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18/11/2021 | FRANCE | N°20PA03533

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 18 novembre 2021, 20PA03533


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le Défenseur des droits à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices qui résulteraient pour lui de fautes commises dans le traitement de sa dénonciation d'agissements discriminatoires par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Par un jugement n° 1918069/6-3 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

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Par une requête enregistrée le 24 novembre 2021 et un mémoire en réplique enregistré le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le Défenseur des droits à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices qui résulteraient pour lui de fautes commises dans le traitement de sa dénonciation d'agissements discriminatoires par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Par un jugement n° 1918069/6-3 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 novembre 2021 et un mémoire en réplique enregistré le 25 juin 2021, M. B..., représenté par Me Andrieux, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1918069/6-3 du tribunal administratif de Paris, en date du 24 septembre 2020 ;

2°) de condamner le Défenseur des droits à lui verser la somme de 300 000 euros, assortie des intérêts à compter de sa réclamation préalable et des intérêts des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier au regard des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, faute de comporter une analyse complète des moyens développés par les parties ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ne l'avait pas informé des recours envisageables sur le terrain civil ou administratif et l'a induit en erreur en lui indiquant seulement qu'une action pénale était prescrite ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en lui faisant supporter la charge de la preuve ;

- la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité a commis des fautes engageant sa responsabilité ;

- sa plainte n'a pas été instruite ou de manière excessivement sommaire, seul un appel téléphonique ayant été passé ;

- c'est à l'administration de démontrer qu'elle a normalement instruit la plainte dont elle était saisie ;

- la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité n'a pas fourni les renseignements appropriés ;

- il a subi un préjudice moral, des troubles dans ses conditions d'existence et une perte de chance d'obtenir un emploi ;

- la fin de non-recevoir opposée en défense n'est pas fondée ; le préjudice invoqué présentant un caractère continu, il n'y a pas identité de demande ; ayant eu accès au dossier de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, il produit des éléments nouveaux.

Par un mémoire enregistré le 23 avril 2021, le Défenseur des droits demande à la Cour de rejeter la requête de M. B....

Il fait valoir que :

- la requête de première instance était irrecevable, compte tenu de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêté de la Cour administrative d'appel de Paris n° 11PA02928 du 9 février 2012 et à la décision de non admission du pourvoi en cassation rendue par le Conseil d'Etat le 28 décembre 2012 ;

- le jugement est régulier ;

- la responsabilité du Défenseur des droits n'est pas engagée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son titre XIbis ;

- la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits ;

- la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Doré,

- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a, par courrier en date du 14 septembre 2005, saisi la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, à laquelle a succédé le Défenseur des droits, d'une réclamation au motif qu'il aurait été victime de discriminations au cours de l'année scolaire 1999-2000, alors qu'il était étudiant en BTS " électronique " au lycée du Grésivaudan à Meylan (Isère) et travaillait, dans le cadre d'une formation en alternance, au sein de la société STMicroelectronics. Par une lettre en date du 13 mars 2006, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité l'a informé avoir décidé de ne pas donner suite à sa réclamation, au motif que les éléments recueillis ne permettaient pas d'établir l'existence d'une discrimination. Le 12 novembre 2018 et le 10 avril 2019, M. B... a saisi le Défenseur des droits d'une réclamation à fin indemnitaire, qui a été rejetée par une décision du 17 juin 2019. M. B..., qui doit être regardé comme demandant la condamnation de l'État à lui verser une somme de 300 000 euros assortie des intérêts au taux légal, demande à la Cour d'annuler le jugement du 24 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. ".

3. Si M. B... soutient que le jugement attaqué n'analyse pas l'ensemble des écritures des parties, il ressort des visas du jugement attaqué que le tribunal administratif de Paris, qui a notamment relevé qu'il soutenait que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité avait failli à son obligation de conseil et d'information, a analysé les conclusions et mémoires dont il a été saisi. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ne peut dès lors qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

5. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments que M. B... a suffisamment développés au soutien de ses conclusions indemnitaires, a exposé, au point 2 du jugement, les motifs pour lesquels il a estimé que ces conclusions étaient infondées, relevant qu'aucune des fautes invoquées par le requérant n'était établie. Par suite, le jugement attaqué satisfait aux exigences de motivation posées par l'article L. 9 du code de justice administrative.

6. En dernier lieu, si M. B... soutient que le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit en lui faisant supporter la charge de la preuve, une telle erreur affecterait en tout état de cause le bien-fondé du jugement, dont il appartient au juge d'appel de connaitre dans le cadre de l'effet dévolutif, et non au titre de la régularité dudit jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. Par un arrêt n° 11PA02928 du 9 février 2012 devenu définitif, la Cour a rejeté les demandes de M. B... tendant à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des agissements de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité à raison du courrier du 13 mars 2006 par lequel il a été décidé de ne pas donner suite à sa réclamation et à l'indemnisation des préjudices allégués, à savoir, selon les termes de la réclamation préalable du 6 mars 2009, un " préjudice professionnel notable " et un " préjudice moral qui s'est traduit par une dégradation de son état de santé psychologique ".

8. La nouvelle demande d'indemnisation de M. B... étant également fondée sur une faute que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité aurait commise, elle présente, avec le litige déjà tranché par l'arrêt du 9 février 2012, une identité de cause et de parties. Elle présente également avec lui une identité d'objet dès lors que, si M. B... demande spécifiquement l'indemnisation de son préjudice moral, de troubles dans ses conditions d'existence et du préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir un emploi, ces préjudices correspondent aux conséquences du fait générateur déjà invoqué et ne correspondent notamment pas à l'aggravation de préjudices évolutifs. Dans ces conditions, alors même que les préjudices invoqués sont continus, les conclusions de M. B... tendent en réalité à la réparation du même dommage. Enfin, la circonstance que le requérant, ayant été mis à même de consulter le dossier de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, a eu accès à des pièces nouvelles est sans incidence sur cette identité d'objet, l'arrêt du 9 février 2012 étant revêtu de l'autorité de la chose jugée quand bien même il est motivé par le fait que M. B... n'apportait alors aucun élément de nature à établir l'existence d'une faute de cette autorité. Ainsi, compte tenu de l'identité d'objet, de cause et de parties dans le présent litige, l'autorité de chose jugée par la Cour le 9 février 2012 fait obstacle à ce que la Cour examine à nouveau la demande de M. B....

9. Au demeurant, d'une part, aux termes de l'article 1er de la loi du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, alors en vigueur : " Il est institué une autorité administrative indépendante dénommée haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. / La haute autorité est compétente pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie ". Aux termes du premier alinéa de l'article 4 de la même loi : " Toute personne qui s'estime victime de discrimination peut saisir la haute autorité, dans des conditions précisées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes du premier alinéa de l'article 5 de cette loi : " La haute autorité recueille toute information sur les faits portés à sa connaissance ". Enfin, en vertu des articles 5, 11 et 11-1 de cette loi, la haute autorité pouvait, respectivement, procéder à une médiation, formuler des " recommandations " tendant à remédier à tout fait ou à toute pratique qu'elle estime être discriminatoire, ou à en prévenir le renouvellement ou proposer une transaction pénale.

10. D'autre part, aux termes du dernier alinéa du II de l'article 44 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits : " (...) À compter du premier jour du deuxième mois suivant la promulgation de la présente loi organique, le Défenseur des droits succède (...) à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité dans leurs droits et obligations au titre de leurs activités respectives ".

11. Il résulte de l'instruction, notamment de la note de situation établie le 8 février 2006 par les services de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, que la réclamation de M. B... a fait l'objet d'une analyse détaillée et a été instruite conformément aux obligations incombant à cette autorité. En particulier, et contrairement à ce que prétend M. B..., la Haute autorité ne s'est pas contentée de contacter le responsable académique en charge du suivi de son dossier, mais s'est également fondée sur le classement sans suite de sa plainte par le Procureur de la République de Grenoble, sur les résultats de l'enquête diligentée par le recteur de l'académie de Grenoble, sur les propres déclarations de l'intéressé et sur l'absence de preuve de ses allégations. Par ailleurs, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, qui n'est pas tenue à un devoir de conseil, s'est bornée à relever que l'enquête conduite n'avait pas permis de recueillir des éléments permettant d'établir l'existence d'une discrimination et que les faits dénoncés ayant été commis plus de trois ans auparavant, aucune action pénale ne pouvait plus être engagée. Elle n'a donc pas communiqué à M. B... des informations erronées quant à ses possibilités d'actions civiles ou administratives. Il résulte ainsi de l'instruction qu'aucune faute ne peut être reprochée à l'État du fait des agissements de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B... au titre des frais de procédure qu'il a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au Défenseur des droits.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 novembre 2021.

Le rapporteur,

F. DORÉLe président,

S. DIÉMERT

La greffière,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au Premier ministre en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03533


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03533
Date de la décision : 18/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

52-06 Pouvoirs publics et autorités indépendantes.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : ANDRIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-18;20pa03533 ?
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