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27/05/2021 | FRANCE | N°19PA00280

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 27 mai 2021, 19PA00280


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouveler son titre de séjour et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur-profession libérale ".

Par un jugement n° 1801969 du 13 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregis

trés le 20 janvier 2019 et le 27 février 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouveler son titre de séjour et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur-profession libérale ".

Par un jugement n° 1801969 du 13 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 janvier 2019 et le 27 février 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801969 du 13 novembre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 6 décembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou à titre subsidiaire de réexaminer sa demande sous les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 400 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement entrepris est irrégulier parce que le principe du contradictoire a été méconnu et est insuffisamment motivé ;

- le refus de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale " a été pris en violation des stipulations des articles 2 et 5 de la convention d'établissement franco-américaine du 25 novembre 1959 et de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle (ADPIC) ainsi que de la jurisprudence de l'Union européenne sur la liberté de circulation des personnes ainsi que la liberté d'établissement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'établissement entre la France et les États-Unis d'Amérique du 25 novembre 1959, ainsi que la loi n° 60-753 du 28 juillet 1960 et le décret n° 60-1330 du 7 décembre 1960 ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant américain né en 1964, a sollicité, le 8 septembre 2017, le renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/profession libérale ". Par une décision du 6 décembre 2017, le préfet de police a rejeté sa demande sur le fondement des dispositions des articles L. 313-10 3° et R. 313-36-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête présentée par M. A... à l'encontre de cet arrêté. M. A... fait appel du jugement du 13 novembre 2018 du Tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Le jugement attaqué a répondu à l'ensemble des moyens soulevés devant le tribunal administratif. Il n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés à l'appui de ces moyens. Le bien-fondé des réponses qu'il a apportées à ces mêmes moyens est sans incidence sur sa régularité.

3. Le requérant n'est pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges ont répondu au moyen qu'il avait présenté tiré de la violation d'établissement franco-américaine du 26 novembre 1959 alors qu'ils n'ont relevé aucun moyen d'ordre public.

Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

4. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : (...) 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention " entrepreneur/profession libérale " ". Aux termes de l'article R. 313-16-1 du même code : " (...) Pour l'application du 3° de l'article L. 313-10, l'étranger qui demande la carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/profession libérale " doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les justificatifs permettant d'évaluer, en cas de création, la viabilité économique de son projet ".

5. Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle à l'étranger qui vient exercer en France une profession commerciale, industrielle ou artisanale est subordonnée, notamment, à la viabilité économique de l'activité envisagée. Lorsque l'étranger est lui-même le créateur de l'activité qu'il vient exercer, il lui appartient de présenter à l'appui de sa demande les justificatifs permettant d'évaluer la viabilité économique de son activité ou entreprise, que celle-ci soit encore au stade de projet ou déjà créée.

6. Le préfet de police n'était nullement tenu de prendre en compte les avantages et rentes que le requérant perçoit de sa famille et dont il ne soutient nullement qu'ils auraient pour contrepartie une activité professionnelle. Ainsi, les documents produits, à la date de l'arrêté litigieux, ne justifient pas de la viabilité économique de son activité. Il y a lieu, en conséquence, d'écarter le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions des articles L. 313-10 et R. 313-16-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Aux termes de l'article II de la convention d'établissement entre la France et les États-Unis d'Amérique signée le 25 novembre 1959 et introduite dans l'ordre juridique français par l'effet conjugué de la loi n° 60-753 du 28 juillet 1960 qui en a autorisé l'approbation et du décret n° 60-1330 du 7 décembre 1960 décidant sa publication : " Les ressortissants de chacune des Hautes Parties contractantes sont, sous réserve de l'application des lois relatives à l'entrée et au séjour des étrangers, autorisés à entrer dans les territoires de l'autre Haute partie contractante, à y voyager librement et à y résider dans les lieux de leur choix. Ils sont, en particulier, autorisés à entrer dans les territoires de l'autre Haute Partie contractante et à s'y établir, en vue de : " / a) Se livrer à des opérations commerciales entre les territoires des deux Hautes Parties contractantes ainsi qu'à des activités commerciales connexes ; / b) Développer et diriger les opérations d'une entreprise dans laquelle ils ont déjà investi un capital substantiel ou procèdent à un tel investissement " ". Aux termes du premier alinéa de l'article V de la même convention : " Les ressortissants et les sociétés de chacune des Hautes Parties contractantes bénéficient du traitement national en ce qui concerne toutes les activités commerciales, industrielles, financières et autres activités de caractère lucratif, qu'ils exercent dans les territoires de l'autre Partie contractante soit directement, ou par l'intermédiaire d'un agent ou de toute autre personne physique ou morale. En conséquence, lesdits ressortissants et sociétés sont autorisés sur lesdits territoires : / (...) / c) à diriger et à gérer les entreprises qu'ils ont créées ou acquises ". L'article XIV dispose : " L'expression " traitement national " signifie le traitement accordé aux ressortissants et sociétés d'une des hautes parties contractantes sur les territoires de l'autre Haute partie contractante dans des conditions non moins favorables que le traitement qui y est accordé, dans des conditions similaires, aux ressortissants et sociétés, selon le cas, de cette dernière haute partie contractante. ". Aux termes du paragraphe 2 du protocole annexé à cette convention : " a) Nonobstant les dispositions de la présente convention, les dispositions légales et réglementaires en vigueur sur les territoires de l'une des Hautes Parties contractantes et régissant l'accès des étrangers aux professions salariées et non salariées, ainsi que l'exercice par eux de ces professions et autres activités, restent applicables aux ressortissants et sociétés de l'autre Haute Partie contractante ; / b) Toutefois, les dispositions prévues par les lois et règlements précités ainsi que celles prévues par les lois et règlements sur l'admission et le séjour des étrangers ne doivent pas avoir pour effet de porter atteinte à l'essentiel des droits mentionnés à l'article 2, § 1 a et b (...) ".

8. Aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national. Les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l'autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques. Le législateur peut ainsi mettre en oeuvre les objectifs d'intérêt général qu'il s'assigne. Dans ce cadre juridique, les étrangers se trouvent placés dans une situation différente de celle des nationaux. Si les articles II, V et XIV précités de la convention d'établissement entre la France et les États-Unis d'Amérique du 25 novembre 1959 prévoient que, pour l'exercice d'activités commerciales, industrielles, financières, les nationaux de chacune des parties, une fois admis à entrer et à séjourner sur le territoire français, bénéficient du traitement réservé aux nationaux de l'autre partie, il résulte de l'article II et du paragraphe 2 du protocole annexée à cette convention que les stipulations des articles V et XIV n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de dispenser les ressortissants américains de se conformer aux dispositions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France.

9. Par ailleurs, si le paragraphe 2 du protocole annexé à la convention prévoit que l'application des lois et règlements sur l'admission et le séjour des étrangers ne doivent pas avoir pour effet de porter atteinte à l'essentiel des droits reconnus aux ressortissants américains, cette stipulation renvoie uniquement aux droits visés à l'article 2, § 1 a et b. Dès lors qu'en l'espèce il ressort des pièces du dossier que le projet du requérant ne vise pas à réaliser des opérations commerciales entre la France et les États-Unis et qu'il ne porte pas sur une entreprise dans laquelle aurait déjà été investi un capital substantiel, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les stipulations précitées de la convention d'établissement entre la France et les États-Unis d'Amérique du 25 novembre 1959.

10. Le préfet de police a pu, sans commettre d'erreur de droit, vérifier si le renouvellement de la demande de titre de séjour présenté par M. A... remplissait la condition tenant à la viabilité économique du projet exigée par les articles L. 313-10 et R. 313-16-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Aucun élément du dossier ne permet d'estimer que la situation personnelle du requérant n'aurait pas fait l'objet de la part de l'administration d'un examen particulier ni que le code des relations entre l'administration et le public aurait été violé. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. A... doit être écarté.

12. Enfin, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant. Le moyen doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 mai 2021.

Le rapporteur,

B. C...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA00280 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00280
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Bruno SIBILLI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : NAVARRO

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-27;19pa00280 ?
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