers le diplôme d'études spécialisées en radiodiagnostic et imagerie médicale, au sein de la subdivision d'Ile-de-France. Il y a lieu d'enjoindre à cette autorité d'y procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

11. En application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mme D... au titre des frais d'instance non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1804575/1-1, 1820866/1-1 du 2 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme D... tendant à l'annulation de la décision du 14 septembre 2018 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé Ile-de-France a rejeté sa demande de réorientation vers un diplôme d'études spécialisées en radiodiagnostic et imagerie médicale ainsi que cette décision.

Article 2 : Il est enjoint au directeur général de l'agence régionale de santé Ile-de-France de procéder, sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, à l'affectation de Mme D... vers le diplôme d'études spécialisées en radiodiagnostic et imagerie médicale, au sein de la subdivision d'Ile-de-France.

Article 3 : L'Etat versera à Mme D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 26 février 2021 à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président,

- M. B..., premier conseiller,

- Mme Mach, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2021.

Le rapporteur,

P. B...

Le président,

M. A... Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19PA03533


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03533
Date de la décision : 17/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-09-02 Santé publique. Administration de la santé.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : CHABRUN-LEPANY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-17;19pa03533 ?
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