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07/07/2021 | FRANCE | N°20PA03522

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 07 juillet 2021, 20PA03522


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sasu Ateliers Jean Nouvel a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution d'une somme de 383 758 euros à raison du crédit d'impôt en faveur de la recherche dont elle s'estime titulaire au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1807057/1-2 du 22 septembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 novembre 2020 et 17 mai 2021, la Sasu Ateliers Jean Nouvel, repr

ésentée par Me Vaea Pery, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1807057/1-2 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sasu Ateliers Jean Nouvel a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution d'une somme de 383 758 euros à raison du crédit d'impôt en faveur de la recherche dont elle s'estime titulaire au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1807057/1-2 du 22 septembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 novembre 2020 et 17 mai 2021, la Sasu Ateliers Jean Nouvel, représentée par Me Vaea Pery, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1807057/1-2 du 22 septembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision de rejet partiel du 2 mars 2018 ;

3°) de prononcer l'éligibilité au crédit impôt recherche des dépenses mentionnées dans les déclarations déposées au titre de l'année 2014 et l'admission totale de sa réclamation ;

4°) subsidiairement, d'ordonner une expertise portant sur la nature des activités et dépenses au titre desquelles a été sollicité le crédit d'impôt litigieux et de mettre à la charge de l'Etat les dépens.

Elle soutient que :

- sa requête ne porte, contrairement à ce que soutient l'administration fiscale, que sur le montant du crédit d'impôt recherche qu'elle a rejeté ;

- elle a saisi la Cour d'un recours de pleine juridiction et non d'un recours pour excès de pouvoir tendant à la réparation du préjudice subi résultant de la décision de rejet partiel et à la réformation de cette décision ;

- la décision de rejet partiel, qui fait référence à un rapport d'expertise relatif aux dépenses qu'elle a exposées au titre de l'année 2013, n'est pas motivée ; l'émission du rapport d'expertise du 27 janvier 2019 relatif aux dépenses exposées au titre de l'année 2014 n'a pas purgé le vice dont est entachée cette décision ;

- le tribunal a entaché son jugement d'erreur de droit en faisant exclusivement reposer sur elle la charge de la preuve ;

- le tribunal n'a pas pris en compte les documents complémentaires qu'elle avait produits ;

- les experts qu'elle a mandatés concluent tous à l'éligibilité totale des projets 1, 2 et 4 ; s'agissant du projet 1, l'éligibilité de la phase du prototypage implique l'éligibilité de l'ensemble des travaux pour y parvenir en vertu de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-20161102 §310 ; l'expert qu'elle a mandaté identifie tous les verrous qu'elle a présentés comme des verrous techniques au sens du crédit impôt recherche et un manque de connaissance dans l'état de l'art qu'elle a décidé de combler via une démarche expérimentale ; s'agissant du projet 2, l'éligibilité des travaux concernant Rijswijk EPO implique celle des phases ayant amené à la construction du prototype ; concernant la façade de la tour La Marseillaise, les travaux étaient indispensables à la levée des incertitudes techniques identifiées à la suite de l'analyse de l'état de l'art ; ce projet faisait avancer les connaissances techniques du domaine de construction par le développement d'une nouvelle typologie de façade et sur le comportement d'une telle façade face aux contraintes de vent et de milieu salin ; concernant la façade du projet Andorra La Querola, les phases de recherche et de développement des prototypes, qui ont été réalisés en 2015, sont éligibles en vertu de la doctrine administrative ; l'expert qu'elle a mandaté identifie un objectif de recherche, des verrous techniques ainsi qu'une démarche expérimentale ; concernant la façade du projet Marseille Saint-Just, qui n'est pas une tour et n'a donc pas été intégrée au projet 1, la problématique avec le végétal ne porte que sur la culture d'arbres en façade ; les travaux réalisés sont également éligibles ; s'agissant du projet 3, l'administration fiscale valide l'intégralité du temps présenté et valide l'éligibilité des travaux ; s'agissant du projet 4, il vise à apporter des réponses à un manque de connaissances identifié dans l'état de l'art et les questions posées vont au-delà des questions classiques qui composent les programmes d'architecture ; les phases de recherche sont éligibles dès lors qu'elles sont menées pour lever une incertitude scientifique ou technique comme c'est le cas du projet Qing Dao ; concernant le projet Jean Zay, elle établi l'existence d'incertitudes techniques et une démarche expérimentale ; l'ensemble des travaux et les dépenses de recherche et développement remplissent l'ensemble des critères d'éligibilité au regard de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-20131009 et du manuel de Frascati.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 12 janvier et 26 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions de la Sasu Ateliers Jean Nouvel ne sont recevables qu'à concurrence de la somme de 383 758 euros compte tenu du dégrèvement partiel prononcé le 2 mars 2018 ;

- les conclusions tendant à l'annulation de la décision de rejet partiel du 2 mars 2018 sont irrecevables ; la Sasu Ateliers Jean Nouvel ne justifie pas avoir sollicité de l'administration fiscale la réparation du préjudice résultant de la non restitution du crédit d'impôt recherche restant en litige au titre de l'année 2014 et n'a pas saisi le juge de conclusions indemnitaires ;

- les moyens invoqués par la Sasu Ateliers Jean Nouvel ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Pery, avocat de la Sasu Ateliers Jean Nouvel.

Considérant ce qui suit :

1. La Sasu Ateliers Jean Nouvel, qui exploite un cabinet d'architecture, a déclaré, au titre de l'année 2014, un crédit d'impôt recherche (CIR) de 593 779 euros dont elle a demandé la restitution le 23 août 2017. Par une décision du 2 mars 2018, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a partiellement fait droit à sa demande, à concurrence de la somme de 210 021 euros, au motif que les travaux engagés n'étaient que partiellement éligibles au CIR. Par un jugement n° 1807057/1-2 du 22 septembre 2020, dont la Sasu Ateliers Jean Nouvel relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de la somme 383 758 euros.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance aux conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet partiel du 2 mars 2018 :

2. Les décisions par lesquelles l'administration fiscale statue sur le droit d'un contribuable de bénéficier d'un crédit d'impôt ou d'en obtenir la restitution ne constituent pas des actes détachables de la procédure d'imposition. Elles ne peuvent, en conséquence, être déférées à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir. Il appartient au contribuable d'adresser à l'administration compétente une réclamation tendant soit au remboursement des crédits d'impôt dont il n'a pu procéder à l'imputation, soit à la décharge d'impositions mises en recouvrement par l'administration sans tenir compte des crédits d'impôt dont il s'estime bénéficiaire, et, le cas échéant, en cas rejet de cette réclamation, de saisir le juge de l'impôt de conclusions à fin de décharge et de restitution. Dès lors, il y a lieu d'accueillir la fin de non-recevoir opposée par le ministre et de rejeter les conclusions susvisées comme irrecevables. Il n'y a par suite pas lieu d'examiner les moyens soulevés à cette fin.

Sur les conclusions à fin de restitution du crédit d'impôt recherche :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

3. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction, et compte tenu des éléments fournis par une partie qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts. La qualification d'activité de recherche au sens des dispositions précitées implique de constater l'existence d'un élément de nouveauté non négligeable et la dissipation d'une incertitude scientifique ou technologique.

4. Il ressort des termes du jugement attaqué qu'après avoir rappelé, au point 3. de son jugement, le principe mentionné ci-dessus, le tribunal a relevé, au point 4., qu'il résultait de l'instruction que, par un avis du 27 janvier 2019, un expert indépendant du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI) avait conclu à l'éligibilité partielle au CIR des dépenses de recherche déclarées par la Sasu Ateliers Jean Nouvel et que cette société ne produisait aucun élément de nature à remettre en cause cet avis de l'expert. Il suit de là que, contrairement à ce que soutient la Sasu Ateliers Jean Nouvel, le tribunal, qui pouvait à bon droit estimer que les éléments produits ne suffisaient pas à remettre en cause les appréciations portées par l'expert, n'a pas indûment fait peser sur elle la charge de la preuve de l'éligibilité des travaux engagés. Dans ces conditions, la Sasu Ateliers Jean Nouvel n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait inexactement appliqué les règles de la charge de la preuve.

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

5. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) ". En application de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code, sont considérées comme opérations de recherche scientifique et technique, outre les activités ayant un caractère de recherche fondamentale et celle ayant un caractère de recherche appliquée, celles " ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ". Aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par des agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. / (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que la Sasu Ateliers Jean Nouvel a engagés des travaux afférents à quatre projets dénommés " Vers des tours durables ", comportant deux opérations distinctes (" Le végétal en grande hauteur " et " Le développement de nouvelles structures de tours ") pour le projet 1, " Une nouvelle ère de réflexion sur les façades " comportant quatre opérations distinctes (un projet d'édifice EPO à Rijswick, un projet de tour La Marseillaise, un projet Andorra La Querola et des façades végétalisées) pour le projet 2, " Nouvelles structures de salles culturelles " comportant trois opérations différentes (La Philarmonie de Paris, le musée national du Quatar à Doha et le musée du Louvre d'Abu Dhabi) pour le projet 3 et " Reconstruction, reconversion, requalification à plusieurs échelles " pour le projet 4. L'administration fiscale a, au vu des appréciations de l'expert désigné par le ministère de la recherche, admis en totalité l'éligibilité au CIR du projet n°3, admis partiellement les projets n°s 1 et 2 et rejeté en totalité le projet 4, conformément aux conclusions formulée par ledit expert dans son rapport du 27 janvier 2019, au vu du dossier initial et du dossier complémentaire produit par la Sasu Ateliers Jean Nouvel. L'administration fiscale a, notamment, admis les dépenses de personnel dans la mesure retenue par l'expert, sans toutefois prononcer de restitution supplémentaire, le montant déjà restitué étant supérieur à celui finalement retenu.

7. La Sasu Ateliers Jean Nouvel soutient que quatre experts qu'elle a mandatés ont conclu à l'éligibilité des travaux qu'elle a engagés au titre des projets 1, 2 et 4.

8. D'une part, le projet 1 a pour objet de développer " une structure de façade permettant de créer un voile végétal servant de protection solaire et donnant une qualité architecturale originale aux tours de grande hauteur " (tours de Kuala Lumpur et de Singapour), de " rechercher de nouvelles façades permettant d'améliorer les performances thermiques et de confort des tours et permettre une meilleure intégration à leur environnement ", de créer " un système de ventilation inédit dans une tour qui permettrait de réduire les gaines verticales de l'emprise du noyau créant ainsi un gain d'espace et d'énergie " (projet Rose de Cherbourg à la Défense), d'utiliser " des végétaux et du corten (acier spécifique) en façade d'une tour afin de créer un brise-soleil naturel permettant l'intégration de la tour à son environnement " (projet Sao Paulo Matarazzo), de différencier " les façades des tours afin de répondre au plus juste aux besoins internes (plusieurs fonctions) en fonction de l'orientation " (tours duo de la gare d'Austerlitz) et de développer un immense atrium au centre de quatre tours " afin de créer un microclimat à l'intérieur du quartier " (projet Pékin Changqing). La Sasu Ateliers Jean Nouvel fait valoir que toutes les étapes nécessaires et indispensables à la réalisation du projet, et pas seulement le prototypage, peuvent être regardées comme des travaux de recherche et développement ainsi que l'a relevé l'expert qu'elle a mandaté et qui a identifié des verrous techniques ainsi qu'un manque de connaissances dans l'état de l'art, qu'elle a comblé via une démarche expérimentale. L'expert désigné par le MESRI a toutefois relevé qu'à l'exception des travaux de recherche faits sur les plantes afférents à l'opération " Le végétal en grande hauteur " se rapportant aux tours de Kuala Lumpur et de Singapour, au titre desquels il a retenu le verrou technique relatif au comportement des espèces végétales à plus de cent mètres de hauteur, les autres verrous identifiés se rapportent davantage à des problèmes de conception et de construction classiques. A cet égard, il note l'absence de travail de recherche et développement publié ou d'acquisition de connaissance nouvelle, construit scientifiquement résultant d'un protocole de recherche au sens du crédit d'impôt recherche. L'expert précise, par ailleurs, en ce qui concerne l'opération " Le développement de nouvelles structures de tours ", que les travaux de recherche afférents au tours duo de la gare d'Austerlitz relatifs à l'intégration des contraintes du projet et du site dans un dispositif de façade permettant de restituer une image de l'environnement des deux tours ne relèvent pas, à l'exception de ceux portant sur les prototypes de façade et les essais en soufflerie, du domaine de la recherche et développement au sens du CIR. Il en va de même, selon l'expert, pour les travaux de recherche afférents au projet de Sao Paulo Matarazzo à l'exception de ceux en lien avec le prototypage et les essais en soufflerie. En ce qui concerne les projet Pékin Changqing, l'activité présentée par la Sasu Ateliers Jean Nouvel, qui se rapporte au projet architectural et aux incertitudes techniques, aux analyses et simulations, ne relève pas davantage de la recherche et développement, mais d'opérations habituelles de conception architecturale. Il en va de même, d'après l'expert mandaté par le ministère de la recherche, des travaux afférents au projet Rose de Cherbourg. Les documents produits par la Sasu Ateliers Jean Nouvel ne sont pas de nature à lever les objections ainsi formulées, alors que l'expert mandaté par cette société reconnaît que la présentation des études privilégient les solutions finales plutôt que le processus de recherche. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que la Sasu Ateliers Jean Nouvel soit fondée à demander la restitution du CIR afférents aux travaux en cause.

9. D'autre part, le projet 2 a pour objet de développer des " façades double-peau à grande échelle, dont l'espace tampon présente des fonctions de cour intérieure et de présence de végétaux et assurent un faible impact environnemental du bâtiment " (projet EPO à Rijswick), l'aspect décoratif des façades intégrant le béton fibré (projet de la Tour La Marseillaise), l'aspect décoratif des façades intégrant l'ardoise (projet Andorra la Querola), et vise à parvenir à créer une façade avec des végétaux du type calanque ainsi que des arbres tout en garantissant le risque incendie (projet " façades végétalisées de Marseille Saint-Just "). La Sasu Ateliers Jean Nouvel allègue que les étapes précédant les essais fonctionnels sont éligibles au CIR et qu'elles avaient pour objectif d'apporter des connaissances en expérimentant de nouvelles application. A l'exception du projet " façades végétalisées de Marseille Saint-Just " déclaré éligible, l'expert désigné par le ministère de la recherche a conclu à l'inéligibilité des travaux afférents au projet EPO à Rijswick au motif que les travaux réalisés relevaient de la conception du " mock-up " pour lequel aucune pièce justificative n'avait été fournie par la société. Si la Sasu Ateliers Jean Nouvel allègue, s'agissant du projet de la Tour La Marseillaise, que les travaux entrepris ne concernent pas des travaux de conception architecturale classique et que ce projet fait avancer les connaissances techniques dans le domaine de la construction par le développement d'une nouvelle typologie de façade, s'agissant notamment du comportement de la tour face aux contraintes du vent et du milieu salin, l'expert relève que les travaux relatifs à la façade en béton fibré de la tour et l'étude faite sur l'orientation des brises soleil participent d'un travail classique d'étude technique nécessaire à la conception d'un édifice. Il souligne que si des prototypes numériques et physiques ont été réalisés, ils l'ont été comme outil classique de la conception architecturale et qu'en l'absence de pièces justificatives, les essais en soufflerie et en brouillard salin ne sont pas éligibles. Quant à l'opération Andorra La Querola pour laquelle la Sasu Ateliers Jean Nouvel invoque, à l'appui des conclusions de l'expert qu'elle a mandaté, un objectif de recherche ainsi que l'identification de verrous techniques et une démarche expérimentale, l'expert désigné par le ministère de la recherche relève que le dossier complémentaire manque de clarté pour apprécier si les travaux sont éligibles. Dans ses observations en défense, le ministre fait valoir que les concepts exposés ont été reconnus par l'expert mandaté par la société comme n'étant pas nouveaux et que les travaux concernés ont consisté à adapter des systèmes existants ou à réaliser des études et ne relèvent donc pas du champ de l'article 49 septies F. Le ministre relève, en outre, que le prototype du projet EPO à Rijswick n'a été réalisé qu'en 2015 soit postérieurement à l'année concernée, ce que corroborent les ultimes écritures de la Sasu Ateliers Jean Nouvel. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que les travaux non admis au titre de ce projet 2 soient éligibles au CIR.

10. Enfin, le projet 4 a pour objectif de " développer des méthodologies de conception pour la reconstruction, la reconversion et la requalification adaptées au projet de quartier et au projet de bâtiment ", " les sensations et les ambiances [ayant été] au cœur des problématiques de conception de quartiers ". Le site de Qing Dao est posé comme projet " expérimental ". Le bâtiment Jean Zay à Antony est un projet de reconversion présenté comme " exemplaire quant au questionnement posé à l'échelle de l'édifice ". La Sasu Ateliers Jean Nouvel soutient que ce projet vise à apporter des réponses à un manque de connaissances identifié dans l'état de l'art et que les questions qu'il pose vont au-delà des questions classiques en matière d'architecture. A l'appui du rapport établi par l'expert qu'elle a mandaté et qui précise que " la méthodologie relève de la RetD ", elle fait valoir, en ce qui concerne le projet Qing Dao, que les étapes précédant les essais fonctionnels, réalisées en 2014, sont éligibles. Toutefois, l'expert désigné par le ministère de la recherche relève que ce projet vise à reconvertir une zone sableuse en un paysage dédié à l'art, qui intègre des phases d'études de matériaux classiquement constitutives d'un processus de conception architecturale ne relevant pas de travaux de recherche et développement. La Sasu Ateliers Jean Nouvel fait, en outre, valoir en ce qui concerne le projet Jean Zay, l'existence d'incertitudes techniques, identifiées par l'expert qu'elle a mandaté, et soutient que le travail de co-développement avec les industriels avait pour objet d'alimenter techniquement la méthodologie qu'elle a développée et que, pour rendre reproductible cette méthodologie, elle devait comporter des éléments architecturaux standartisables pour démontrer une réplication à moindre coût sur d'autres opérations de réhabilitation. Si l'expert mandaté par elle précise que " cette recherche, prenant en compte la programmation, une réflexion patrimoniale, une conception adaptée, et une réalisation expérimentale reproductible est très intelligente ", l'expert désigné par le ministère de la recherche relève que les travaux réalisés en 2014 ont consisté à faire produire des éléments architecturaux standards à des industriels (bloc de douche et lavabo) et que ces produits commercialisables ne sont pas éligibles au CIR. Plus généralement, il précise que le dossier ne décrit aucun protocole de recherche au sens du crédit d'impôt recherche et qu'une démarche innovante et intéressante pour la société n'est pas nécessairement une démarche de recherche, l'objet des travaux entrepris étant d'accroître l'efficience de sa production et non de produire de la connaissance. Il résulte ainsi de l'instruction que les travaux afférents à ce projet, pour lequel le dossier ne permet pas d'identifier l'existence d'innovations significatives et la levée d'incertitudes scientifiques ou technologiques de nature à accroître les connaissances pour la profession, ainsi que le relève le ministre, et qui ont consisté à adapter des systèmes existants ou à réaliser des études relevant d'une démarche classique d'architecture ne sont pas éligibles au sens des dispositions précitées au point 5.

En ce qui concerne l'application de la doctrine :

11. La Sasu Ateliers Jean Nouvel Conseil invoque, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-20161102 §310 ainsi que celle référencée BOI-BIC-RICI-10-10-2013-1009. Toutefois, la garantie prévue par le premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne peut être invoquée que pour contester les rehaussements d'impositions auxquels procède l'administration. Ainsi, la Sasu Ateliers Jean Nouvel ne peut, en tout état de cause, s'en prévaloir pour contester le refus de l'administration de faire droit à sa demande de restitution du crédit d'impôt institué par les dispositions précitées du II de l'article 244 quater B du code général des impôts. Elle ne peut davantage utilement invoquer le manuel de Frascati qui ne constitue d'ailleurs pas une interprétation formelle d'un texte fiscal au sens des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise eu égard à celles déjà produites au dossier, que la Sasu Ateliers Jean Nouvel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa requête d'appel, en toutes ses conclusions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Sasu Ateliers Jean Nouvel est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Sasu Ateliers Jean Nouvel et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2021.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03522


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03522
Date de la décision : 07/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : PERY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-07-07;20pa03522 ?
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