La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/11/2021 | FRANCE | N°20PA03776

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 03 novembre 2021, 20PA03776


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 26 avril 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.

Par une ordonnance du 6 juillet 2020, la première vice-présidente du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis la requête de M. C... au Tribunal administratif

de Montreuil.

Par un jugement n° 2006325 du 6 novembre 2020, le Tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 26 avril 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.

Par une ordonnance du 6 juillet 2020, la première vice-présidente du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis la requête de M. C... au Tribunal administratif de Montreuil.

Par un jugement n° 2006325 du 6 novembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 26 avril 2020 en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 décembre 2020 et le 4 mars 2021, M. C..., représenté par Me Alimi demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2006325 du 6 novembre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2020 du préfet des Hauts-de-Seine en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et refus de délai de départ volontaire ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours, à compter la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- l'auteur de l'acte est incompétent ;

- la procédure est irrégulière dès lors que la décision lui a été notifiée dans une langue qu'il ne comprend pas et qu'aucun interprète n'était présent de telle sorte que les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- il n'a pas été mis en mesure de présenter des observations ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant refus de départ volontaire :

- l'auteur de l'acte est incompétent ;

- la procédure est irrégulière dès lors que la décision lui a été notifiée dans une langue qu'il ne comprend pas et qu'aucun interprète n'était présent de telle sorte que les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure qu'il ne présente pas de risque de fuite ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 janvier 2021, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 27 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 mars 2021 à 12h.

Un mémoire, présenté par M. C... a été enregistré le 8 octobre 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jurin,

- et les observations de Me Klaric, avocate de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant égyptien, est entré en France en 2011, selon ses déclarations. Par arrêté du 26 avril 2020, le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une période de vingt-quatre mois. Par un jugement n° 2006325 du 6 novembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 26 avril 2020 en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. C.... M. C... interjette appel du jugement du 6 novembre 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les moyens communs aux décisions contestées :

2. M. D... B..., sous-préfet, directeur de cabinet du préfet des Hauts-de-Seine et signataire de l'arrêté contesté, bénéficie d'une délégation de signature du 18 janvier 2019, régulièrement publiée, à l'effet de signer les décisions d'obligation de quitter le territoire français et d'interdiction de retour prises en application des dispositions de l'article L. 511-1 à L. 511-5 et L. 513-1 à L. 513-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige doit, par suite, être écarté.

3. Les conditions dans lesquelles une obligation de quitter le territoire français et une décision portant refus de délai de départ volontaire sont notifiées sont sans incidence sur la légalité de ces décisions. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige n'aurait pas été régulièrement notifié à M. C..., dans une langue qu'il comprend et avec l'assistance d'un interprète, doit être écarté comme étant inopérant.

4. L'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application, notamment les dispositions et stipulations applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il comporte également les considérations de fait qui en constituent le fondement. Par suite, cet arrêté est suffisamment motivé.

Sur l'obligation de quitter le territoire :

5. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre [...] ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. [...] ".

6. Le droit d'être entendu relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Le droit d'être entendu ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

7. M. C... soutient ne pas avoir pu présenter ses observations préalablement à la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée. Il ressort des pièces du dossier d'appel que M. C... a été entendu par les services de police le 26 avril 2020, préalablement au prononcé de l'arrêté attaqué. Il résulte, d'une part, du procès-verbal de cette audition, signé par lui sans réserve, que l'intéressé a été entendu sur sa situation familiale et ses moyens d'existence en France, sur la régularité de sa situation administrative, sur son pays d'origine et sur son entrée sur le territoire français. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de s'exprimer avant que ne soit pris l'arrêté litigieux. Enfin, si le requérant indique qu'il n'a pu répondre aux questions posées en raison de l'absence d'un interprète pour l'assister, il ressort toutefois du procès-verbal qu'il a répondu en français aux questions qui lui ont été posées et qu'il a pu s'expliquer sur sa situation administrative en France. Il a ainsi disposé de la faculté, alors qu'il ne pouvait sérieusement ignorer qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, de présenter, lors de cet entretien, toutes les observations qu'il estimait utiles avant l'édiction de la décision qu'il attaque. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté comme manquant en fait.

8. M. C... soutient qu'il réside en France depuis neuf ans et qu'il y dispose de tous ses centres d'intérêts. Il soutient en outre qu'il a été victime de violences policières et de propos racistes et qu'aucune information ne lui a été communiquée à la suite de son dépôt de plainte. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. C... est marié avec une ressortissante de nationalité roumaine avec laquelle il a un enfant et qui ne vit pas sur le territoire français à la date de l'arrêté attaqué. En outre, les éléments produits ne permettent pas d'établir la réalité et la continuité de sa présence sur le territoire français depuis neuf années. Enfin, M. C... n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Egypte, où il a vécu jusqu'à l'âge de 20 ans. Dans ces conditions, eu égard notamment tant à la durée qu'aux conditions de son séjour en France, et quand bien même il disposerait d'une promesse d'embauche, ce qu'au demeurant il n'établit pas, la décision contestée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. C... une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Ainsi, elle n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

9. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est entré irrégulièrement sur le territoire français et n'a pas demandé son admission au séjour. Par suite, le préfet a pu légalement ne pas assortir l'obligation de quitter le territoire français d'un délai de départ volontaire en application des dispositions du a) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Pour les mêmes motifs que ceux susmentionnés, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en n'accordant pas de délai de départ volontaire à M. C....

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de délai de départ volontaire. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 novembre 2021.

La rapporteure,

E. JURINLe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA03776 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03776
Date de la décision : 03/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01-02 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. - Légalité externe. - Motivation.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : Arié Alimi Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-03;20pa03776 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award