La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/09/2021 | FRANCE | N°21PA00207

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 28 septembre 2021, 21PA00207


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière et d'autre part, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans le délai de quinze jours ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situa

tion et de lui accorder, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière et d'autre part, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans le délai de quinze jours ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui accorder, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2014920/2-2 du 14 décembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées le 14 et le 21 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Sow, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2014920/2-2 du 14 décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 24 décembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ou, à défaut, d'ordonner le réexamen de sa situation, et lui accorder une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son Conseil de la somme de

1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé en droit et en fait ;

- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle et professionnelle ;

- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie de sa demande dès lors qu'il justifiait d'une présence en France supérieure à dix années, conformément aux dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 42 de l'accord franco-sénégalais ; l'arrêté attaqué est en conséquence entaché d'un vice de procédure ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 2 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié ;

- l'ancienneté de son séjour en France et sa bonne intégration professionnelle constituent des motifs exceptionnels d'admission au séjour au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- eu égard à la durée de son séjour, à sa vie familiale et à son intégration professionnelle, l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cet arrêté est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, familiale et professionnelle ;

Par un mémoire, enregistré le 1er septembre 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-sénégalais relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal du 23 septembre 2006 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant sénégalais né le 10 octobre 1985, est entré en France le

28 août 2010 avec un visa Schengen. Il a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié et des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 28 octobre 2019. Par un arrêté du 24 décembre 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. M. B... relève appel du jugement du 14 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. M. B... reprend en appel le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait insuffisamment motivé sa décision. Toutefois, il ressort de cette décision qu'elle comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. La circonstance qu'elle indique que M. B... est entré en France en 2010 " selon ses déclarations " alors qu'il établit être entré en France régulièrement le 28 août 2010, ne suffit pas à établir que le préfet aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen complet de la situation personnelle de M. B.... Ces moyens doivent être écartés.

3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut- être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en août 2010. Par suite, M. B... ne pouvait se prévaloir, à la date de l'arrêté contesté du 24 décembre 2019, d'une durée de résidence habituelle en France de plus de dix ans. Ainsi, en refusant de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans soumettre pour avis sa demande exceptionnelle d'admission au séjour à la commission du titre de séjour, le préfet de police n'a pas entaché d'irrégularité la procédure suivie.

5. D'une part, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelait l'article L. 111-2 du même code, applicable au litige " sous réserve des conventions internationales ". Les ressortissants sénégalais sont donc soumis à la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ainsi qu'à l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, telles que modifiées par un avenant signé le 25 février 2008.

6. D'autre part, aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; /- soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ".

7. Enfin, le premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ".

8. Le paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, stipule expressément que les ressortissants sénégalais en situation irrégulière sur le territoire français sont soumis à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. M. B... a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour une promesse d'embauche et un contrat à durée indéterminée pour exercer les fonctions de plongeur au sein d'un restaurant, emploi qui peut être assimilé à celui d'employé polyvalent dans la restauration mentionné dans la liste figurant en annexe IV de l'accord franco-sénégalais. Toutefois, les stipulations précitées de cet accord n'imposent pas à l'administration de délivrer au ressortissant sénégalais qui se prévaut d'une telle promesse d'embauche un titre de séjour portant la mention " salarié ", dès lors que le renvoi " à l'application de la législation française " permet au préfet d'examiner la demande d'admission exceptionnelle au séjour dans les conditions posées par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour accorder cette admission exceptionnelle au séjour, laquelle ne constitue pas un droit selon les termes de l'accord franco-sénégalais, le préfet doit prendre en considération la situation personnelle de l'intéressé. La circonstance que M. B... vivrait en France de manière continue depuis août 2010 ne constitue pas un motif humanitaire ou exceptionnel, pas plus que l'existence d'une promesse d'embauche et la signature d'un contrat de travail pour un emploi de plongeur. Par suite, et alors même que cette profession relèverait des emplois figurant en annexe à l'accord franco-sénégalais auxquels n'est pas opposable la seule situation de l'emploi, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'accord franco-sénégalais précitées et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. B....

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ... ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ".

11. Si M. B... soutient qu'il réside en France depuis août 2010, les éléments de preuve qu'il fournit, principalement constitués d'ordonnances et d'analyses médicales et de documents bancaires et administratifs, ne permettent pas d'apprécier son insertion dans la société française, ses conditions d'existence et l'intensité de ses liens personnels et familiaux en France. S'il évoque la naissance de sa fille le 7 juin 2020, au demeurant postérieure à la date de l'arrêté litigieux et son concubinage avec la mère de l'enfant, une compatriote en situation régulière, depuis novembre 2019, il ne fait état d'aucune circonstance particulière faisant obstacle à la poursuite d'une vie familiale normale avec ces dernières au Sénégal. En outre, M. B... dispose d'attaches dans son pays d'origine, où réside sa mère et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-quatre ans. Dans ces conditions, en dépit de la durée du séjour du demandeur en France, l'arrêté litigieux n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. Enfin, pour les motifs susévoqués, la décision en litige n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de

M. B....

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par

M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le requérant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de police.

Délibéré après l'audience publique du 7 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 septembre 2021.

La rapporteure,

M. C... Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

21PA00207 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00207
Date de la décision : 28/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SOW

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-09-28;21pa00207 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award