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11/06/2021 | FRANCE | N°20PA02630

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre, 11 juin 2021, 20PA02630


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme M... F..., M. J... F..., Mme E... G... veuve F..., Mme B... F... épouse A..., M. L... F... et M. K... F... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la recommandation de la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliation intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (CIVS) émise le 12 février 2018, portant rejet de leur demande d'indemnisation, et d'enjoindre à la CIVS de réexaminer leur demande d'indemnisation.

Par un jugement n° 1902

810/6-1 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme M... F..., M. J... F..., Mme E... G... veuve F..., Mme B... F... épouse A..., M. L... F... et M. K... F... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la recommandation de la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliation intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (CIVS) émise le 12 février 2018, portant rejet de leur demande d'indemnisation, et d'enjoindre à la CIVS de réexaminer leur demande d'indemnisation.

Par un jugement n° 1902810/6-1 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2020, les consorts F..., représentés par Me H..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à leurs demandes ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 600 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la recommandation de la CIVS n'est pas suffisamment motivée ;

- les faits dont M. F... a été victime en septembre 1943 ont été commis du fait des législations antisémites prises pendant l'Occupation ; il s'agit donc de spoliations susceptibles d'être indemnisées sur le fondement du décret du 10 septembre 1999.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 décembre 2020, le Premier ministre conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reproduire les écritures de première instance des requérants ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction est intervenue le 4 janvier 2021.

Vu :

- le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me H..., représentant les consorts F....

Considérant ce qui suit :

1. Le 8 avril 2016, Mme M... F..., M. J... F..., Mme E... G... veuve F..., Mme B... F... épouse A..., M. L... F... et M. K... F... ont saisi la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (CIVS) en vue d'obtenir l'indemnisation de titres bancaires, d'or et de bijoux dérobés au domicile de Mme C... F... et M. I... F... le 4 septembre 1943. Ils relèvent appel du jugement du 10 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la recommandation de la CIVS, émise le 12 février 2018, portant rejet de leur demande d'indemnisation.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, la recommandation de la CIVS émise le 12 février 2018 mentionne les textes applicables ainsi que les éléments de faits sur lesquels elle s'est fondée pour proposer au Premier ministre de rejeter la demande d'indemnisation des consorts F.... Elle est par suite suffisamment motivée.

3. D'autre part, aux termes de l'article 1er décret du 10 septembre 1999 : " Il est institué auprès du Premier ministre une commission chargée d'examiner les demandes individuelles présentées par les victimes ou par leurs ayants droit pour la réparation des préjudices consécutifs aux spoliations de biens intervenues du fait des législations antisémites prises, pendant l'Occupation, tant par l'occupant que par les autorités de Vichy ".

4. En septembre 1943, des individus se sont présentés au domicile de Mme C... F... et de M. I... F... en se présentant comme des policiers. Ils ont fait état d'une lettre désignant Mme F... comme une israélite non déclarée, et, sous la menace, ils leur ont volé des titres bancaires, de l'or et des bijoux. M. F... a déposé plainte le

10 septembre 1943 auprès des services de police. Après enquête, les receleurs d'une partie des titres bancaires volés, retrouvés et jugés par le tribunal civil de première instance du département de la Seine, ont été condamnés le 8 février 1950 à verser à M. F... la somme d'un million de francs qui ne couvrait pas la totalité du montant des titres bancaires volés. La cour d'appel de Paris a confirmé le 12 mai 1952 la condamnation des receleurs. Les auteurs du vol n'ont cependant jamais été identifiés. M. F..., puis ses ayants droit, ont vainement réclamé réparation intégrale de leurs préjudices auprès du ministre des finances en 1954, puis auprès du directeur du service de la Reconstruction en 1956, enfin auprès du président de la République et du ministre des affaires étrangères en 1991. S'il est vrai que, dans le contexte de l'époque, les victimes juives de délits de droit commun étaient placées dans une situation de vulnérabilité et plus exposées que d'autres à des menées criminelles, aucun élément au dossier ne permet de regarder l'acte dont ont été victimes M. et Mme F... en septembre 1943 comme une spoliation intervenue du fait des législations antisémites, la seule circonstance que des délinquants aient tiré parti de l'origine juive de Mme F... pour intimider leurs victimes et leur extorquer leurs bijoux et leurs valeurs ne suffisant pas à conférer ce caractère à ce vol. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de celles du dossier pénal qui a conduit à la condamnation des receleurs, que les auteurs du vol, jamais identifiés ainsi qu'il a été dit, auraient appartenus à la Gestapo allemande ou à ses hommes de main français, ou qu'ils auraient agi pour leur compte ou avec leur aval. Par suite, en estimant que la demande d'indemnisation des consorts F... ne relevait pas de sa compétence, la CIVS n'a pas commis d'erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le Premier ministre, que les consorts F... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par les consorts F... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête des consorts F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme M... F... et au Premier ministre.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2021.

Le rapporteur,

G. D...Le président de la formation de jugement,

Ch. BERNIER

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au Premier ministre, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 20PA02630


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02630
Date de la décision : 11/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. - Faits n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: Mme Gaelle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : BENTOLILA

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-11;20pa02630 ?
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