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31/03/2021 | FRANCE | N°19PA03979

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 31 mars 2021, 19PA03979


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1918243/3-2 du 13 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 9 d

écembre 2019, le 18 décembre 2019, le 21 janvier 2020 et le 26 juin 2020, Mme E..., représentée par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1918243/3-2 du 13 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 9 décembre 2019, le 18 décembre 2019, le 21 janvier 2020 et le 26 juin 2020, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation ;

- il est entaché d'un vice de procédure tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;

- il méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et est entaché d'une erreur de droit ;

- il méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et médicale ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 juin 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me A..., avocat de Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante algérienne, née le 5 mars 1934, est entrée en France le 14 septembre 2014 selon ses déclarations. Le 10 juillet 2019, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté en date du 19 juillet 2019, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme E... relève appel du jugement du 13 novembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions :

2. En premier lieu, Mme E... reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen tiré de de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. "

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer la possibilité ou l'impossibilité pour le demandeur de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, la possibilité ou l'impossibilité pour lui de bénéficier effectivement de ce traitement dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... souffre d'une ostéoporose associée à un cancer papillaire de la thyroïde, d'hypertension artérielle et de la maladie de Parkinson. Pour refuser à Mme E... le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des stipulations précitées, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII, en date du 16 mai 2019, lequel indique que si son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Afin de contester cet avis, Mme E... produit plusieurs documents médicaux dont une attestation du docteur Boubaker, cardiologue, datée du 10 juin 2017, selon laquelle son état de santé " nécessite l'engagement d'une procédure au titre de l'article L. 313-11 11° du CESEDA ", et plusieurs certificats du docteur Krainik, médecin spécialiste en médecine interne, indiquant que sa pathologie nécessite " un suivi médical étroit, multidisciplinaire et très spécialisé " et que la prise en charge de Mme E... " se fera mieux en France ". Toutefois, ces certificats, ainsi au demeurant que les autres documents médicaux produits, qui ne se prononcent pas précisément sur les possibilités de prise en charge médicale en Algérie, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège des médecins de l'OFII et du préfet. Par ailleurs, si Mme E... affirme que son traitement médicamenteux, composé notamment de Sinemet, n'est pas disponible en Algérie, il ressort de la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques produite par le préfet de police que la molécule Lévodopa, principe actif de ce médicament, est disponible en Algérie. Par suite, le refus de renouvellement de titre de séjour contesté ne méconnaît pas les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Pour les mêmes motifs, il n'est pas entaché d'une erreur de droit.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour ". Aux termes de l'article L. 312-2 de ce même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ".

7. Si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et à y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour. Mme E... soutient que le préfet de police était tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande présentée sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions d'obtention du titre de séjour sollicité auxquels il envisage de refuser ce titre de séjour et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, Mme E... ne remplissait pas les conditions permettant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, le préfet de police n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre la décision contestée.

8. En quatrième lieu, Mme E... n'établit pas ni même n'allègue qu'elle aurait sollicité un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté comme inopérant.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Mme E... se prévaut de la présence de deux de ses enfants majeurs en France, et affirme que son état de santé nécessite l'assistance d'une tierce personne. Cependant, il ressort des pièces du dossier que cette assistance est réalisée, sur le territoire français, non par ses enfants y résidant, mais par le personnel médical de la résidence médicalisée dans laquelle elle a été placée en raison de la gravité de son état de santé. Il n'est pas établi, ni même allégué, qu'une telle prise en charge ne pourrait s'effectuer dans son pays d'origine ni que le soutien financier de ses enfants ne pourrait pas y être poursuivi. En outre, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 80 ans et où réside l'un de ses fils dont il n'est pas allégué que, s'il ne peut pas assurer l'assistance médicale dont elle a besoin, il ne serait pas un soutien affectif au même titre que ses enfants résidant en France. Par suite, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 10, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants ".

13. Si Mme E... soutient qu'elle serait exposée à des traitements inhumains et dégradants au regard du défaut de prise en charge de sa pathologie en Algérie, il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans ce pays. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2021.

Le rapporteur,

C. C...La présidente,

M. D... Le rapporteur,

C. C...La présidente,

M. D... Le rapporteur,

C. C...La présidente,

M. D... Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 19PA03979


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03979
Date de la décision : 31/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Celine PORTES
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SOW ; SELARL PIRIOU QUINQUIS BAMBRIDGE-BABIN ; SOW

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-31;19pa03979 ?
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