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24/09/2021 | FRANCE | N°21PA00697

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 24 septembre 2021, 21PA00697


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

8 mars 2019 par lequel le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français.

Par un jugement n° 1909674/4-1 du 16 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2021, M. B..., représenté par Me Pierrot, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet a

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3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la not...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

8 mars 2019 par lequel le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français.

Par un jugement n° 1909674/4-1 du 16 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2021, M. B..., représenté par Me Pierrot, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer, pendant cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le conseil du requérant renonçant, le cas échéant, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 521-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 juillet 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 9 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Heers,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant italien né le 28 janvier 1962, a été condamné par le Tribunal correctionnel de Paris le 31 mars 2016 à une peine d'un an et six mois d'emprisonnement dont dix mois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant trois ans pour agression sexuelle. Après avis favorable de la commission spéciale d'expulsion du 29 janvier 2019, le préfet de police a, par un arrêté du 8 mars 2019, prononcé son expulsion du territoire français. M. B... relève appel du jugement n° 1909674/4-1 du 16 juillet 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, M. B... reprend en appel le moyen qu'il avait soulevé en première instance tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, la directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres détermine les conditions dans lesquelles ceux-ci peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d'un citoyen de l'Union européenne ou d'un membre de sa famille. L'article 27 de cette directive prévoit que, de manière générale, cette liberté peut être restreinte pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, sans que ces raisons puissent être invoquées à des fins économiques. Ce même article prévoit que les mesures prises à ce titre doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées sur le comportement personnel de l'individu concerné, lequel doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. L'article 28 de la directive impose la prise en compte de la situation individuelle de la personne en cause avant toute mesure d'éloignement, notamment de la durée de son séjour, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine.

4. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 521-5 inséré dans le même code par la loi du 16 juin 2011 afin d'assurer la transposition des dispositions de la directive citée au point 1. : " Les mesures d'expulsion prévues aux articles L. 521-1 à L. 521-3 peuvent être prises à l'encontre des ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) si leur comportement personnel représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Pour prendre de telles mesures, l'autorité administrative tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée de leur séjour sur le territoire national, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle dans la société française ainsi que l'intensité des liens avec leur pays d'origine. ".

5. Ces dispositions doivent être interprétées à la lumière des objectifs de la directive du

29 avril 2004, notamment de ses articles 27 et 28 mentionnés au point 3. Il appartient à l'autorité administrative d'un Etat membre qui envisage de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant d'un autre Etat membre de ne pas se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, mais d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. L'ensemble de ces conditions doivent être appréciées en fonction de la situation individuelle de la personne, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné par un jugement du

6 décembre 1999 à une peine de quatre mois d'emprisonnement pour agression sexuelle imposée à un mineur de quinze ans et par un jugement du 31 mars 2016 à dix-huit mois d'emprisonnement dont dix avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve de trois ans pour agression sexuelle. Pour contester la mesure d'expulsion dont il fait l'objet, M. B... se prévaut de sa résidence continue en France depuis 1990 et de la présence de son fils, C... B..., né le 15 juin 2002 et de nationalité française. Toutefois, l'intéressé n'établit une présence continue sur le territoire qu'à compter de l'année 2016. Par ailleurs, il ne démontre pas, par la seule production de photographies et de trois relevés bancaires faisant état de virements d'un montant de vingt euros, participer à l'entretien et à l'éducation de son fils qui réside chez sa mère dont M. B... est séparé. Enfin, il n'allègue pas être dépourvu d'attaches en Italie où réside sa fille ainée. Ainsi, eu égard à la nature des faits commis par le requérant, et en dépit de ses efforts de réinsertion dans le milieu professionnel et de la prise en charge psychiatrique dont il bénéficie, le préfet de police a pu estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation ni méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 521-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le comportement de l'intéressé constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société justifiant qu'une procédure d'expulsion du territoire français soit mise en œuvre à son encontre.

7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la décision par laquelle le préfet de police a prononcé l'expulsion du territoire français de M. B... ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2021.

La présidente-rapporteure,

M. HEERS

La présidente-assesseure,

C. BRIANCON

La greffière,

S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 21PA00697


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00697
Date de la décision : 24/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. - Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : PIERROT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-09-24;21pa00697 ?
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