La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2021 | FRANCE | N°19PA02054

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 09 novembre 2021, 19PA02054


Vu les procédures suivantes :

I. Requête N° 19PA02054 des sociétés Multiservices - Tahiti Vidanges et Polynésie Agrégats :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement formé des sociétés Multiservices - Tahiti Vidanges, Entreprise Wholer et Polynésie Agrégats, dont la société Multiservices - Tahiti Vidanges est le mandataire, a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler le marché de travaux conclu le 27 juillet 2017 entre la Polynésie française et le groupement EPC, Chong On Yin, Interoute et Palacz, relatif aux travaux

de protection des berges de rivières et de littoral de la côte est de l'île de Tahiti,...

Vu les procédures suivantes :

I. Requête N° 19PA02054 des sociétés Multiservices - Tahiti Vidanges et Polynésie Agrégats :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement formé des sociétés Multiservices - Tahiti Vidanges, Entreprise Wholer et Polynésie Agrégats, dont la société Multiservices - Tahiti Vidanges est le mandataire, a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler le marché de travaux conclu le 27 juillet 2017 entre la Polynésie française et le groupement EPC, Chong On Yin, Interoute et Palacz, relatif aux travaux de protection des berges de rivières et de littoral de la côte est de l'île de Tahiti, dans les communes de Papeete, Pirae, Arue, Mahina et Hitia'a O Te Ra.

Par un jugement n° 1700411 du 28 septembre 2018, le tribunal administratif a, avant dire droit, ordonné à la Polynésie française de produire le rapport d'analyse du critère technique (annexe 3 au rapport de présentation du marché), ainsi que le mémoire technique contenu dans l'offre du groupement attributaire.

Par un jugement n° 1700411 du 26 mars 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté la demande du groupement formé des sociétés Multiservices - Tahiti Vidanges, Entreprise Wholer et Polynésie Agrégats.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juin 2019, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 25 juillet 2019, les sociétés Multiservices - Tahiti Vidanges et Polynésie Agrégats, représentées par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du

26 mars 2019 ;

2°) d'annuler ou, à tout le moins, de résilier le marché de travaux mentionné ci-dessus ;

3°) de mettre à la charge des défendeurs une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement du tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré d'un détournement de procédure ;

- la Polynésie française a commis une erreur dans l'appréciation et dans la notation de leur offre et de celle du groupement attributaire ;

- elle a eu recours à la procédure du marché à bons de commande sans minimum, ni maximum, en méconnaissance de l'article 12 du code des marchés publics de la Polynésie française ;

- elle a défini ses besoins de manière insuffisamment précise et de manière contradictoire, en violation de l'article 11 du même code, ce qui a procuré un avantage à l'attributaire sortant ;

- le principe d'égalité a été méconnu, les candidats ne disposant pas de mêmes informations ;

- contrairement à ce que jugé le tribunal administratif, il appartenait au pouvoir adjudicateur, au stade du choix des offres, de vérifier les données fournies par les candidats ;

- les critères de sélection retenus par la Polynésie française étaient insuffisamment précis au regard des principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats, et lui ont laissé un pouvoir discrétionnaire ;

- la méthode de notation utilisée s'agissant du sous-critère tenant au matériel a irrégulièrement conduit à prendre en compte du matériel du groupement attributaire, non affecté au chantier, et ainsi à utiliser irrégulièrement les critères de jugement des candidatures au stade du choix des offres, et à remettre en cause l'un des sous-critères retenus pour apprécier les offres ; elle était contraire aux principes de transparence et d'égalité de traitement des candidats ;

- le groupement attributaire ne disposait pas du matériel pour exécuter le marché, et notamment d'une drague ; il ne pouvait donc obtenir la moyenne s'agissant du sous-critère tenant au matériel ;

- le groupement attributaire ne détenait pas non plus le stock d'enrochement nécessaire au marché ; les notes attribuées s'agissant du sous-critère tenant au stock d'enrochement sont erronées ;

- le groupement attributaire s'est vu attribuer les cinq marchés pour lesquels il avait présenté sa candidature ;

- ces irrégularités sont d'une gravité telle qu'elle justifie l'annulation ou, à tout le moins, la résiliation du marché.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 6 avril 2020 et le 30 août 2021, la Polynésie française, représentée par Me Dubois, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge solidaire des sociétés Multiservices - Tahiti Vidanges et Polynésie Agrégats sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 10 septembre 2020, les sociétés Multiservices - Tahiti Vidanges et Polynésie Agrégats concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Par une ordonnance du 2 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

17 septembre 2021.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de résiliation du marché, la durée du marché étant venue à expiration.

II. Requête N° 19PA02055 de l'entreprise Tapare Vetea :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise Tapare Vetea a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler le marché de travaux conclu le 27 juillet 2017 entre la Polynésie française et le groupement EPC, Chong On Yin, Interoute et Palacz, relatif aux travaux de protection des berges de rivières et de littoral de la côte est de l'île de Tahiti, dans les communes de Papeete, Pirae, Arue, Mahina et Hitia'a O Te Ra.

Par un jugement n° 1700410 du 28 septembre 2018, le tribunal administratif a, avant dire droit, ordonné à la Polynésie française de produire le rapport d'analyse du critère technique (annexe 3 au rapport de présentation du marché), ainsi que le mémoire technique contenu dans l'offre du groupement attributaire.

Par un jugement n° 1700410 du 26 mars 2019, le Tribunal administratif de

la Polynésie française a rejeté la demande de l'entreprise Tapare Vetea.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juin 2019, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 25 juillet 2019, l'entreprise Tapare Vetea, représentée par la SCP Boulloche, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du

26 mars 2019 ;

2°) d'annuler ou, à tout le moins, de résilier le marché de travaux mentionné ci-dessus ;

3°) de mettre à la charge des défendeurs une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir les mêmes moyens que les sociétés Multiservices - Tahiti Vidanges et Polynésie Agrégats dans la requête N° 19PA02054, et soutient en outre qu'elle disposait du matériel pour exécuter le marché.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 6 avril 2020 et le 30 août 2021, la Polynésie française, représentée par Me Dubois, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'entreprise Tapare Vetea sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 10 septembre 2020, l'entreprise Tapare Vetea conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Par une ordonnance du 2 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

17 septembre 2021.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de résiliation du marché, la durée du marché étant venue à expiration.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des marchés publics de la Polynésie française et de ses établissements publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- et les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence du 17 mars 2017, la Polynésie française a lancé un appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un marché à bons de commande relatif aux travaux de protection des berges de rivières et de littoral de la côte est de l'île de Tahiti, dans les communes de Papeete, Pirae, Arue, Mahina et Hitia'a O Te Ra. Par deux courriers du

18 juillet 2017, la Polynésie française a informé l'entreprise Tapare Vetea et le groupement formé des sociétés Multiservices - Tahiti Vidanges, Entreprise Wholer et Polynésie Agrégats, dont la société Multiservices - Tahiti Vidanges était le mandataire, de ce que leurs offres n'avaient pas été retenues, et du choix de l'offre du groupement EPC, Chong On Yin, Interoute et Palacz. Le groupement Multiservices - Tahiti Vidanges, d'une part, et l'entreprise Tapare Vetea, d'autre part, ont demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler ce marché. Les sociétés Multiservices - Tahiti Vidanges et Polynésie Agrégats et l'entreprise Tapare Vetea font appel des jugements du 26 mars 2019 par lesquels le tribunal administratif a rejeté leurs demandes.

2. Il y a lieu de joindre les requêtes des sociétés Multiservices - Tahiti Vidanges et Polynésie Agrégats, d'une part, et de l'entreprise Tapare Vetea, d'autre part, qui concernent le même marché.

Sur la requête des sociétés Multiservices - Tahiti Vidanges et Polynésie Agrégats :

En ce qui concerne la régularité du jugement n° 1700411 du Tribunal administratif de la Polynésie française du 26 mars 2019 :

3. Il ressort du mémoire complémentaire présenté par le groupement Multiservices - Tahiti Vidanges devant le tribunal administratif le 23 février 2019 (p. 7) qu'il a entendu contester " un véritable détournement de la procédure des marchés à bons de commandes " du fait de l'attribution systématique au groupement EPC de tous les marchés publics relatifs aux travaux d'enrochement de l'île de Tahiti. Or, le jugement attaqué n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant. Ce jugement doit donc être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le groupement formé des sociétés Multiservices - Tahiti Vidanges, Entreprise Wholer et Polynésie Agrégats, devant le Tribunal administratif de la Polynésie française.

En ce qui concerne le cadre juridique du litige :

5. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Un concurrent évincé ne peut ainsi invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

6. Saisi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

7. Par ailleurs, aux termes de l'article 25 du code des marchés publics de la Polynésie française et de ses établissements publics, alors applicable : " (...) II - Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'autorité compétente se fonde : 1° soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement. (...) III - Lorsque plusieurs critères sont prévus, l'autorité compétente précise leur pondération dans l'avis d'appel d'offres. La pondération peut être exprimée notamment par l'affectation d'un nombre de points, d'un coefficient ou d'un pourcentage par critère. L'autorité compétente peut avoir recours à des sous-critères pour mettre en œuvre les critères de jugement des offres mentionnés au II-1°. Dans ce cas, elle les mentionne dans l'avis d'appel d'offres. Ces sous-critères peuvent faire l'objet d'une pondération. Lorsque la nature et l'importance de la pondération affectant les sous-critères sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation et la sélection des offres, elle est portée à la connaissance des candidats dans l'avis d'appel d'offres (...) ".

8. Il résulte du règlement particulier d'appel d'offres, dans son article 04.01, que les offres devaient être jugées selon les critères d'attribution pondérés suivants : " 1) prix : 60 (...) / 2) Valeur technique appréciée au regard du mémoire technique : 40 / Selon les sous critères suivants : a. Matériel affecté au chantier (15 points) / b. Stock d'enrochement disponible (15 points) (...) ". L'article 03.01 du même règlement précise que le mémoire technique produit par chaque candidat devait comprendre : " (...) 1. Une note explicitant le matériel affecté aux chantiers. L'entreprise précisera : son parc à matériel / les engins de son parc à matériel qu'elle affectera au chantier ; / 2. Une note sur le stock d'enrochement dont elle dispose. A ce titre les renseignements suivants seront donnés : volume du stock disponible / site d'entreposage / Le candidat pourra, en cas de stock inexistant, soit fournir un arrêté d'autorisation en cours de validité (...) ".

9. Enfin, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces critères. Il doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. Il n'est, en revanche, pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation des offres.

10. Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Il peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour l'élaboration de la note des critères que les modalités de détermination de cette note par combinaison de ces éléments d'appréciation. Une méthode de notation est toutefois entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d'appréciation pris en compte pour noter les critères de sélection des offres sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ou si les modalités de détermination de la note des critères de sélection par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n'y est pas tenu, aurait rendu publique, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode de notation.

En ce qui concerne la demande présentée par le groupement formé des sociétés Multiservices - Tahiti Vidanges, Entreprise Wholer et Polynésie Agrégats devant le Tribunal administratif de la Polynésie française :

11. Il résulte de l'instruction que le groupement Multiservices - Tahiti Vidanges a obtenu une note de 52 / 60 pour le critère du prix et de 28 / 40 pour le critère de la valeur technique, soit un total de 80 points, alors que le groupement EPC attributaire a obtenu une note de 48 pour le critère du prix et de 37 pour le critère technique, soit un total de 85 points.

12. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 5, les moyens tirés de l'absence de précision dans l'avis d'attribution sur les modalités de consultation du contrat et de ce que le groupement attributaire ne disposait pas du personnel suffisant pour exécuter le marché, qui ne sont tirés d'aucun vice d'ordre public et sont sans rapport avec l'éviction du groupement Multiservices - Tahiti Vidanges, ne peuvent être qu'écartés comme inopérants.

13. En deuxième lieu, si le groupement Multiservices - Tahiti Vidanges fait état d'une irrégularité dans le recours à la procédure du marché à bons de commande sans minimum, ni maximum, au regard de l'article 12 du code des marchés publics de la Polynésie française et de ses établissements publics, alors applicable, ou d'un détournement de cette procédure, d'une insuffisance de précision ou de contradictions dans la définition du besoin à satisfaire au regard de l'article 11 du même code, de l'absence de précision dans l'appel d'offres sur les quantités de prestations à fournir, d'inégalités entre les informations dont disposaient les candidats, du fait de la situation particulière de l'attributaire sortant, et de l'absence de vérification des informations données par les candidats au stade de l'analyse des offres, ces vices, à les supposer même établis, ne présentent en tout état de cause pas un caractère de particulière gravité de nature à justifier l'annulation du marché. Il en va de même des vices affectant la notation des sous-critères tenant au matériel et au stock d'enrochement.

14. En troisième lieu, les conclusions présentées à titre subsidiaire par le groupement Multiservices - Tahiti Vidanges à fin de résiliation du marché sont devenues sans objet, la durée du marché étant venue à expiration. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur la requête de l'entreprise Tapare Vetea :

En ce qui concerne la régularité du jugement n° 1700410 du Tribunal administratif de la Polynésie française du 26 mars 2019 :

15. Il ressort du mémoire complémentaire présenté par l'entreprise Tapare Vetea devant le tribunal administratif le 23 février 2019 (p. 6) qu'elle a entendu contester " un véritable détournement de la procédure des marchés à bons de commandes " du fait de l'attribution systématique au groupement EPC de tous les marchés publics relatifs aux travaux d'enrochement de l'île de Tahiti. Or, le jugement attaqué n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant. Ce jugement doit donc être annulé.

En ce qui concerne la demande présentée par l'entreprise Tapare Vetea devant le Tribunal administratif de la Polynésie française :

16. Les moyens soulevés par l'entreprise Tapare Vetea pour demander l'annulation du marché en litige doivent être écartés par voie d'évocation, pour les motifs exposés aux points 12 et 13 ci-dessus.

17. Les conclusions présentées à titre subsidiaire par l'entreprise Tapare Vetea à fin de résiliation du marché sont devenues sans objet, la durée du marché étant venue à expiration.

Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700411 du Tribunal administratif de la Polynésie française du

26 mars 2019 est annulé.

Article 2 : Le jugement n° 1700410 du Tribunal administratif de la Polynésie française du

26 mars 2019 est annulé.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions subsidiaires des sociétés Multiservices- Tahiti Vidanges et Polynésie Agrégats et de l'entreprise Tapare Vetea à fin de résiliation du marché de travaux, conclu le 27 juillet 2017 entre la Polynésie française et le groupement EPC, relatif aux travaux de protection des berges de rivières et de littoral de la côte est de l'île de Tahiti, dans les communes de Papeete, Pirae, Arue, Mahina et Hitia'a O Te Ra.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties devant le Tribunal administratif de la

Polynésie française et devant la Cour est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Multiservices - Tahiti Vidanges, Entreprise Wholer et Polynésie Agrégats, à l'entreprise Tapare Vetea, à la Polynésie française, et aux sociétés EPC, Chong On Yin, Interoute et Palacz.

Copie en sera adressée pour information au ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 novembre 2021.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 19PA02054, 19PA02055


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02054
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : DUBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-09;19pa02054 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award