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25/03/2021 | FRANCE | N°20PA00546

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 25 mars 2021, 20PA00546


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 24 septembre 2019 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1921371/6-1 du 17 janvier 2020, le tribunal administratif de Pa

ris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 24 septembre 2019 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1921371/6-1 du 17 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1921371/6-1 du 17 janvier 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 24 septembre 2019 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges n'ont pas pris en compte l'ensemble des pièces produites attestant de son ancienneté sur le territoire français ainsi que de son insertion professionnelle dans la société française ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne fait pas état de son insertion professionnelle ;

- le préfet du Val-d'Oise n'a pas procédé à un examen sérieux et complet de sa situation au regard de son ancienneté sur le territoire, de son insertion professionnelle et compte tenu de la circonstance que les services de police et préfectoraux pouvaient, dès lors qu'il a communiqué son numéro étranger, vérifier qu'il justifiait d'un document de voyage en cours de validité ainsi que d'une adresse stable ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il justifie d'une ancienneté et d'une intégration professionnelle.

La requête a été communiquée au préfet du Val-d'Oise qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant bangladais né le 8 août 1987 à Dhaka et entré en France en octobre 2011 selon ses déclarations, a été interpellé le 24 septembre 2019 à l'occasion d'un contrôle de la direction départementale de la police aux frontières en situation de travail illégal et dépourvu de tout document justifiant de son droit à se maintenir sur le territoire français. Par un arrêté du même jour, le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. C... relève appel du jugement du 17 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. A supposer que M. C... ait entendu soulever le moyen tiré de ce que les premiers juges, en ne faisant pas référence à l'ensemble des éléments versés au dossier, auraient insuffisamment motivé leur jugement, il ressort toutefois des termes du jugement dont il est fait appel que les premiers juges ont suffisamment répondu aux moyens soulevés devant eux, le bien-fondé des réponses qu'ils ont apportées au regard des pièces versées au dossier étant sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions du 24 septembre 2019 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". De même, aux termes de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. ". Enfin, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

5. Les décisions contestées visent les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment les articles L. 511-1-I, L. 511-1 II et L. 511-1-III de ce code. Elles indiquent également, en particulier, que M. C... ne pouvait justifier être entré régulièrement sur le territoire français. De même, elles mentionnent que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'a pas été porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'intéressé étant célibataire et sans charge de famille en France. En outre, s'agissant spécifiquement de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet du Val-d'Oise a précisé qu'il existait un risque que M. C... se soustrait à l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre dès lors qu'il ne pouvait justifier être entré régulièrement en France, que les démarches qu'il a effectuées pour régulariser sa situation n'ont pas abouti, qu'il s'est soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire français et qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne présentait pas de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et qu'il ne justifiait pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Enfin, il ressort des termes de la décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans à l'encontre de M. C... que le préfet du Val-d'Oise a relevé, après examen des éléments du dossier de l'intéressé, que M. C... ne justifiait pas de circonstances humanitaires. Dans ces conditions, et alors que le préfet du Val-d'Oise n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments de la situation personnelle de M. C..., les décisions en litige comportent l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait au sens des dispositions précitées des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, et doivent être regardées comme étant suffisamment motivées. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions contestées doit être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, M. C... soutient que le préfet du Val d'Oise n'a pas procédé à un examen complet de sa situation dès lors que les services de police et préfectoraux n'ont pas fait le rapprochement entre l'identité donnée par l'intéressé et son numéro d'étranger présent sur l'autorisation provisoire de séjour qu'il a présentée et qui permettait, par la consultation de son dossier étranger, de constater qu'il avait sollicité l'asile et qu'il disposait d'un document de voyage en cours de validité ainsi que d'une adresse stable. De même, l'intéressé soutient que le préfet du Val-d'Oise n'a pas pris en compte son ancienneté sur le territoire français et son insertion, notamment professionnelle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de l'arrêté contesté, que le préfet du Val-d'Oise a pris en compte l'ancienneté de son séjour sur le territoire français ainsi que la circonstance que les démarches qu'il a effectuées pour régulariser sa situation n'ont pas abouti. En outre, et quand bien même le préfet du Val-d'Oise, qui n'est pas tenu de rechercher des éléments qui ne lui auraient pas été spontanément fournis, n'a pas fait expressément état de la situation professionnelle de l'intéressé, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation dès lors qu'à la date de la décision contestée, l'intéressé, qui a indiqué aux forces de l'ordre ne pas détenir de document émanant de son pays d'origine, ne justifiait pas de la détention d'un document de voyage en cours de validité ni d'une adresse stable. Par suite le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté comme manquant en fait.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

8. S'il ressort des pièces du dossier que M. C... justifie de sa présence sur le territoire français depuis octobre 2011 et s'il produit un contrat à durée indéterminée en tant que boulanger du 1er novembre 2018, ni ces circonstances ni le fait, à le supposer même établi, qu'il aurait entrepris des démarches visant à régulariser sa situation au titre du travail, ne sauraient caractériser une intégration particulière dans la société française, compte tenu notamment du caractère récent de son activité professionnelle. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, est célibataire et sans charge de famille en France. Dans ces conditions, et dès lors que M. C..., n'est pas démuni d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où il y a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans et où résident ses parents ainsi que quatre de ses frères et soeurs, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit par conséquent être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- Mme Collet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mars 2021

La présidente de la 8ème Chambre,

H. VINOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 20PA00546


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00546
Date de la décision : 25/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SOW

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-25;20pa00546 ?
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