La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/05/2021 | FRANCE | N°20PA02620

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 04 mai 2021, 20PA02620


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 85 000 euros, avec intérêts au taux légal, en réparation du préjudice que lui a causé le refus du ministre de la santé, annulé par la cour administrative d'appel de Paris le

7 mars 2016, de l'autoriser à exercer la profession de sage-femme.

Par un jugement n° 1915903 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme C... la somme de 3 000 euros, avec

intérêts au taux légal à compter du 19 février 2019.

Procédure devant la Cour :

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 85 000 euros, avec intérêts au taux légal, en réparation du préjudice que lui a causé le refus du ministre de la santé, annulé par la cour administrative d'appel de Paris le

7 mars 2016, de l'autoriser à exercer la profession de sage-femme.

Par un jugement n° 1915903 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme C... la somme de 3 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 février 2019.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 septembre 2020, Mme C... représentée par

Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1915903 du 10 juillet 2020 en tant que le Tribunal administratif de Paris a fixé son indemnisation à la somme de 3 000 euros ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 85 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- elle a justifié les raisons pour lesquelles elle devait être indemnisée des pertes financières résultant de l'interdiction d'exercer son métier en France et qui l'a obligée à s'expatrier en Suisse pour travailler et a fourni les justificatifs correspondants.

Par un mémoire, enregistré le 5 mars 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il appartient à la seule requérante de justifier de ses préjudices, et notamment de son activité professionnelle en Suisse et de ses frais d'établissement, l'administration ou un expert ne pouvant en tout état de cause remédier à sa carence ;

- la somme allouée au titre du préjudice moral, qui n'est pas contestée, pourra être confirmée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision née le 1er avril 2008, le ministre de la santé a rejeté la demande de Mme D... C... tendant à être autorisée à exercer la profession de sage-femme en France sur le fondement des articles L. 4111-2 et L. 4151-5 du code de la santé publique. Par un arrêt du 7 mars 2016, la cour administrative d'appel de Paris a annulé cette décision et a enjoint au ministre chargé de la santé d'accorder l'autorisation sollicitée.

2. Mme C..., qui est inscrite sur le tableau des sages-femmes depuis le

13 septembre 2016, a demandé le 15 février 2019 à la ministre des solidarités et de la santé de l'indemniser des préjudices résultant du refus illégal de l'autoriser à exercer sa profession. Cette demande ayant été implicitement rejetée, Mme C... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 60 000 euros au titre de son préjudice matériel, et de 25 000 euros au titre de son préjudice moral. Elle relève appel du jugement du

10 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté comme insuffisamment justifié son préjudice matériel et ne lui a alloué que 3 000 euros au titre de son préjudice moral.

Sur la régularité du jugement :

3. En relevant au point 4 du jugement que " si Mme C... produit différents billets d'avion et des relevés de compte attestant de voyages entre la France et la Suisse, elle ne produit aucun élément permettant d'établir qu'elle a effectivement vécu et travaillé en Suisse, ni qu'elle a conservé pendant ces années le centre de ses intérêts matériels et moraux en France, justifiant ces trajets " et que par ailleurs " elle n'a produit aucun document attestant qu'elle aurait engagé d'autres frais du fait de la décision illégale du 1er avril 2008 ", les premiers juges ont motivé leur jugement que n'entache aucune irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Il n'est pas contesté que l'illégalité du refus du ministre de la santé en 2008 d'autoriser Mme C... à exercer en France la profession de sage-femme engage la responsabilité de l'Etat.

5. S'agissant de l'indemnisation de son préjudice matériel, Mme C... a fait valoir en première instance et en appel que l'interdiction illégale d'exercer son métier en France, où elle possède un appartement, l'a obligée à s'expatrier en Suisse pour y travailler, qu'elle a dû y louer un logement et qu'elle a été conduite à faire de nombreux allers-retours entre la Suisse et la France pour rester en contact avec ses proches. A l'appui de ses dires, la requérante s'est bornée à produire moins d'une dizaine de justificatifs ou de billets de vols entre Genève et Paris intervenus entre 2011 et 2016, quelques extraits de relevés bancaires faisant état d'achats de billets auprès de compagnies aériennes pour des destinations non précisées, et ses avis d'imposition sur le revenu en France entre 2009 et 2016. Mme C..., qui n'avait pas donné suite à la mesure d'instruction du 5 décembre 2019 par laquelle le tribunal administratif de Paris l'avait invitée à produire toutes pièces (notamment les avis d'impositions, factures de frais supplémentaires imputables à la décision annulée) permettant d'établir et de calculer le préjudice matériel allégué, n'a produit en appel aucun document nouveau alors même que le ministre, dans son mémoire en défense, réitérait ses demandes en ce sens. Elle n'a donc pas justifié, pas plus qu'elle ne l'avait fait devant les premiers juges, qu'elle aurait effectivement vécu et travaillé en Suisse et que cette résidence aurait été à l'origine de charges et de pertes de revenus, ni que les déplacements entre Genève et Paris, au demeurant peu fréquents, auraient été rendus indispensables par la poursuite en France d'une vie privée et familiale contrariée par l'expatriation à laquelle elle se serait trouvée contrainte. En l'absence d'éléments précis établissant que les préjudices matériels pour lesquels elle réclame réparation sont la conséquence directe et certaine de la décision illégale, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris ne lui a rien accordé au titre de son préjudice matériel.

6. Enfin, le tribunal administratif de Paris n'a pas fait une évaluation insuffisante du préjudice moral de Mme C... en lui allouant de ce chef la somme de 3 000 euros.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a fixé à la somme de 3 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 février 2019, le montant de l'indemnité qu'il a condamné l'Etat à lui verser. Sa requête doit dès lors être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, les frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience publique du 20 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. A..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2021.

L'assesseur le plus ancien,

M-D. JAYER Le président de la formation de jugement,

président-rapporteur,

Ch. A... Le rapporteur,

Ch. A...Le président,

M. A...

Le greffier,

E. MOULIN

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 20PA02620


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02620
Date de la décision : 04/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : COLMANT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-04;20pa02620 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award